Antoine Nanterme
Antoine Nanterme, cofondateur de l’ADPL (association pour le développement de la Presqu’Ile de Lyon)

ZTL : "la Métropole de Lyon s'assoit sur les études d'impact" assure Antoine Nanterme

Antoine Nanterme, avocat et cofondateur de l'Association pour le développement de la Presqu'Ile à Lyon (ADPL), est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

"Est-ce qu'on s'assoit dessus parce qu'on estime ne pas en avoir besoin ? C'est ce que dit la Métropole de Lyon." Le sujet ? Les études d'impact de la zone à trafic limité (ZTL) de la Presqu'Ile de Lyon - et plus globalement du projet Presqu'Ile à vivre", dont la ZTL est l'une des composantes. "Là où ça pose problème, c'est que cela nous aurait, a minima, donné des chiffres, des études concrètes, qui permettraient d’avoir une meilleure vision de ce qui nous attend ou des impacts réels" regrette Antoine Nanterme, avocat lyonnais et co-fondateur de l'Association pour le développement de la Presqu'Ile à Lyon (ADPL).

En mai 2023, un recours devant le tribunal administratif avait été déposé pour le compte de dix-neuf associations et commerçants, dont l'ADPL. "Deux choses sont obligatoires : d'un côté, cette étude d'impact du point de vue du Code de l'environnement, et de l'autre côté, la concertation et l'information du public. Deux grands principes auraient dû être respectés dans le cadre de ce projet, ce qui n'a pas été le cas", défend Mélanie Hamon, l'avocate qui a déposé le recours.

En mars 2024, ce collectif d'associations et de commerçants a interpellé le Conseil d'État, pour accélérer la procédure. Contacté par Lyon Capitale, le greffe du tribunal administratif de Lyon expliquait alors que "le délai pour cette affaire n'est pas plus long que pour une autre. Les décisions du tribunal tombent souvent 12 à 18 mois après la saisine."

Mai 2025. Le tribunal administratif n'a toujours pas répondu.

No parking, no business ?

Partant d'un article de Lyon Capitale, faisant écho de cette saisine du Conseil d'Etat, un ingénieur transport et mobilité s'est basé sur quelques-unes menées à Rouen, à Lille ou encore à Nancy pour déconstruire le mythe du "no parking, no business". Extrait : "Toutes (ces études, NdlR) mettent en évidence les mêmes constats : la plupart des clients vivent à proximité des commerces, viennent majoritairement à pied et en transport collectif et appellent de leurs vœux des espaces apaisés et une place restreinte de la voiture. De leur côté, les commerçants surestiment systématiquement l’usage de l’automobile par leurs clients."

"Il ne s'agit pas de remettre en cause ces chiffres, ils sont réels, défend Antoine Nanterme. Mais lorsque vous supprimez l’accès à 20 % des consommateurs, vous créez un problème. Il ne s’agit pas de dire que les gens ne viennent pas en bus ou à pied. On voit bien que la Presqu’île est accessible en transports en commun, qu’il y a une consommation locale. Mais c’est aussi une zone d’attractivité régionale. C’est le plus grand pôle commercial à ciel ouvert d’Europe. Nous avons une singularité. Peut-on se passer de centaines, voire de milliers de consommateurs ? Je ne crois pas."

Lire aussi :
- "Le tribunal administratif peut invalider le projet Presqu'Ile à vivre"
- Piétonnisation : Lyon se ferme-t-il ?
- "Le tribunal administratif peut invalider le projet Presqu'Ile à vivre"

Pour aller plus loin :
Jugement du 21 février 2018 du tribunal administratif de Paris qui annule une délibération du Conseil de Paris, déclarant l’intérêt général de l’opération d’aménagement des berges de la rive droite de la Seine.


Dans un avis rendu le 21 janvier 2025, la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) Auvergne-Rhône-Alpes a émis plusieurs réserves sur le réaménagement des quais de la rive droite du Rhône à Lyon.
Voici la synthèse :

"Afin d’améliorer l’évaluation des impacts, leur maîtrise et la bonne information du public, l’Autorité environnementale recommande :

- de confirmer la compatibilité des sols avec leur usage notamment récréatif et de justifier la compatibilité des pollutions des sols avec l’infiltration des eaux pluviales


- de mieux justifier les hypothèses d’évolution du trafic


- d'approfondir l’étude des impacts du projet en matière d’émissions acoustiques et de qualité de l’air sur les secteurs de report de trafic (transitoires pendant les travaux et pérennes à leur issue) et plus globalement de gaz à effet de serre et de poursuivre la démarche d'évitement réduction et si nécessaire de compensation de la hausse de bruit et de polluants de l’air actuellement projetée dans certains secteurs ou tronçons concernés par une hausse significative du trafic


- de prévoir des mesures pour une meilleure insertion de la voie cyclable lyonnaise n°1 et du corridor de bus (ligne 60) sur le carrefour pont Gallieni / quai Claude Bernard


- d'exposer comment l'impact du changement climatique est pris en compte dans l'étude du risque de crue


- d’affiner la quantification de l’impact positif en termes d’émissions de gaz à effet de serre en intégrant une estimation des reports à une échelle élargie


- d’anticiper la coordination des travaux des différents projets affectant la circulation dans la ville de Lyon et la qualité de vie de ses habitants


- d'élargir au public et aux autorités décisionnaires la communication des suivis et deconfirmer les suivis relatifs aux niveaux de pollutions de l’air et sonores au droit desaxes routiers sur lesquels les modifications de trafic induites par le réaménagement desquais sont les plus importantes et plus largement le suivi précis des trafics et de leurreport."


