Le braquage a foiré

Non, pas maintenant. C’est vraiment trop con. J’avais décidé de décrocher à Noël, dans moins de quatre mois. Après quarante-sept ans de travail acharné, soixante-dix heures par semaine, quinze jours de congé annuel, trois gamins à élever. Jamais je n’aurais dû leur ouvrir. Je les ai vus arriver pourtant, avec leur visière fumée. Mais qu’est-ce qui m’a pris ? Qu’est-ce qui m’a pris… Je n’ai jamais volé un euro à personne, le peu que j’ai, je l’ai gagné durement. Pour mes enfants, pour qu’ils puissent aller à la fac et trouver un bon boulot. C’est drôle ce qui se passe, parfois, dans le cerveau… La chanson de Renaud m’envahit complètement…

C'est bien fait pour ta gueule, Tu n'es qu'un p'tit salaud, On n'portera pas le deuil, C'est bien fait pour ta peau...

Sauf que c’est pas le braqueur qui est en train de crever, c’est moi, le bijoutier de Lyon. Qu’est-ce qu’ils m’ont mis ! Dans deux minutes, c’est sûr, je passerai l’arme à gauche. Elle sonne bizarre cette expression : l’arme à gauche. ¡ No pasaran, Señor Valls ! Mort-aux-fascistes-qui-tuent-pour-un-autoradio, comme on disait à mon époque. C’est vraiment trop con. Demain, je ferai dix lignes dans les faits divers. Pas de nom, pas de prénom, juste un numéro, une statistique. J’ai eu moins de chance que le bijoutier de Nice. Je n’en veux à personne. Ou plutôt si : c’est à moi que j’en veux. Je n’ai pas su protéger les miens, ils ont tellement besoin de moi. C’est trop con. Pardon, mes chéris. Je l’aime bien, cette chanson de Renaud…

Je vois la France entière du fond de mes ténèbres, Les charognards sont là, la mort ne vient pas seule, J'ai la connerie humaine comme oraison funèbre, Le regard des curieux comme unique linceul...

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