Kathie Werquin, directrice régionale de la Banque de France en Auvergne-Rhône-Alpes, est l’invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Kathie Werquin, directrice régionale de la Banque de France en Auvergne-Rhône-Alpes, est l’invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Crédits : pas de nouvelles baisses des taux à l'horizon

Kathie Werquin, directrice régionale de la Banque de France en Auvergne-Rhône-Alpes, est l’invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

La Banque centrale européenne a marqué une pause dans sa politique monétaire. Après plusieurs trimestres de baisse des taux, le Conseil des gouverneurs maintient désormais le statu quo et ne poursuit plus les baisse. Une situation qui devrait se prolonger, selon Kathie Werquin, directrice régionale de la Banque de France en Auvergne-Rhône-Alpes, invitée de l’émission 6 minutes chrono.

"L’inflation est sous contrôle"

Depuis début 2025, les taux d’intérêt directeurs ont connu une série de baisses. Mais le mouvement s’est arrêté. "Aujourd’hui, ça fait plusieurs réunions du Conseil des gouverneurs où on ne bouge plus les taux", explique Kathie Werquin. Selon elle, "les marchés pensent qu’on est arrivé à une sorte de bonne position de taux, parce que quand on remonte les taux, c’est pour lutter contre l’inflation. Et aujourd’hui, l’inflation est sous contrôle."

Pour les ménages et les entreprises, l’effet est tangible, notamment dans le domaine du crédit immobilier. "En mars 2024, on était tombé à moins de 7 milliards d’euros de crédits distribués, contre une moyenne de 13 à 15 milliards sur longue période auparavant. En juillet, on est revenu autour de 13 milliards. Les volumes repartent, les acheteurs ont vu que les taux avaient bien baissé cette dernière année et que c’était le moment d’y aller."

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Une croissance "modeste mais réelle"

En Auvergne-Rhône-Alpes, la Banque de France interroge chaque mois plus de 1 000 entreprises. Ces enquêtes permettent d’évaluer l’activité économique régionale. "Nous étions sur une prévision de croissance de 0,6 % pour 2025, mais il est fort probable qu’on la revoie légèrement à la hausse, autour de 0,7-0,8 %", indique Kathie Werquin. Une dynamique fragile mais positive, dans un contexte encore incertain.

L’invitée rappelle également les enjeux liés aux finances publiques. La France paie de plus en plus cher le service de sa dette. "Nous plaçons très bien notre dette, mais nous la payons plus cher. La charge d’intérêts est en train de dépasser le budget de l’Éducation nationale. C’est en train de devenir l'un des premiers postes budgétaires", souligne-t-elle. D’où la nécessité, selon elle, de "retrouver de l’agilité" et de "tenir la feuille de route à l’horizon 2029 pour stabiliser la dette et réduire le déficit".

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Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler de finance et de macroéconomie, avec Kathie Werquin, directrice régionale de la Banque de France en Auvergne-Rhône-Alpes. Bonjour Kathie Werquin. Merci d'être venue sur notre plateau. On va rentrer dans le vif du sujet. On va parler des taux, qui sont un peu le nerf de la guerre. Je crois que vous avez quelques perspectives qui vont être publiées prochainement. On le rappelle, dernièrement, les taux avaient augmenté il y a une année. Depuis le début de 2025, fin 2024, ils baissent. L'idée de les augmenter à l'époque, c'était pour contenir l'inflation. Où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Est-ce qu'ils vont poursuivre leur baisse jusqu'à la fin de l'année 2025 ?

Bon, alors c'est vraiment une question d'actualité puisque le Conseil des gouverneurs à l'échelle européenne s'est tenu la semaine passée et vous avez observé effectivement qu'il y a eu un statu quo. Donc on n'a plus bougé les taux. Il faut dire qu'on les avait montés de manière très rapide et qu'on avait fait huit baisses de taux ces derniers trimestres. Aujourd'hui, ça fait plusieurs réunions du Conseil des gouverneurs où on ne bouge plus les taux et c'est vrai que les marchés, qui sont nos observateurs, pensent qu'effectivement on ne va plus trop bouger. On est arrivé à une sorte de bonne position, car quand on remonte les taux, c'est pour lutter contre l'inflation. Et si j'enchaîne sur ce sujet, aujourd'hui l'inflation est sous contrôle. Voilà, donc on ne se lie pas les mains, le contexte est très volatile, très compliqué, donc on ne se lie pas les mains. On considère que les taux aujourd'hui sont corrects, ils ont bien baissé. Je parle bien sûr des taux de la Banque centrale, mais ce qui vous intéresse, vous et nos auditeurs, ce sont les taux pour financer les entreprises et les particuliers, notamment sur le crédit immobilier. Et là, ces taux ont plutôt bien baissé. Donc aujourd'hui, on est sur une sorte de statu quo qui peut durer, mais on ne se lie pas les mains pour l'avenir.

Alors concrètement, cela signifie que sur la fin de l'année 2025, il n'y aura probablement pas de nouvelles baisses des taux, pour être très clair ?

Je vais peut-être laisser le Conseil des gouverneurs décider, mais aujourd'hui, voilà, on est plutôt sur un niveau de taux qui est correct. C'est la tendance.

