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UTMB World Series : "On veut chercher à développer la présence des femmes"

L'UTMB est aujourd'hui piloté par Frédéric Lénart, directeur général UTMB Group qui organise 36 événements à travers le monde. Son CEO entend encore développer la marque dans les années à venir.

Si l'UTMB a été fondé par la famille Poletti en 2003, il y a vingt ans, l'événement est aujourd'hui dirigé par Frédéric Lénart, ancien directeur Europe Centrale d'Arcelor Mittal et ex-patron des 24 Heures du Mans. L'UTMB Group appartient majoritairement aux fondateurs et minoritairement à l'Ironman Group. La stratégie est aujourd'hui celle d'une entreprise de 69 personnes dont les contrats de sponsors se négocient à six ou sept zéros.

Lyon Capitale : Quel bilan faites-vous du circuit UTMB World Series lancé l'année dernière ?

Frédéric Lénart : Le bilan est excellent, tous les voyants sont au vert. Il faut savoir qu'on a commencé à réfléchir à ce circuit il y a trois ans, en plein Covid, au moment du confinement. La question en toile de fond était de déterminer comment on allait faire évoluer notre modèle dans les années à venir. On s'était déjà fixé 2022 comme échéance de lancement. On y a passé beaucoup de temps. Le circuit UTMB World Series a finalement démarré au printemps 2022, dans des conditions parfois un peu difficiles parce qu'on était encore dans la phase Covid sur certains pays. Et puis, il fallait faire accepter le nouveau système sportif à l'ensemble de notre communauté, des coureurs regular mais aussi des coureurs élites. On a construit ce circuit 2022 avec 25 événements. Il s'agit d'un système sportif basé sur les running stones qui permettent, pour les coureurs regular, de participer au tirage au sort pour la finale mondiale Dacia UTMB Mont-Blanc, à Chamonix, et pour les coureurs élites, une qualification directe par la performance. Ça a été un vrai changement par rapport à ce qui existait auparavant. Cela a aussi permis de simplifier notre système de qualification pour le Dacia UTMB Mont-Blanc.

On compte plus de 120 000 coureurs inscrits sur l'ensemble de nos courses UTMB World Series pour la saison 2023

Ça a donc mis un peu de temps à se mettre en place mais, à partir d'août 2022, on a senti le vrai déclic, un véritable engouement des coureurs pour rejoindre les courses à partir de septembre. Cette année, on a 36 événements dans le circuit, 11 de plus que l'année dernière. On compte plus de 120 000 coureurs inscrits sur l'ensemble de nos courses pour la saison 2023, une plateforme communautaire qui est solide avec 2,5 millions de fans qui nous suivent sur les réseaux sociaux, et un programme relationnel qui regroupe à peu près 250 000 coureurs.

Frédéric Lénart, directeur général d'UTMB Group

Quand vous parlez de simplification du système de qualification pour l'UTMB. Entendez-vous par là qu'il était à bout de souffle ? 

Oui car 2020, pour l'édition qui n'a pas eu lieu en raison du Covid, 32 000 candidats pour 10 000 places. Donc on est arrivé à la limite du système. La première chose c'était donc de réformer ce système de qualification du Dacia UTMB Mont-Blanc, et le deuxième élément c'était, à partir d'une marque forte, comment pouvait-on faire vivre une expérience UTMB sur un circuit mondial ? 

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C'est quoi au juste, « l'expérience UTMB » ?

L'expérience UTMB commence très en amont au moment où les coureurs s'inscrivent jusqu'au moment où ils passent la ligne d'arrivée, voire au-delà. On construit un système sportif qui se veut très professionnel, par la qualité de l'organisation sur place, par le cérémonial au moment du départ, par la qualité des équipes en place sur l'ensemble des parcours, sur les ravitaillements, de manière à faire en sorte que les gens puissent se sentir en parfaite sécurité dans une organisation où tout est prévu, où ils savent ce qu'ils vont retrouver d'un événement sur l'autre. Après, ce qui est important pour nous aussi, c'est de garder sur chacun des événements l'empreinte liée à la culture locale : une course en Alsace est évidemment différente d'une course à Chamonix ou en Thaïlande, on tient à garder cette spécificité. En revanche, la qualité de l'organisation doit être solide partout. 

On a encore beaucoup de progrès à faire en Amérique du Nord et en Asie, en Chine en particulier

L'UTMB World Series a été lancé. Quelle est l'étape suivante ?

