Norbert Fontanel, président de la FFB Rhône, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Norbert Fontanel, président de la FFB Rhône, est l’invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

MaPrimeRénov’ : "On ne peut pas faire un pas en avant, un pas en arrière"

Norbert Fontanel, président de la FFB Rhône, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Alors que le gouvernement a annoncé une suspension brutale puis une relance de MaPrimeRénov’, les professionnels du bâtiment s'inquiètent de l'instabilité des politiques publiques. Norbert Fontanel, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) dans le Rhône, était l’invité de 6 minutes chrono pour partager son analyse sur cette séquence politique tendue et les répercussions concrètes pour les entreprises du secteur de la construction.

"On ne peut pas faire un pas en avant, un pas en arrière"

Le 4 juin, le ministre de l'Économie Éric Lombard annonçait la suspension de MaPrimeRénov’, évoquant un encombrement des dossiers et un excès de fraude. Une décision qui a provoqué de vives réactions, y compris de la part du président de la République. Résultat : le dispositif sera relancé le 15 septembre. Un va-et-vient mal vécu sur le terrain. "Nous, les entreprises, ce dont on a besoin, c’est de visibilité", martèle Norbert Fontanel. "Là, on est complètement dans le flou. On fait un pas en avant, un pas en arrière. C’est impossible de faire fonctionner des entreprises comme ça."

Ce dispositif, qui soutient la rénovation énergétique des logements, est au cœur de la transition écologique du secteur. Mais l’instabilité budgétaire et les lenteurs administratives mettent en péril sa mise en œuvre. "Il y a des entreprises qui ont avancé l’argent aux ménages, et les ménages ne peuvent pas payer les factures parce qu’ils n’ont pas touché les subventions", déplore-t-il.

Une activité essentielle menacée

Sur les 208 milliards d’euros de travaux annuels dans le bâtiment, la rénovation représente 118 milliards, dont 30 milliards spécifiquement pour la rénovation énergétique. Pour le président de la FFB Rhône, les enjeux sont donc considérables. "MaPrimeRénov’, c’est quelque chose qui vient de l’engagement de la France à vouloir décarboner notre industrie, et la construction en particulier", rappelle-t-il.

Face aux critiques sur la fraude, il minimise : "Le budget, c’est l’État qui l’a proposé. S’il veut que ce soit 1,5 milliard au lieu de 2,3, qu’il le dise, mais il ne faut pas changer tout le temps. Les entreprises s’organisent. Il faut arrêter de changer."

Un secteur toujours sous pression

Interrogé sur la situation dans le Rhône, Norbert Fontanel note que les dynamiques locales suivent celles observées au niveau national : flou réglementaire, retards de chantiers, difficultés de financement. Et malgré une légère baisse des taux de crédit, la relance du neuf se fait attendre.

"Même avec un terrain à zéro euro, le prix de vente ne peut pas descendre en dessous de 3 500 à 3 600 euros le mètre carré dans la métropole", explique-t-il. Une équation difficile à résoudre dans un contexte de pouvoir d’achat contraint. L’interview se conclut sur un constat sans détour : "On a sur-règlementé notre activité. Les matériaux biosourcés sont plus chers et plus difficiles à mettre en œuvre. Ce n’est pas encore reparti."

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Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler de MaPrimeRénov' et du secteur de la construction. Pour en parler, nous recevons Norbert Fontanel, président de l'antenne du Rhône de la Fédération française du bâtiment. Bonjour Norbert Fontanel. Merci d'être venu sur notre plateau. Alors, le 4 juin, Éric Lombard, le ministre de l'Économie, annonçait la suspension des aides à la rénovation du dispositif MaPrimeRénov', en cause d'un encombrement des dossiers, je le cite, et un excès de fraude, face à la bronca et même des remontrances d'Emmanuel Macron. Le gouvernement a finalement confirmé le redémarrage de MaPrimeRénov' à compter du 15 septembre. Vous, comment avez-vous vécu cette séquence politique d'environ deux semaines ?

On est un peu habitué, avec les différents gouvernements, à avoir des revirements de situation, puisque MaPrimeRénov', je crois que c'est le 14e règlement qui arrive, avec des modifications. Effectivement, la ministre du Logement avait bien travaillé avec nous pour la PrimeRénov', et puis le ministre des Finances s'aperçoit qu'il n'a plus beaucoup d'argent dans les caisses, et il veut maîtriser tout ça. Ça, c'est logique. En revanche, nous, les entreprises, ce dont on a besoin, c'est de visibilité, et là, on est complètement dans le flou : on fait un pas en avant, un pas en arrière. C'est impossible de faire fonctionner des entreprises comme ça. MaPrimeRénov', c'est quelque chose qui vient de l'engagement de la France à vouloir décarboner notre industrie, et la construction en particulier. Donc à ce moment-là, l'État met sur la table 2,3 milliards d'euros de subventions pour les ménages qui en ont besoin, pour pouvoir sortir de la passoire thermique dans laquelle ils habitent. Cette subvention, qui vient aux ménages, arrive difficilement. Il y a des entreprises qui ont avancé l'argent aux ménages, et les ménages ne peuvent pas payer les factures aux entreprises parce qu'ils n'ont pas touché les subventions. À partir de là, il y a également des chantiers en cours, des devis qui ont été faits, et on ne sait pas ce qui va se passer. A priori, ça pourrait tenir, mais on s'aperçoit que l'ANAH envoie l'argent très difficilement aux ménages qui veulent rénover leurs appartements. Et 2,3 milliards pour 30 milliards de travaux à peu près… Donc en gros, avec une TVA à 5 % ou une TVA à 10 %, si ça fonctionne bien, l'État pourrait retrouver son argent avec cet échange de TVA. Mais le problème, c'est pour les petites entreprises. Les petites entreprises qui font ce genre de travaux, elles sont obligées de s'organiser. On leur dit : « Voilà, vous allez avoir des travaux à faire pour rénover, ça va être financé parce que les particuliers vont avoir leurs crédits ou leurs économies, plus une subvention », et à partir de là, vous faites les travaux. Les entreprises doivent déjà anticiper, s'organiser, négocier des matériaux, acheter du matériel. Et une fois que vous êtes organisés, on vous dit : « Non, vous ne faites plus. » C'est quand même compliqué. Les entreprises du bâtiment, c'est une sacrée énergie. Ce n'est pas comme gérer une épicerie.

