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Vieillir en restant soi-même : la première maison pour seniors LGBT+ ouvre à Lyon

La Ville de Lyon va ouvrir la première maison pour seniors LGBT+. Une maison composée de quatorze logements, tous déjà loués.

"On ne loue pas des mètres carrés, on loue une vie sociale", sourit Sylvain Boniface, danseur à la retraite, déballant ses cartons dans son nouveau logement à Lyon, un projet unique en France d'habitat partagé pour seniors LGBT+. Premier locataire à s'installer dans cette bâtisse de cinq étages, M. Boniface, qui à 65 ans a encore un port de danseur classique, rayonne après sa première nuit dans son T2.

Cette maison neuve, composée de quatorze logements privatifs pour des personnes de 55 ans et plus, dont plusieurs logements sociaux, ainsi que d'un logement étudiant et d'une chambre d'amis, "est un symbole d'espoir", assure-t-il. Ici, pour être "soi-même, on n'a pas besoin de faire un coming-out ou de devoir se justifier", s'enthousiasme l'ancien chorégraphe.

Inauguration le 9 octobre

L'inauguration, en grandes pompes, est prévue le 9 octobre mais tous les logements sont déjà loués. La moyenne d'âge des locataires tourne autour de 65 ans. Certains sont homosexuels, d'autres trans ou hétéros sans soutien familial. Quelques-uns sont encore actifs, et quatre ont plus de 70 ans. Chacun dispose de son appartement individuel et jouit de 120 mètres carrés d'espaces partagés : cuisine, salon, buanderie, un vaste hangar à vélo, caves et jardin.

Stéphane Sauvé, fondateur de l'association les Audacieuses & les Audacieux, à l'origine du projet, rappelle qu'il y a environ un million de personnes LGBT+ en France de plus de 60 ans, dont une majorité vit seule et "90% n'ont pas d'enfant". "Qui va les accompagner" dans leurs dernières années ?, s'interroge-t-il.

"Créer un choix"

Selon l'INSEE, 28% des 65-79 ans vivent seuls, mais le chiffre s'élève à 65% pour les seniors LGBT. Du fait de discriminations passées ou de mécanismes d'auto-exclusion, ces seniors ont aussi des niveaux d'anxiété, de dépression et de pensées suicidaires bien plus élevés que la moyenne, selon un rapport de l'OCDE en 2019.

Stéphane Sauvé est lui-même "gay et sans enfants". Ancien directeur d'Ehpad, il dit avoir "vu des discriminations" entre les résidents. "Aujourd'hui quand on est une personne LGBT, vieillissante, on n'a pas trop d'options et donc moi j'ai voulu créer un choix." A 68 ans, Catherine n'a "plus de famille" depuis le décès de sa mère. "Je suis d'une génération où on ne pouvait pas calquer nos vies de couples LGBT sur une +vie hétérosexuelle+, c'est-à-dire, mariage, enfants", explique cette comédienne et metteur en scène.

Comme elle appréhendait de vieillir seule, elle a été séduite par ce projet. Si "vous vous cassez une jambe, c'est bien de savoir qu'il y a des cohabitants, il y a une solidarité, on aide le voisin, la voisine", dit-elle : "c'est dans le projet de vie qui est lié à cette maison".

"Pas sectaire"

Cette "maison de la diversité" est inspirée d'un lieu de vie berlinois, créé en 2012. Ses promoteurs, qui ont emprunté des fonds et ont aussi bénéficié d'aides de la ville et de la Croix-Rouge, portent un projet équivalent à Strasbourg et espèrent essaimer davantage sur le territoire national. Entre les habitants, tout a été discuté en amont et consigné dans une charte, de la gestion des conflits à la maladie et la perte d'autonomie, jusqu'à la fin de vie.

Conçu pour des personnes à mobilité réduite mais pas médicalisé, le bâtiment n'est pas adapté à la grande dépendance, même si les locataires pourront y bénéficier d'aides à domicile et compter sur l'aide de leurs voisins. Dorothée, 55 ans, espère seulement que "ce projet ne soit pas vu comme quelque chose de sectaire, parce qu'on est dans un habitat partagé avant tout".

Cette mère de trois grands enfants, toujours active, emménage samedi. Après 25 ans de vie commune avec le père de ses enfants, elle se "retrouve dans une homosexualité qui n'est pas toujours comprise" dit-elle, alors "le jour où on a un petit coup de blues, on est bien contente d'être entourée et entendue".

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