Les journalistes Pierre Lemerle et Moran Kerinec au tribunal judiciaire de Lyon. (@Nc)

Attaqué en diffamation par les Aulas, Rue89Lyon demande leur condamnation pour procédure abusive

Mardi 18 novembre, le média indépendant en ligne, Rue89Lyon comparaissait devant le tribunal judiciaire de Lyon après avoir été attaqué en diffamation par la société familiale de Jean-Michel Aulas, Holnest.

"Sur le fond, on est carré", a résumé à la sortie de l'audience le journaliste Moran Kerinec ce mardi dans la salle des pas perdus du tribunal judiciaire de Lyon. Il comparaissait devant la 6e chambre presse du tribunal correctionnel cet après-midi aux côtés du directeur de publication du média indépendant Rue89Lyon, attaqué en diffamation (ainsi que le co-auteur de l'article, absent) par Jean-Michel Aulas et son fils Alexandre. Leur avocat Me Thomas Fourrey a demandé la condamnation de celui qui est désormais candidat aux élections municipales pour procédure abusive et le remboursement des frais liés à la procédure.

Le camp Aulas reproche des "insinuations"

La plainte avait été déposée le 3 novembre 2023 après la publication le 16 octobre 2023 de ce que les plaignants qualifiaient alors d'"informations calomnieuses" sur un investissement fait par le groupe familial aux Etats-Unis. L'enquête du média lyonnais intitulée "La famille Aulas s'envole en jet privé vers des paradis fiscaux" était centrée sur la société américaine "Embassair", spécialisée dans l'accueil de jets privés de luxe, que l'ex-président de l'OL s'était félicité d'avoir cofondée dans son autobiographie publiée en mars 2023.

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Dans l'article visé, Rue89Lyon évoque "un marché fructueux et climaticide" et des "sociétés offshore imbriquées façon poupées russes" administrées par un cabinet luxembourgeois, en précisant avoir utilisé la base de données "Open Lux" compilée par un consortium de médias internationaux à partir de datas publiques disponibles au Luxembourg. Il est fait notamment référence au fait que la société-mère d'Embassair est basée dans le Delaware. Domicile légal de milliers de grandes entreprises, cet Etat américain est connu pour sa fiscalité avantageuse.

"Ils n'ont rien fait de plus que se poser des questions"

"Vous insinuez que Monsieur Aulas fait de l'évasion fiscale", ont notamment reproché les conseils des deux entrepreneurs, reprochant la mention dans l'article des îles vierges britanniques, légalement reconnues comme un paradis fiscal, alors qu'"aucun élément juridique ne permet de considérer qu'ils ont investi" sur ce territoire. Les avocats des Aulas estiment par ailleurs que les termes "sociétés offshore", "jeu de poupées russes", ou "opacifier les remontées d'argent" sont "connotants et diffamants".

"Ils n'ont rien fait de plus que se poser des questions" a répondu Me Fourrey déplorant l'absence de Jean-Michel et Alexandre Aulas. "Pourquoi aller au Luxembourg, au Deleware alors que l'activité est en Floride ? On ne comprend pas et on n'aura pas de réponse", a-t-il appuyé. Et de lancer : "Le fumet de l'évasion fiscale caresse nos narines. On s'interroge sur le but de ce montage si ce n'est pas de faire remonter des bénéfices."

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"Cette procédure fragilise considérablement notre média"

Les deux journalistes ont par ailleurs dénoncé ce qu'ils qualifient de "procédure bâillon". "Monsieur Aulas avait l'occasion de nous répondre, il avait d'autres moyens qu'une plainte en diffamation. La réaction est disproportionnée et particulièrement violente", a lancé le co-auteur de l'article mis en cause. "Cette procédure fragilise considérablement notre média", a appuyé Pierre Lemerle. Le site d'information indépendant dépend en effet de campagnes annuelles d'abonnements et ne compte que trois journalistes-sociétaires à temps plein. "S’il n’a pas de réponse, le journaliste devrait se contenter de ne pas écrire", a tenté Me Alexis Chabert, l'un des conseils des Aulas.

Les conseils des Aulas ont par ailleurs reproché aux journalistes d'avoir écrit que Jean-Michel Aulas était un habitué des trajets en jet privé, qualifiés dans l'article de "climaticides". "On vient reprocher à Monsieur Aulas un comportement climaticide en s'appuyant sur un article de presse de 2012 et un reportage de Complément d'enquête", ont-il déploré, reprochant une absence de base factuelle au propos. Et Me Fourrey de contester le caractère diffamatoire de l'affirmation, rappelant qu'alors président de l'OL en mars 2023, Aulas ne semblait pas choqué par l'usage de deux jets privés en une journée pour rejoindre Marseille.

Le tribunal rendra sa décision le 20 janvier. Les avocats des Aulas ont demandé un euro symbolique de dommages et intérêts et la publication du jugement sur le site du média.

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