Il n’y a plus de programme politique, uniquement des candidats prétendant incarner la fonction présidentielle. C'est en substance le danger que pointe le politologue lyonnais Philippe Dujardin.
Re-nommé à Matignon vendredi 10 octobre, Sébastien Lecornu ne s'est pas éternisé pour composer la version II de son gouvernement. Par un communiqué, l'Elysée a annoncé, dimanche soir, la nomination de 34 ministres (8 membres de la société civile et de 26 politiques). Avec l'idée d'une équipe "complètement déconnectée des ambitions présidentielles", comme il l'avait dit lors mercredi 8 octobre au "20 heures" de France 2.
Ce n'est rien moins de ce que dit le le politologue lyonnais Philippe Dujardin, ancien conseiller scientifique de la direction de la prospective du Grand Lyon.

L' impuissance politique à laquelle on assiste est-elle une nouveauté dans l’histoire politique française ?
La France n’est pas malade du politique, mais des institutions de la Ve République. La Ve République est un montage constitutionnel ni pleinement présidentiel ni pleinement parlementaire. Le dispositif a été pensé et voulu par un militaire qui avait l’expérience de deux guerres mondiales ! Il en avait, à bon droit, tiré une conception stratégique de l’État et des relations internationales. Ce dispositif a permis à la France de sortir de l'ornière de la décolonisation, de confirmer sa modernisation économique et de faire entendre une voix singulière sur la scène internationale. C'est là, le génie gaullien. Mais ce système hybride, fait à la main d’un personnage hors du commun, apparaît, aujourd'hui, deux fois vicié. D’une part, le principe binaire de l’élection présidentielle ne répond pas véritablement à la configuration idéologique du pays. En sus, l’obnubilation présidentielle induit la concurrence destructrice de coteries, à l’intérieur de chaque parti : adieu, la visée stratégique programmatique ! D’autre part, dans son moment parlementaire, le fonctionnement de la constitution est tout aussi néfaste : contrairement à ce qu’assure le texte de la constitution, le Premier ministre ne gouverne pas. En réalité, il est aux ordres du président de la République ; il n’est que son lieutenant et, pire, il est devenu une simple variable d’ajustement du cours du mandat présidentiel. Il ne gouverne pas et n’a d’espoir de vie politique que très limité. Des deux côtés — formule présidentielle et formule parlementaire —, on a, à présent, tout faux.
"Nous vivons, aujourd'hui, l’ordinaire de la politique sondagière. C’est le propre de la bourse et du concours hippique !"
Est-il, au final, urgent de passer à une VIe République ?
C’est une énorme question, mais nous en sommes là : dans le fil d’une histoire longue que caractérise une remarquable instabilité constitutionnelle. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur une modification très sensible du fonctionnement actuel des institutions, voire d’un changement complet d’institutions.
Certains responsables politiques ne sont-ils pas aussi « corrompus » par l'idée de carriérisme et leur l’intérêt personnel au détriment de l'intérêt général ?
Nous vivons, aujourd'hui, l’ordinaire de la politique sondagière et donc de la cotation continuelle : "ma cote monte-t-elle ou descend-elle ?". C’est le propre de la bourse et du concours hippique !
L'entretien intégral de Philippe Dujardin est à retrouver dans le numéro de novembre de Lyon Capitale (en kiosque dès le vendredi 24 octobre ou sur la boutique en ligne).
Et le gourou de LFI qui s'imagin fièrement en nouveau Robespierre !