Pédophilie : la Cité de l'enfance se reconstruit

Treize jeunes garçons de 6 à 12 ans ont été abusés sexuellement par un éducateur à Bron ces derniers mois. Le suspect s'est suicidé mais la procédure judiciaire suit son cours.Les familles et le personnel sont auditionnés actuellement par la justice.

L'agresseur disparu, il n'y a plus que des victimes. Des familles, des éducateurs aussi, plongés dans la colère, la stupeur et l'incompréhension. Diplômé de psychologie, Philippe S. effectuait des vacations à la Cité de l'enfance (aussi dénommé l'Institut départemental de l'enfance et de la famille, 170 pensionnaires à Bron). C'est dans le cadre de son travail qu'il abusait sexuellement de 13 jeunes garçons, âgés de 6 à 12 ans. Il leur a imposé des attouchements et leur a fait des fellations. Ils en menaçaient certains pour qu'ils se taisent.

"Laissez-moi vivre"

Rien ne lassait à penser que sous son allure tranquille et bienveillante, ce jeune homme de 26 ans souffrait de pulsions inextinguibles. "Il était toujours volontaire", se rappelle une employée. "Il était proche des enfants, jouait avec eux. On avait confiance", précise le directeur, Eric Nojac.

Impliqué dans l'éducation, cet éducateur avait pris la plume pour dénoncer sur Internet le regard porté par la société sur la dyslexie dont il avait souffert. "Cette société va-t-elle me reprocher toute ma vie, d’être différent, et de ne pas avoir réussi à corriger cette différence ?", écrivait-il, sans que l'on sache s'il ne pensait pas déjà à ses perversions sexuelles. "Laissez-moi vivre", intimait-il sur son blog, presque prémonitoire. "C'était un stratège qui a su endormir la vigilance des adultes. Il trompait son monde", maugrée aujourd'hui le directeur.

Des vidéos tournées sur place

C'est l'enfant "le plus construit", âgé de 9 ans, qui a parlé, placé ici par ses parents pendant l'hospitalisation de sa mère. Ses parents voyaient bien que quelque chose n'allait pas. Lors d'un week-end du 19 décembre, il s'ouvre à son père qui dépose plainte aussi vite. Le jeune vacataire, interpellé par les enquêteurs, avoue immédiatement. Et donne la liste des treize enfants abusés. Il a même montré aux enquêteurs les vidéos de ces agissements qu'il tournait à l'aide de son téléphone portable.

Le suspect a reconnu avoir choisi une profession qui lui permettait d'être en contact avec de jeunes garçons. Il travaillait depuis 18 mois à la Cité de l'enfance, mais les faits seraient récents. L'homme était en proie à un sentiment de honte entre celui qu'il aspirait être aux yeux des autres et celui qu'il était intérieurement, possédé par ses pulsions pédophiles. Après avoir été placé sous contrôle judiciaire, l'agresseur s'est donné la mort le 5 janvier dernier.

"Ce sont des enfants qui se taisent"

Néanmoins l'enquête se poursuit, qui aboutira nécessairement à un non lieu. Les enfants et le personnel sont actuellement entendus par les enquêteurs. L'affaire pénale close, c'est au civil qu'elle pourrait être jugée, si les familles se retournent contre le Département pour obtenir réparations.

Elles ont d'abord éprouvé un sentiment de colère. On peut les comprendre : certains enfants leur ont été soustraits pour être accueilli dans ce lieu sanctuaire, ce refuge pour cajoler des petits traumatisés par des carences affectives, des maltraitances voire des abus sexuels. "Certains avaient déjà subi ce type de violences avant. Ce sont des enfants qui se taisent", raconte Eric Nojac.

Le traumatisme des éducateurs

L'équipe panse ses plaies. Nombre d'éducateurs sont rongés par un sentiment de culpabilité. "Certains au début ne pouvaient pas parler. D'autres n'osaient plus faire prendre de douches aux enfants. Bien sûr qu'on a eu honte", confie le directeur.

Le suicide de Philippe S. a été une épreuve supplémentaire. "Il n'aura même pas à répondre de ses actes", s'indigne une employée. "Nous avons eu peur que ce soit un 2e choc pour les enfants qui auraient pu faire le lien entre son suicide et leur prise de parole", raconte Eric Nojac. Tous les enfants sont heureusement suivis par des psychologues. A ce jour, seul l'enfant qui a parlé a été retiré du centre. Les autres ont repris une vie normale, à la Cité. Aspirant à retrouver un quotidien paisible.

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