Éducation : comment concilier autorité et bienveillance ?

Discipline positive, parentalité bienveillante… tels sont les maîtres mots en termes d’éducation aujourd’hui. L’autorité est parfois assimilée à un autoritarisme abusif, si bien que certains parents ont du mal à se positionner de peur de traumatiser leur enfant ou d’être mal jugés. L’autorité est-elle vraiment synonyme de violence éducative ? Peut-on la concilier avec écoute et empathie ?

Les parents zen s’affichent partout : sur les réseaux sociaux, dans les pages des magazines, à la télévision… L’éducation de leur enfant semble facile, évidente. Ils font preuve d’une patience extrême, ne sont ni débordés ni fatigués et affichent un sourire à toute épreuve… Une positive attitude que bon nombre de parents ont du mal à reproduire chez eux. Solveig Foucher, psychopraticienne et autrice du livre Le manuel à l’intention des parents qui voudraient avoir de l’autorité mais ne savent pas comment (éditions Eyrolles), explique : “Un des problèmes majeurs de l’éducation positive, c’est qu’elle ne colle pas à la réalité. Même si l’intention est bonne et qu’elle véhicule de belles idées en théorie, elle est n’est pas applicable dans les faits. Ne jamais s’énerver, accompagner toutes les émotions de son enfant quelles qu’elles soient et en toutes circonstances… Cela ne tient pas compte des contraintes quotidiennes des parents.”

Une charge mentale alourdie

L’éducation positive met sur un même plan un haussement de voix, une punition, une fessée… Même si la bienveillance parentale est plus que nécessaire, cette confusion des genres est nuisible au discernement des parents”, ajoute la thérapeute. Dans ce discours ambiant, difficile en effet pour les parents de se situer et de trouver la bonne posture. L’autorité semble incompatible avec l’épanouissement et le bon développement de l’enfant. La frontière avec la brimade devient ténue. Le moindre débordement peut vite être assimilé à de la maltraitance. Avec le risque, si on n’ose plus poser de limites, d’augmenter considérablement sa charge mentale et de se sentir dépassé, découragé, de s’épuiser… puis de déborder. “Aucun parent ne peut tout encaisser sans rien dire. À un moment ou à un autre, il y aura l’effet inverse de celui recherché. Il va finir par exploser… puis culpabilisera de s’être emporté. L’éducation positive produit des parents qui s’autoflagellent en permanence. Le risque majeur, à terme, c’est le burn-out parental, voire la dépression”, prévient Solveig Foucher.

Une surprotection nuisible

Par ailleurs, ne pas mettre de limite à un enfant, c’est lui donner l’image d’un monde illusoire, dénué de toute contrainte. Il ne fera pas l’expérience de la frustration, des déceptions… Il aura du mal à être heureux, car il ne sera pas adapté à la vraie vie, et ne saura pas gérer les contraintes. Il risque d’avoir du mal à s’intégrer à l’école, en société, puis dans sa vie professionnelle… Sans autorité, un enfant est perdu. Il lui manque un cadre qui le guide et le rassure. “Les acteurs de l’éducation positive prônent le respect des besoins et des désirs de l’enfant. Selon eux, il faut le laisser choisir et avoir son consentement sur tout. Mais un enfant ne peut pas consentir à tout ce qu’on lui dit, c’est impossible ! Par ailleurs, ne pas avoir de limites est très anxiogène. Le cadre, les directives, cela rassure énormément l’enfant.”

Privilégier la communication

Une éducation basée sur l’écoute, la compréhension et le respect des besoins de l’enfant permet d’allier autorité et bienveillance. “Les règles doivent être instaurées avec pédagogie, recommande Solveig Foucher. Plus l’enfant les comprendra, et plus il sera enclin à les suivre. On peut lui expliquer pourquoi elles sont importantes, et quel intérêt il en retirera. C’est un bon moyen de le responsabiliser. On peut par exemple lui demander : ‘Brosse-toi les dents correctement, afin de ne pas avoir de caries. C’est en effet dans ton intérêt de ne pas aller chez le dentiste tous les mois car ce n’est pas très agréable.’” Si l’on doit exprimer son mécontentement, la non-violence est de mise bien évidemment. Pour autant, il faut adopter une posture en rapport avec le contexte. Pour Solveig Foucher, la façon de parler à son enfant est très importante. “La douceur systématique dessert l’autorité du parent. Elle ne peut pas fonctionner tout le temps. Dans certains contextes, il faut savoir amener de la fermeté afin de faire comprendre à l’enfant qu’il n’a pas le choix.” “Avec mes enfants, j’ai toujours privilégié la douceur, la gentillesse, raconte Marie, mère de trois enfants. C’est dans ma nature, et je pensais qu’ils me le rendraient bien. Mais dans certaines situations compliquées, je n’arrivais pas à me faire obéir, j’avais l’impression qu’ils ne me respectaient pas. Du coup j’explosais, je criais… Évidemment après je m’en voulais. J’ai fini par modifier ma stratégie. Quand ils se comportent mal, je change de ton pour leur faire comprendre mon mécontentement, et généralement le message passe bien !”