Vous avez parlé d'entreprises et d'immobilier auprès des particuliers. Vous avez aussi une sorte de thermomètre de l'activité en Auvergne-Rhône-Alpes. Comment se comportent les entreprises aujourd'hui avec justement cette baisse des taux sur cette année ? Est-ce qu'elles en ont profité ? Est-ce que ça a eu un impact, une dynamique ?

Oui, sur la situation des entreprises, c'est vrai que dans la région on interviewe chaque mois plus de 1 000 entreprises et on publie une note, Tendances Régionales, que je conseille à la lecture. Aujourd'hui, on va revoir nos prévisions dans les prochains jours. Sur la base des dernières prévisions de mi-juin, on était sur une croissance pour 2025 de 0,6 %. Ce n'est pas glorieux, mais c'est quand même une croissance. Si on regarde l'évolution des trimestres, le T1 a été un peu mou, le T2 a plutôt été sympathique à +0,3 %, le T3 devrait aussi être à 0,3 %. Donc, si vous faites un peu de maths, on est déjà rentré dans le 0,6 %, et il est fort probable qu'on revoie nos prévisions à la hausse, peut-être au-delà de 0,7-0,8 %.

D'accord. Et sur les crédits immobiliers, c'est aussi quelque chose que vous observez. Est-ce qu'il y a des hausses de volume ? Est-ce que les gens achètent, se mettent à emprunter pour financer leur résidence principale ou leur investissement ?

Oui, je vais vous parler essentiellement de l'ancien. On était au plus bas du plus bas, en mars 2024, avec un volume de distribution de crédit de moins de 7 milliards, alors que la moyenne de longue période est plutôt autour de 13 à 15 milliards. En juillet, qui sont les derniers chiffres que j'ai sous la main, on est autour de 13 milliards. Donc on voit bien qu'il y a eu une reprise. Je pense qu'à la fois les vendeurs ont fait un petit effort sur les prix et les acheteurs ont vu que les taux avaient bien baissé cette dernière année et que c'était le moment d'y aller. Donc, effectivement, les volumes repartent.

Un des sujets d'actualité dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines, c'est la hausse des taxes douanières sur les produits importés aux États-Unis. Nous sommes dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, une des régions qui exporte le plus vers ce pays. Est-ce que l'on sent déjà l'impact de cette hausse douanière ? Je le rappelle, elle est passée de 5 à 15 % sur la plupart des produits, avec quelques exceptions. Est-ce que vous le voyez dans vos chiffres ?

Ce n'est pas encore vraiment matérialisé, c'est encore assez récent. Peut-être que l'impact le plus important a été l'incertitude créée par l'administration Trump, avec le stop-and-go, les annonces, les moratoires. Ça, pour le coup, n'a pas été très bon pour les entreprises, notamment pour leurs décisions. Maintenant, on a un accord, certes asymétrique, mais au moins aujourd'hui on est au clair. Il faut regarder l'avenir : ça aurait pu être pire. Il y a aussi des exemptions, notamment sur l’aéronautique, secteur phare pour la France. Et il faut aussi savoir que ce taux a encapsulé des droits qui existaient déjà sur certains segments. Donc voilà, on ne peut pas se réjouir de ce qui a été imposé, mais peut-être que la France s'en sort plutôt pas mal par rapport à la moyenne européenne.

Les prochaines semaines le diront probablement. J'ai une dernière question : le budget. On a un nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu. Il y a un énorme débat national : faut-il augmenter les impôts, taxer les ménages les plus riches ? Faut-il réduire les dépenses de l'État ? Est-ce que la Banque de France a une position sur la dette française, sa soutenabilité, sur la doctrine à conduire ?

La Banque de France, comme vous le savez, est très indépendante. Nous gérons la politique monétaire, pas la politique budgétaire. Nous ne faisons pas de choix sur les dépenses ou les impôts. Par contre, il y a une interaction entre la politique monétaire et la politique budgétaire, notamment par le canal des taux. On le voit bien : la dette de la France a été encore décotée récemment par une agence de notation. Nous plaçons très bien notre dette, il n'y a pas de sujet. Mais nous la payons plus cher. Qui dit la payer plus cher dit une charge budgétaire qui augmente, et qui a dépassé le budget de l'Éducation nationale. C'est devenu le premier poste budgétaire. Or, nous avons d'autres enjeux : le social, la défense, qui devient un vrai sujet stratégique de souveraineté. Nous devons retrouver de l’agilité. Il faut absolument tenir la feuille de route à l'horizon 2029, stabiliser la dette déjà très élevée, réduire notre déficit. Il faut savoir que les dépenses publiques en France sont parmi les plus élevées au monde. Donc il ne faut pas avoir une vision doloriste de la réduction du déficit. Il faut juste travailler pour l'avenir, garder de l’agilité, car nous aurons d'autres besoins. On parlait de souveraineté, de défense. Nous ne devons pas nous lier les mains avec un budget qui ne laisserait plus de marge de manœuvre pour des sujets aujourd'hui extrêmement importants.

Très bien, ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup Kathie Werquin d'être venue sur notre plateau, de nous avoir donné votre regard sur l'actualité. Quant à vous, je vous remercie d'avoir suivi cette émission. Plus de détails sur lyoncapitale.fr. À très bientôt. Merci à tous.

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