Ôé Samuels Neuman
© Dorian Malovic /DR / Francisco Sorres (montage LC)

Les Assises du roman : de Fukushima au Wisconsin

Retour sur une soirée avec Kenzaburo Ôé et trois écrivains américains. Avant d’écouter ce soir (notamment) Andrés Neuman, pour un voyage dans l’intimité de ses personnages.

Les Assises internationales du roman 2015 ont débuté hier soir avec un Kenzaburo Ôé bien vaillant. La voix du Nobel de littérature, 80 ans au compteur, a martelé sans trembler la nécessité de sortir du nucléaire. Vous vouliez du roman ? Bienvenue à Fukushima. Car l’écrivain est là pour “s’opposer à l’oubli”, d’Hiroshima et Nagasaki comme des catastrophes plus récentes, avec “l’arme que sont les mots”. Même s’il faut pour cela “réécrire sans fin, réécrire tous ces mots”… Ces mots qui permettent à Kenzaburo Ôé de “tenir au loin (le) désespoir” grâce à “la force qui crée, l’imagination”.

Du mensonge au vide…

Du Japon, le public des Assises s’est aussitôt transporté en Amérique, jusqu’au fin fond du Wisconsin, avec les trois invités suivants. Animé avec un dynamisme bravant le froid et la fatigue dans les gradins, le débat sur “L’identité troublée” réunissait bien Adelle Waldman, Nickolas Butler et David Samuels, mais c’est un absent (il est en prison) qui s’imposa : James Hogue, le personnage (ou plutôt la personne, tout à fait réelle bien qu’indéfinie) du livre de Samuels. Hogue, une curiosité (oddity) sociale qui tendrait aujourd’hui à devenir la règle. Hogue, le “menteur” qui ne cessait d’adapter son “identité” en fonction des circonstances, qui a pu le faire car il était incapable d’émotions propres, selon Samuels, serait donc le parangon ironique d’un nouveau vide intérieur. Nous “partageons” la réalité avant même de l’éprouver, nous conformons à des “avis” espérés plutôt que de ressentir, plutôt que de risquer d’être unique.

… et des bières aux mots

Pour échapper à cette vacuité, certains retournent dans le Wisconsin, même si là-bas, une fois les tracteurs réparés, “y a rien à faire, tu comprends, y a rien d’autre à faire” que de se retrouver au bar avec ses potes pour descendre quelques bières (“deux, trois, hein, pas huit”, précise Nickolas Butler). Et celui qui ne sait pas réparer les tracteurs écrit des livres. À Lyon, bien loin de son Wisconsin, il a retrouvé son traducteur et ils ont parlé de mots. “Pendant une heure, on a parlé de deux mots !” raconte-t-il, épaté. Dans la salle, personne n’a paru s’étonner : parler de mots, rien de plus normal aux Assises…

Les mots, on n’en a pas assez ici pour tout rapporter de ces échanges souvent drôles, parfois intenses, quelquefois longs (le temps d’un Nobel n’a pas grand-chose à voir avec nos papillonnages quotidiens), ou trop courts. Alors, si vous pensez, comme ces deux jeunes filles croisées hier soir à la sortie que “en fait, il faudrait peut-être qu’on s’intéresse plus à la littérature”, on ne peut que vous conseiller de plonger, dans les livres.

Ou d’aller écouter ce soir Andrès Neuman, l’auteur d’une magnifique définition de la traduction qui a été lue sous la verrière des Subsistances hier.

Dans la tête de… Table ronde avec Andrés Neuman, Toine Heijmans et Noémi Lefebvre – Ce mardi 26 mai à 21h, aux Subsistances, 8 bis quai St-Vincent, Lyon 1er.
Programme détaillé sur le site Internet des Assises.

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