Diminuer son degré d’exigence

Pour concilier fermeté et bienveillance, il est aussi important de relâcher ses exigences. Si l’on se lance dans une course à l’enfant parfait, on risque de s’épuiser, d’avoir une mauvaise estime de soi – car le résultat ne sera jamais à la hauteur de nos espérances – et de déborder. Il vaut mieux se concentrer sur les quelques sujets qui nous semblent primordiaux, comme par exemple le respect de nos valeurs, les devoirs, l’aide à la maison… et de lâcher gentiment prise sur d’autres. Moins nombreuses, les règles auront beaucoup plus de poids. En arrêtant de tout contrôler, le parent se mettra moins la pression – et la mettra moins à son enfant – et l’ambiance familiale sera davantage apaisée. “Avec mon fils, je voulais être sur tous les fronts, se souvient Élise, mère de Hugo, 14 ans. Je ne lâchais sur rien car j’estimais que tout était important. Je m’énervais souvent car je voulais que tout soit parfait. Au collège, il était tout le temps fatigué, avait du mal à s’endormir… On a fini par consulter, et on m’a conseillé de lâcher prise sur certains sujets, aussi bien pour lui que pour moi. Ça n’a pas été facile, mais je l’ai laissé gérer ses devoirs, la tenue de sa chambre, on a été plus souples sur les écrans le week-end… Paradoxalement, j’ai fini par ressentir un grand soulagement, et Hugo s’est régulé de lui-même… Nos relations se sont vraiment détendues.”

Responsabiliser l’enfant

Certains outils peuvent être très utiles car ils responsabilisent l’enfant en lui apportant les conséquences, positives ou négatives, de son comportement. “Je recommande notamment le ‘Time out’, qui consiste à isoler l’enfant, par exemple un quart d’heure dans sa chambre, quand la tension est trop forte. Cela empêche l’escalade de l’agacement parental et fait comprendre à l’enfant qu’il a une attitude répréhensible. Chez les plus petits, on peut travailler sur le renforcement positif pour les amener à avoir un comportement attendu. On fixe un objectif pour la semaine, par exemple se préparer le matin sans se disputer, puis, sur un planning, on met un soleil à chaque jour de la semaine où il l’a fait. Au bout de quatre ou cinq soleils, il a le droit à un petit privilège, comme une sortie à vélo, un temps supplémentaire de jeu vidéo…” “Quand mes enfants étaient petits, on avait un joli carnet sur lequel on notait ce sur quoi ils devaient progresser : aider un peu en cuisine, mettre le couvert, faire leur lit…, se souvient Alexandra, mère de deux enfants. À chaque fois qu’ils le faisaient, on mettait une croix. Et au bout de plusieurs croix d’affilée, on prévoyait un petit truc sympa : une glace, un dessin animé, une histoire en plus... Ils adoraient et étaient très motivés !”

Avec les ados, miser sur la confiance

À l’adolescence, le jeune se détache de ses parents. Il a besoin de se construire en opposition et de trouver d’autres modèles. Cette distance prend différentes formes : rébellion, moindre participation aux tâches familiales, désinvestissement du travail scolaire… Le parent va devoir adapter son autorité à cette nouvelle donne, en montrant à son adolescent qu’il lui fait confiance. “Avec un adolescent, on fonctionne davantage d’égal à égal. On établit avec lui un contrat ‘gagnant-gagnant’ pour tout le monde, qui va le responsabiliser et le valoriser,conseille Solveig Foucher. Il ne s’agit en aucun cas d’être dans la réprimande ou la sanction. Si on prend l’exemple des devoirs, on peut très bien dire à son enfant : ‘Tu fais ton travail scolaire en priorité. Comme ça je ne serai pas sur ton dos et le soir tu auras du temps libre pour faire ce qui te plaît, est-ce que cela te convient ?’” Ainsi, on répond à son besoin grandissant de liberté, on lui montre qu’on lui fait confiance, et qu’il doit être digne de cette confiance.

Par ailleurs, les parents doivent toujours garder en tête qu’il est essentiel de montrer leur amour inconditionnel à leur enfant. Il saura ainsi que, même si ses parents montrent leur autorité et resserrent le cadre, ils l’aiment quoi qu’il arrive.

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