Ruches places bellecour
Lundi 5 février, près d’un millier de ruches ont été installées sur la place Bellecour par des apiculteurs en colère. (Photo HJ)

Un millier de ruches déposées au coeur de Lyon par des apiculteurs en colère

Remontés contre les importations de miels étrangers et la mise en pause du plan Ecophyto, qui vise à réduire l’utilisation de pesticides, des apiculteurs de la région mènent une action coup de poing lundi 5 février à Lyon. 

Les blocages des agriculteurs installés aux entrées de Lyon ont été levés en fin de semaine dernière, mais la colère dans le monde agricole est encore bien présente. Désabusés par les annonces du gouvernement pour apaiser la grogne des agriculteurs, des dizaines d’apiculteurs en provenance de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes ont porté leur contestation jusqu’au coeur de Lyon lundi 5 février. 

Une "concurrence déloyale" de l'étranger

Au petit matin, près d’un millier de ruches ont été déposées sur la place Bellecour. "Ce sont principalement des ruches qui sont mortes à l’automne et cet hiver. Normalement elles devraient être pleines", confie avec une pointe d’amertume un apiculteur amateur du Rhône. Véritable cri d’alerte de la profession, cette action coup de poing menée sur la 5e plus grande place de France vise à mettre en lumière les profondes difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels du secteur. 

"Le miel qui arrive d’Ukraine rentre entre 2 et 3 euros le kilo, alors que nous [...] on est plus autour de 12-13 euros le kilo pour pouvoir s’en sortir"

Gaetan Denis, apiculteur dans la Loire

Les apiculteurs dénoncent notamment "une concurrence déloyale" de la part des producteurs étrangers. Favorisée par la levée des droits de douane depuis juin 2022, en raison de la guerre, l’importation des miels ukrainiens agace de plus en plus au sein de la profession. "Le miel qui arrive d’Ukraine rentre entre 2 et 3 euros le kilo, alors que nous par rapport à nos coûts de fonctionnement on est plus autour de 12-13 euros le kilo pour pouvoir s’en sortir", déplore Gaetan Denis. D’autant que selon cet apiculteur installé à Roche-la-Molière, dans la Loire, "souvent ce sont des miels qui viennent de trois continents différents. On voit des pots contenant du miel de Chine, d’Amérique du Sud et d’Europe de l’Est, produit dans des conditions dont on ne maîtrise pas les normes".

Les apiculteurs dénoncent notamment les importations de miels à bas prix en provenance d'Ukraine. (Photo HJ)

Une problématique que pointait déjà du doigt en mars 2023 une enquête publiée par le service de recherche de la Commission européenne et de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf). Alors que 40% du miel commercialisé France est importé, le gendarme anti fraude de l’Europe tirait la sonnette d’alarme en révélant que la moitié de ce miel est suspectée d’être frelatée, notamment via l’ajout de sirops de sucre, créés avec du blé, de riz ou de la betterave. Un moyen de faire baisser son prix de vente et qui va à l’encontre de la législation européenne qui stipule que le miel, qui contient naturellement des sucres, doit rester pur. "Il ne peut y avoir d’eau ou de sirops de sucre bon marché ajoutés artificiellement pour augmenter le volume", rappelait ainsi l’Olaf en 2023. Selon l’enquête des autorités européennes 74 % des 89 miels originaires de Chine testés avaient été jugés suspects. Un constat partagé pour 14 des 15 miels analysés en provenance de Turquie. "Si le risque pour la santé humaine est faible, de telles pratiques trompent les consommateurs et défavorisent les producteurs honnêtes face à la concurrence déloyale", concluait il y a un an l’Office européen de lutte antifraude.

Ruches places bellecour
Toutes vides, les ruches apportées par les apiculteurs abritaient jusqu'à l'automne ou l'hiver des essaims qui ont disparu. (Photo HJ)

La crainte de la mise en pause du plan Ecophyto

L’autre point de contestation des apiculteurs porte sur la remise en cause du plan Ecophyto mis en place en 2008. Censé réduire de 50 % les usages de pesticides, dont certains sont potentiellement nuisibles pour les abeilles, d’ici à 2030, ce plan va être mis en pause par le gouvernement pour calmer la colère des agriculteurs. "Cela fait 25 ans que l’on lutte contre les pesticides. On espérait beaucoup que le plan Ecophyto permette de réduire l’utilisation de ce produit et on repart dans une agriculture avec beaucoup de chimie, qui a un impact sur les insectes et les abeilles", peste le co-président du syndicat des apiculteurs du Rhône, Marc Maisonnet. 

"Cela fait 25 ans que l’on lutte contre les pesticides. On espérait beaucoup que le plan Ecophyto [...] et on repart dans une agriculture avec beaucoup de chimie, qui a un impact sur les insectes et les abeilles"

Marc Maisonnet, co-président du syndicat des apiculteurs du Rhône

Apiculteur amateur installé au pied des Monts du Lyonnais, Marc Maisonnet se dit inquiet des conséquences potentielles d’une telle mesure sur les abeilles et les autres insectes pollinisateurs. "Cette année j’ai perdu un bon tiers de ma quinzaine de ruches, mais il y a des apiculteurs qui ont 200 ruches et qui en ont perdu 60", alerte ce passionné venu soutenir les professionnels du secteur. Les intoxications de ruche, Gaetan Denis y a déjà été confronté ces dernières années. "On a des intoxications quasiment tous les ans", confie celui qui exerce dans le milieu depuis cinq ans. Sur sa centaine de ruches, cet apiculteur explique en avoir déjà perdu "30-40 d’une intoxication, car il y a des pratiques qui ne sont pas vertueuses sur les exploitations à côté". Pour lui, cela ne fait aucun doute, "il y a des insecticides et des pesticides qui tuent nos abeilles c’est certain". 

Ruches places bellecour
Annoncée la semaine dernière par le gouvernement pour apaiser la colère de agriculteurs, la mise en pause du plan Ecophyto, génère de l'incompréhension. (Photo HJ)

Au-delà du risque de voir disparaître leur profession, les apiculteurs s’inquiètent également des conséquences pour l’agriculture en France si les abeilles venaient à s'éteindre. "Si demain on tue la profession, on enlève une grande partie des pollinisateurs en France et cela pourrait devenir très compliqué pour l’agriculture en France", prévient Gaetan Denis. Rappelant que les abeilles domestiques, qui contribuent à la pollinisation des fruits et des légumes "sont préservées par les apiculteurs".

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