On a encore beaucoup de travail. La prochaine suivante ne consiste pas à proposer une offre complémentaire, mais plutôt de continuer à développer le circuit, de co-construire des événements sur l'ensemble des territoires sur lesquels on a des communautés, parce que notre objectif, c'est que les coureurs puissent courir près de chez eux ou pas très loin de chez eux, et de ne pas être obligé de voyager pour courir, même si la découverte de nouveaux territoires, de nouvelles cultures, reste quelque chose d'important. Il faut simplement le faire dans une limite raisonnable. La première chose est donc de mailler le circuit sur l'ensemble des territoires. On est plutôt solide en Europe, on sait qu'on a encore beaucoup de progrès à faire en Amérique du Nord et en Asie, en Chine en particulier. Le deuxième point, c'est de continuer à façonner le sport et d'avoir une empreinte sur ce sport, en tout cas d'être acteur de ce sport, en proposant notamment plus d'inclusivité dans ce sport : on sait que c'est quand même un sport aujourd'hui qui est essentiellement pratiqué par des coureurs de race blanche, des catégories socioprofessionnelles plutôt élevées, et que ce sont plutôt des hommes. On veut donc plutôt chercher à développer la présence des femmes sur nos courses, notamment nombreuses sur les longues distances, on veut que les minorités aient leur place, on veut pouvoir aider des coureurs talentueux de pays où il est plus difficile de pratiquer sa passion. Notre contribution dans le développement du trail running est un axe fort de notre politique. Enfin, le dernier enjeu est celui de la durabilité : comment fait-on pour que l'empreinte de nos événements soit la moins élevée possible, comment fait-on pour que l'impact de nos événements sur les territoires soit positif. Ce sont les trois piliers de nos actions pour les années qui viennent. On sait que le modèle fonctionne, il n'y aura pas de gros changement sur le modèle global. 

Qi Min, coureur chinois élite

On ne voit effectivement pas beaucoup de coureurs noirs en trail, plus sur de la piste, en athlétisme pur. Comment l'expliquez-vous ? Par le peu de prize money proposés en trail ? 

Je pense que c'est une question culturelle. Les plus grosses communautés de trailers sont aux Etats-Unis et en Europe, en France en particulier, parce qu'on a des massifs montagneux qui se prêtent plus à ces pratiques. C'est un peu moins vrai pour les coureurs en Afrique où, en plus il y a des « petits bêtes » (rires) qui se promènent. Je pense que ce n'est pas dans la culture de ces athlètes. Mais on nous aimerait en voir venir sur notre sport. Après, ce qui est important pour nous en matière de coureurs élites, c'est de faire en sorte que les coureurs puissent vivre de leur sport, en tout cas pour ceux qui sont professionnels. Les prize money contribue effectivement à la reconnaissance qu'on doit avoir vis-à-vis de ces athlètes. Cela dit, on ne veut pas non plus que les prize money soient trop élevés pour éviter les phénomènes de dopage qu'on a pu avoir sur certaines autres disciplines,

Sur l'UTMB, la CCC et l'OCC, le vainqueur gagne 10 000€, le deuxième 5 000€, le troisième 3 000€, les 4e et 5e 1 500€ et mille euros jusqu'au 10e

Sur un UTMB, quels sont les prize money proposés ?

Sur l'UTMB, la CCC et l'OCC, le vainqueur gagne 10 000€, le deuxième 5 000€, le troisième 3 000€, les 4e et 5e 1 500€ et mille euros jusqu'au 10e, ces prize money étant remis au top 10 femmes et au top 10 hommes. L'idée n'est pas d'augmenter de façon très importante ces prize money. Dans les années qui viennent, on n'ira pas au-delà du doublement de ces prize money. Trop d'argent amène forcément des dérives dans le sport. 

En 2016, un coureur équatorien classé 5e à l'UTMB, avait été contrôlé positif à l'EPO. Malgré cela, il y a encore très peu de cas de dopage sur le circuit. Comment l'expliquez-vous ? 

Je pense que c'est une approche du sport qui est peut-être différente de celle des autres sports. Les athlètes appréhendent ce sport sous un autre angle, avec un autre œil, une autre philosophie. Mais c'est vrai que ça arrive, comme sur Sierra-Zinal l'année dernière, où les deux vainqueurs éthiopiens homme et femme ont été contrôlés positifs. On a, pour le moment, réussi à éviter cela sur le circuit UTMB mais on sait que c'est quelque chose auquel on doit être capable de répondre, donc on a aussi des programmes en piloting qui permettent de contrôler les athlètes à l'arrivée.

On a des projets de diffusion plus importants en Angleterre, en Espagne, en Italie, sur tous les grands pays du trail. 

Vous parlez de développement de l'UTMB World Series. Cela sous-tend que l'exposition médiatique du circuit va encore progresser. De quelle manière ? 