Est-ce que ça représente quoi dans votre secteur, la rénovation ou MaPrimeRénov' ? Il y a des données un petit peu là-dessus ?

Oui, je crois qu'on est à 208 milliards de travaux. Sur les 208 milliards de travaux, la rénovation, c'est 118 milliards, et la rénovation énergétique, c'est 30 milliards.

Vous parlez sur le plan national ?

Sur le plan national, oui, bien sûr.

Et dans le Rhône, est-ce qu'il y a une exception, un particularisme local qui distingue le Rhône des autres départements ?

Non, dans le Rhône, c'est comme dans tous les départements. Il y a un certain nombre de personnes qui prévoient de réhabiliter leur logement, de pouvoir sortir de la passoire thermique, de pouvoir refaire l'isolation, de changer les fenêtres ou prendre une pompe à chaleur à la place d'une chaudière à fioul. Voilà, c'est ça la rénovation énergétique. Donc là, on est dans un certain flou.

Et pour vous, il n'y avait pas autant de fraude ? C'était un argument qui était…

La fraude…

… qui ne tenait pas ?

Est-ce que c'était des raisons budgétaires ? C'est ce qu'on a entendu aussi de la part de la FFB sur le plan national ?

Le budget, c'est l'État qui l'a proposé. L'État a proposé 2,3 milliards pour faire fonctionner cette activité économique. S'il ne veut pas les sortir, s'il veut que ce soit 1,5 milliard, qu'il le dise. Mais il ne faut pas changer, parce que les entreprises s'organisent. Il faut arrêter de changer. On ne peut pas faire un pas en avant, un pas en arrière. Notre activité, c'est : on vend des affaires. Ce n'est pas… J'ai dit épicerie tout à l'heure, mais c'est un secteur de l'économie où l'épicier, lui, doit avoir son stock, et quand le client rentre, il vend. Si le client ne rentre pas, il ne vend pas. Là, c'est différent. Il faut s'organiser. Et puis après, imaginer quand est-ce qu'on peut faire les travaux.

Oui, les temporalités ne sont pas les mêmes, effectivement.

C'est un temps un peu plus long.

On arrive un peu à la fin de l'émission. J'ai une dernière question plus générale sur la conjoncture. Comment se porte le secteur du bâtiment dans le Rhône ? On va parler du vrai territoire. Il y a quand même un contexte macroéconomique qui a changé par rapport à la dernière. Les taux de crédit ont baissé. On entend que l'argent coûte moins cher. Est-ce que vous le sentez, vous, dans la construction ?

Pas encore, parce qu'il n'y a ni certitude, ni inertie. Là, on parle du logement d'offre, parce que les taux concernent surtout le logement d'offre. La vente de logements anciens est repartie, parce que les prix du logement ancien ont bien baissé. Le logement d'offre, c'est plus compliqué, parce que le logement d'offre, en dessous d’un certain prix, la construction ne se fait pas. C’est-à-dire qu’il y a un prix de revient. Il faut vendre au-dessus du prix de revient. Sur des bâtiments qui sont au niveau énergétique, ils sont plutôt au top. Mais ce n’est pas encore reparti. Ce n’est pas reparti sur les mises en chantier. Même avec un terrain à zéro euro, le prix de vente sur une région comme la métropole ne peut pas descendre en dessous de 3 500 - 3 600 euros.

Autrement dit, c’est encore cher par rapport au pouvoir d’achat sur place, malgré la baisse des taux ?

Oui, je pense, parce qu’on a sur-règlementé notre activité. Et avec beaucoup de réglementation, il faut respecter. Avec des matériaux qui sont plutôt biosourcés, les matériaux sont plus chers et plus difficiles à mettre en œuvre pour les entreprises.

Très bien. Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup, Norbert Fontanel, d’être venu sur notre plateau pour nous donner votre avis. Quant à vous, merci d’avoir suivi cette émission. Plus de détails sur l’actualité économique de la région lyonnaise sur le site lyoncapitale.fr. Je vous dis à très bientôt

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