Affaire Titan : “La France a 4 000 entreprises américaines sur son territoire”

Dans une lettre au vitriol adressée au ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, le PDG du groupe américain Titan, Maurice Taylor expliquait, mi-février, son choix de ne pas reprendre l’usine Goodyear d’Amiens. Dressant par la même occasion un portrait très peu flatteur de l’industrie française et de ses ouvriers. Comme lui, sont-ils nombreux à fuir le pays ? Selon Marc Lhermitte, associé au cabinet d’audit Ersnt & Young, et auteur chaque année d’un baromètre sur l’attractivité française pour les investissements directs étrangers (IDE), la France est sur le podium des pays européens les plus attractifs.

Lyon Capitale : L'image de la France pour les investissements étrangers est-elle écornée par les récentes déclarations du PDG de Titan, Maurice Taylor sur le manque de productivité des ouvriers français ?

Marc Lhermitte : En matière d'investissements étrangers, l'effet d'image est très important et il y a d'ailleurs une véritable guerre médiatique qui se joue dans ce domaine. Mais le problème de la France n'est pas sa productivité, comme on a pu l'entendre ces derniers jours. Au contraire, le ratio du nombre d'heures travaillées par année, en France, est parmi les plus élevés d'Europe ! (Ndlr, selon Eurostat, la productivité de la main d’œuvre française par heure travaillée était de 45,40 euros en 2011, devant l’Allemagne et ses 42,30 euros) En revanche, le coût du travail, les charges fiscales, l'inflexibilité du droit du travail sont des reproches répétés qui ont tendance à lasser les investisseurs… Il y a toujours des réactions spectaculaires sur l'attractivité de la France mais la réalité est beaucoup moins négative.

Contrairement à Maurice Taylor qui a refusé de reprendre l'usine Goodyear d'Amiens Nord, les investisseurs étrangers ont-ils toujours envie de s'installer en France ?

La France compte 20 000 entreprises étrangères. La moitié sont européennes et 20 % d'entre elles, soit 4 000 entreprises, sont nord-américaines. Ces entreprises étrangères emploient deux millions de personnes. La France a certes perdu, l’an passé, sa deuxième place au profit de l’Allemagne mais elle reste attractive. En 2011, elle a même été le pays européen qui a accueilli le plus d’implantations industrielles. Son attractivité est tirée vers le haut du fait de sa deuxième place de meilleure économie industrielle, de sa position vers les marchés euro-méditerranéens et de la qualité de ses infrastructures. En revanche, les investissements des économies émergentes telles que le Japon, la Chine, le Brésil ou l'Inde se portent plutôt vers l'Allemagne, barycentre industriel de l'Europe et Londres, sa capitale financière.

Quels sont les secteurs où les investissements étrangers sont les plus nombreux ?

Les IDE sont plus important dans le secteur tertiaire. En particulier, les services aux entreprises et les logiciels sont les deux premiers en nombre d'implantations étrangères. À eux deux, ils représentent 25 % des 540 projets recensés en 2011. Mais ce sont des secteurs moins créateurs d'emplois que dans les équipements industriels ou l'automobile. Dans ces secteurs, chaque projet créé 40 emplois alors que dans nos deux secteurs tertiaires, ce sont moins de 15 emplois qui sont créés. De manière générale, en Europe, on ne va pas investir sur de grosses capacités de main d'œuvre. On est plutôt sur de l'ajustement.

"Après Paris, Lyon est loin devant Toulouse, Lille ou Marseille en termes d'attractivité".

Y-a-t-il des régions françaises qui attirent plus d'investisseurs étrangers ?

Le rôle des grandes agglomérations est de plus en plus important car les coûts et la rémunération sont moins lourds. Il y a une région qui se démarque : c'est la région lyonnaise avec 70 implantations étrangères. Après Paris, Lyon est loin devant Toulouse, Lille ou Marseille en termes d'attractivité. La région Rhône-Alpes figure régulièrement dans le top 5 des régions d'investissements étrangers en Europe.

Vous vous préparez à publier en juin, comme chaque année, le baromètre de l’attractivité de la France. Quelle est la tendance ?

L'Allemagne a tendance à progresser mais la France ne décroche pas pour autant. Nous pouvons même avancer que pour l'année 2012, la France reste sur le podium pour les IDE. Cependant, des efforts restent à faire pour séduire davantage les pays émergents tels que le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC) car les investissements de ces pays-là ne représentent, pour le moment, que 10% des flux actuels.

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