Elle a beaucoup progressé sur le Dacia UTMB Mont-Blanc l'année dernière, c'est inévitable. Elle est liée à toute la communication qu'on fait toute l'année, qui, finalement, est catalysée sur le Dacia UTMB Mont-Blanc. Oui, je pense qu'elle va encore progresser. On va donc encore médiatiser au maximum nos événements parce qu'ils contribuent à la promotion du territoire, à la promotion de ce sport mais aussi parce que c'est une contrepartie demandée par nos partenaires. On a une dizaine d'évènements qui sont couverts par un live sur les principales courses. Et on a l'ensemble de nos évènements qui sont couverts d'une manière ou d'une autre par une plateforme technologique qui permet aux fans de suivre l'évolution de la course. On a nos propres plateformes OTT (« over-the-top »), un service qui vous permet de diffuser des flux vidéo et des flux en direct sur n'importe quel appareil connecté à Internet, NdlR) donc on diffuse sur nos propres plateformes, mais effectivement on développe des partenariats assez importants avec des diffuseurs nationaux. Par exemple, en France, c'est L'Equipe qui diffuse nos images sur sa plateforme avec une très forte exposition médiatique. C'est vrai, depuis cette année, aux États-Unis avec une plateforme qui s'appelle Outside, qui est un média spécialiste du sport outdoor. C'est vrai aussi en Chine avec un diffuseur national. De manière générale, on espère avoir une stratégie pays par pays de diffusion des évènements. C'est en phase de développement, ça continue à se développer sur d'autres territoires. On a notamment des projets de diffusion plus importants en Angleterre, en Espagne, en Italie, sur tous les grands pays du trail. 

Pensez-vous vendre vos droits télé ?

Ce n'est pas notre objectif à court terme. On verra comment ça évolue dans les années qui viennent. Et puis ce n'est pas forcément dans notre intérêt, parce que c'est la première contrepartie que recherchent nos partenaires, nos sponsors. Et donc notre objectif est avant tout de développer l'exposition médiatique pour nos partenaires.

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Certains athlètes élites ont regretté et critiqué le fait que le sponsor principal de l'UTMB soit Dacia. Que leur répondez-vous ?

Déjà, je dirais qu'on respecte leur démarche : on est proche de notre communauté, donc on la respecte et on l'écoute. On est d'accord sur le fond et, d'ailleurs, nous avons énormément d'actions permettant de minimiser l'impact de nos événements sur l'environnement, pour respecter la planète. On annoncera à ce propos beaucoup de choses pendant l'UTMB. Maintenant, on est un organisateur responsable et engagé. On prend des positions qu'on estime juste pour notre sport et pour contribuer à un monde meilleur. Et on pense qu'en matière de mobilité durable, l'automobile a sa place, en matière de mobilité individuelle en particulier. Beaucoup de gens ne peuvent pas passer leur voiture, beaucoup de gens n'ont pas les moyens de s'acheter une voiture très haut de gamme, 100% électrique, et je dirai très statutaire au passage, qui sont quand même réservés une catégorie plutôt privilégiée de la population. Donc, on considère que Dacia, avec des véhicules légers, robustes, des motorisations optimisées et des véhicules accessibles au plus grand nombre, apporte une réponse à l'automobile pour les années qui viennent, en tout cas a minima , et des automobiles dans lesquels ils n'ont vraiment gardé que l'essentiel. Donc, on estime que ce n'est pas incompatible avec une approche durable. 

Vendre nos droits télé n'est pas notre objectif à court terme

Auriez-vous pu construire ce circuit sans l'Ironman Group. Que vous ont-ils apporté au final ?

Sans l'Ironman, on n’aurait jamais pu construire ce circuit, notamment parce qu'on était incapable avec nos équipes et nos moyens et nos ressources, de déployer un circuit de 25 événements en 2022 et de 36 événements cette année.  Ils sont propriétaires des événements en Océanie, aux États-Unis, en Amérique du Nord, de certains événements en Europe pour lesquels on n'aurait pas eu les moyens de les acquérir nous-mêmes. Aujourd'hui, ils gèrent à peu près la moitié du circuit. Ils nous ont apporté toute l'expérience en matière de développement d'un circuit international, notamment en matière de développement de la plateforme commerciale, développement de la plateforme de marketing et de communication, déploiement d'une ligne de produits dérivés. On aurait pu le faire, mais on aurait mis beaucoup plus de temps à le faire et puis, on aurait fait pas mal d'erreurs. 

Aujourd'hui, à qui appartient la marque UTMB ?

Majoritairement aux fondateurs, donc à la famille Poletti qui fondé l'événement il y a 20 ans et l'a organisé pendant autant de temps, et minoritairement à l'Ironman Group. Les décisions sont prises à la majorité des associés. L'Ironman est aussi très associé dans la gouvernance et dans le développement de la Series, puisqu'on a des équipes qui fonctionnent au quotidien avec eux pour déployer sur leurs événements cette fameuse expérience UTMB dont on parlait et, bien entendu, pour continuer à développer ce circuit et à l'améliorer.

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