Les touristes proviennent à 60 % des départements limitrophes de la ViaRhôna. @Antoine Merlet
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ViaRhôna au sud de Lyon : l’histoire sans fin d’un blocage

Le tronçon entre Lyon et Givors fait de la résistance. La quasi-totalité du tracé de la ViaRhôna, cette piste cyclable longeant tout le Rhône, est pourtant terminée. Les raisons sont à la fois politiques et techniques, alors que la Région AURA rejette la maîtrise d'ouvrage et son financement. Explications.

Une béance. Le dernier tronçon non aménagé de la ViaRhôna se situe dans l’agglomération lyonnaise. Pourtant, cet itinéraire idyllique reliant le lac Léman (Suisse) à la Méditerranée a de quoi faire rêver : 815 kilomètres de piste cyclable longeant le Rhône, faite de paysages incroyables et de cités vénérables telles qu’Aigues-Mortes, Avignon, Viviers, Valence… et Lyon. Toutes ces villes ont pensé l’entrée des cyclotouristes dans leur enceinte, sauf la capitale des Gaules qui reste à la traîne. Il demeure 18 kilomètres de piste à construire entre Confluence et Givors où la ViaRhôna reprend. Dans les faits, la réalisation de cette portion au sud de Lyon fait consensus. Métropole, Région Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA), associations, maires : toutes les factions politiques reconnaissent la nécessité d’avancer. Le nœud est à la fois politique et technique. Le point qui coince porte sur le tracé détaillé du passage de la piste cyclable. Un débat qui date, s’enfonce et retarde les décisions au point qu’aucun tracé n’est encore validé par les services de l’État depuis 2005 et les premiers kilomètres. En attendant, le site officiel de la ViaRhôna conseille de prendre le train jusqu’à Givors afin d’éviter le “fort trafic”. À la loupe, le circuit provisoire traverse le centre de Pierre-Bénite après le pont de La Mulatière de Confluence, pour ensuite suivre la D315, avant de prendre le pont de Vernaison et longer l’autoroute jusqu’à Givors. Pas de quoi faire rêver un cycliste, même du dimanche. [Actualisation] Or, selon les informations de Lyon Capitale du vendredi 1er juillet, la Région AURA de Laurent Wauquiez (LR) rejette la maîtrise d'ouvrage et le financement de cette portion. C'est donc à la Métropole de Lyon de Bruno Bernard (EELV) que revient cette charge, non prévue dans les budgets et sans qu'aucun tracé ne soit encore à l'étude. Autrement dit, la route sera encore longue avant qu'un nouvel itinéraire émerge. (cf. plus bas : les pistes envisagées par les élus écologistes de la Métropole)

24 ans de négociations en vain

Les cyclistes, victimes indirectes des guerres politiques ? Un paradoxe à l’heure où une majorité écologiste tient les rênes de la Métropole et de la Ville de Lyon. Mais c’est une histoire ancienne. Déjà, le 4 juillet 1998, le Grand Lyon avait inauguré une voie qui allait jusqu’à l’île de la Chèvre à Vernaison. En 2001, ce passage fut fermé, notamment parce que le Grand Lyon n’avait pas la compétence sur ces territoires et que la préfecture l’a interdit à cause de la zone Seveso. Comprendre : un risque d’accident technologique proche de la vallée de la Chimie. Sous l’autorité du préfet, les services de l’inspection des installations classées (Dreal) et le service de l’équipement (DDT) sont les institutions étatiques impliquées dans l’élaboration du périmètre de protection.

Un temps, un itinéraire fut envisagé par la rive gauche du Rhône, vite abandonné par les communes concernées pour des raisons budgétaires et, toujours, de sécurité.

Depuis, la Métropole de Lyon a mené de nombreuses recherches entre 2006 et 2015 pour essayer de négocier un tracé, sans succès. Un temps, un itinéraire fut envisagé par la rive gauche du Rhône, vite abandonné par les communes concernées pour des raisons budgétaires et, toujours, de sécurité. Un blocage étonnant quand on sait que la zone de risque englobait déjà l’autoroute, Gerland et la ligne de TGV vers le Sud. Résultat, en 2018, c’est la Région qui, à la suite d’une étude sur la fréquentation avec les régions Paca et Occitanie, retient un tracé sur les communes d’Irigny, Vernaison et Grigny sans donner alors plus de détails.
Sur le tronçon Pierre-Bénite-Givors selon la Région : 18 km; 6 communes; 200 000 usagers par an envisagés; 95 % de l’itinéraire en voie verte; 3 aires d’accueil; 7,8 millions d’euros de budget

Métropole-Région : des avancées et des reculades

En 2019, l’eau avait coulé sous les ponts et le projet semblait alors progresser. Après d’âpres négociations, la Région de Laurent Wauquiez (LR) et la Métropole de Lyon, dirigée par David Kimelfeld (LREM), s’étaient entendues sur un contrat avec l’État (CPER) : la Métropole allait réaliser le tronçon rive droite, entre Lyon et Pierre-Bénite, et le reste de la portion jusqu’à Givors revenait à la Région. La Métropole de Lyon devait ensuite prendre à sa charge l’entretien de l’ensemble. Le tracé négocié et validé par les deux parties était alors celui qui passait par les lônes du Rhône en face de Vernaison, sous condition d’un inventaire recensant les enjeux environnementaux de ces lieux protégés par des arrêtés préfectoraux de défense de l’environnement. S’en est suivie une concertation avec les associations, les riverains et le Syndicat mixte du Rhône des îles et lônes (Smiril) au sud de Lyon.

En 2020, la majorité à la Métropole change et passe aux mains des écologistes avec l’arrivée de Bruno Bernard. Les nouveaux élus, mécontents du tracé sur le plan environnemental, l’invalident en 2022.

Un travail qui aboutit à la postulation officielle d’un tracé de 18 kilomètres auprès de la préfecture, sous réserve d’une déclaration d’utilité publique et d’une modification du plan local d’urbanisme de la Métropole de Lyon. Les communes concernées sont : Pierre-Bénite, Irigny, Vernaison, Grigny et Givors. Un tracé sous la forme d’une “voie verte”, qui reprendrait un sentier préexistant, longeant les lônes du Rhône et traversant des zones naturelles remarquables où vivent de nombreuses espèces végétales et animales rares, dont le castor. Or, en 2020, la majorité à la Métropole change et passe aux mains des écologistes avec l’arrivée de Bruno Bernard. Les nouveaux élus, mécontents du tracé sur le plan environnemental, l’invalident en 2022. Une sanction qui double l’avis défavorable de l’enquête sur l’utilité publique du tracé, dans laquelle deux vice-présidents écologistes de la Métropole ont été auditionnés.

Le détail de l’enquête défavorable

Pour le détail, cette commission d’enquête publique motive son avis en raison des “insuffisances” dans la proposition de la Région. Et les enquêteurs ne mâchent pas leurs mots : “Le choix de passer dans cette zone paraît plus comme résultant d’un parti pris que d’une recherche rationnelle de tracé.” Ils reprochent notamment au dossier de ne pas prendre assez en compte les conséquences négatives sur la nature et exposent ainsi le manque d’informations du dossier de la Région : absence d’étude d’impact, absence d’alternatives à ce tracé, manque d’éléments sur les fréquentations. Dans les faits, certains passages de la piste proposée dépendent d’études encore non réalisées. Aussi, le rapport de l’enquête met en avant les potentiels conflits d’usage entre les touristes, les cyclistes se rendant au travail à Lyon, probablement nombreux, et les piétons. Il évoque ainsi certains riverains qui souhaitent un éclairage nocturne pour plus de sécurité. Un élément qui ne plaide pas en la faveur de la protection de l’environnement selon les commissaires.

Le choix de passer dans cette zone paraît plus comme résultant d’un parti pris que d’une recherche rationnelle de tracé.”

D’autre part, les enquêteurs publics soulignent les risques qu’impliquerait le chantier : “Il sera extrait 40 000 m3 de déblais correspondant à une tranchée de 5 m de large, 1 m minimum de profondeur sur les 7 kilomètres de traversée de ces zones naturelles.” La commission accuse aussi la Région de n’avoir pas suffisamment travaillé sur l’inondabilité du tracé. Elle rappelle ainsi que l’endroit où passerait l’itinéraire a été inondé trois fois en 2021 dont une fois en juillet, un des mois de l’année parmi les plus prisés par les cyclotouristes. Pour rappel, les frais d’entretien sont à la charge de la Métropole de Lyon devenue écologiste.

La Région réplique

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