La retranscription intégrale de l'entretien avec Antoine Nanterme

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Antoine Nanterme. Bonjour, vous êtes avocat et cofondateur de l'ADPL, l’Association de défense de la Presqu'île de Lyon. Le tribunal administratif a été saisi en mai 2023 quant à la légalité du projet Presqu'île à Vivre, qui regroupe d'un côté la piétonnisation de la Presqu'île, la ZTL, zone à trafic limité, puis le réaménagement de la rive droite du Rhône, qui pour le moment est un peu reporté. En mars 2024, vous écrivez au Conseil d'État avec plusieurs associations, lassés d'attendre la décision du tribunal administratif. À l'époque, Lyon Capitale avait interrogé le tribunal administratif, qui nous disait que les délais étaient normaux : c'est à peu près 12 à 18 mois après la saisine. On en est à 24 mois, il n'y a pas de réponse. Comment vous expliquez cette absence de réponse du tribunal administratif et du Conseil d'État ?

Alors je n'ai pas d'explication.

Vous n'avez pas eu de réponse ?

Alors le Conseil d'État a, en juin dernier, informé que la justice suivait son cours. On est persuadé que le tribunal administratif fait son travail, il n'y a pas de sujet là-dessus. Mais en revanche, on n'a pas de date d'audience à ce stade. Maître Hamon a reçu, a priori, une clôture d'instruction, mais devant les délais qui traînent à nouveau, on est probablement en passe de saisir de nouveau le Conseil d'État pour demander des explications.

Effectivement, je ne l'ai pas rappelé tout à l'heure ce recours sur la légalité du projet portait notamment sur la base du Code de l'environnement concernant les études d'impact. Ces études n'ont pas été faites, c'est certain ?

Par la Métropole. Elles n'ont pas été faites par la Métropole. Alors, est-ce qu'on s'assoit dessus parce qu'on estime ne pas en avoir besoin ? C'est ce que dit la Métropole. Là où ça pose problème, c'est que cela nous aurait, a minima, donné des chiffres, des études concrètes, qui permettraient d’avoir une meilleure vision de ce qui nous attend ou des impacts réels.

Ce qui est incroyable, c’est qu’on vous avait déjà invité sur ce plateau il y a de nombreux mois. On parlait déjà de ce recours devant le tribunal administratif, qui n’a toujours pas été tranché. Ces études d’impact sont, apparemment selon l’avocate Mélanie Hamon qui a porté le recours, obligatoires. La ZTL, la zone à trafic limité, c’est le 1er juin 2025. C’est demain, elle démarre. Vous avez toujours soulevé l’impact sur les commerces et la mixité sociale ?

Alors il y a plusieurs choses. Effectivement, sur les commerces, on sait déjà, c’est concret, il y a une perte de chiffre d’affaires. Est-ce que c’est uniquement l’impact de la fermeture des accès physiques par les travaux, par les voiries dédiées aux vélos ? Ce n’est certainement pas le seul facteur. En tout cas, cela aggrave les choses de façon concrète. On nous dit que ce sera mieux après, on l’espère évidemment. Est-ce qu’on va retrouver tous ceux qu’on a perdus en chemin ? Ce n’est pas évident.

Ce qui semble sûr, c’est qu’il y aura des dépôts de bilan.

Il y aura, de toute façon,des difficultés, elles sont déjà là.

Mais comme vous le dites, c’est multifactoriel. Il y a effectivement les travaux, et la mixité sociale.

Et la mixité sociale, c’est un sujet d’accessibilité à la zone. On nous explique que lorsqu’on fait une ZTL, les prix de l’immobilier ont tendance à augmenter. Ce n’est pas une bonne nouvelle dans des zones déjà en tension. Cela signifie qu’on va imposer des contraintes supplémentaires aux personnes qui veulent s’installer dans la zone. On a déjà un impact visible : le 1er et le 2e arrondissements perdent des habitants. Nous souhaitons tous que la situation s’améliore, mais le fait est qu’elle s’aggrave aujourd’hui, et qu’aucune solution n’est prévue à court terme.

Il y a quand même des études, attention, ce sont des données issues d'autres villes. Mais un ingénieur en transport et mobilité durable a montré, dans une étude, qu’à Lille et Nancy, la plupart des clients du centre-ville habitaient le centre-ville. La plupart venaient à vélo ou en transport en commun, autour de 20 % en voiture.

Il ne s'agit pas de remettre en cause ces chiffres, ils sont réels. Mais lorsque vous supprimez l’accès à 20 % des consommateurs, vous créez un problème. Il ne s’agit pas de dire que les gens ne viennent pas en bus ou à pied. On voit bien que la Presqu’île est accessible en transports en commun, qu’il y a une consommation locale. Mais c’est aussi une zone d’attractivité régionale. C’est le plus grand pôle commercial à ciel ouvert d’Europe. Nous avons une singularité. Peut-on se passer de centaines, voire de milliers de consommateurs ? Je ne crois pas. Les commerçants ne sont pas de cet avis.

Il y avait un sujet intéressant : le maire de Lyon, Grégory Doucet, a évoqué le taux de vacance commerciale. Entre 2021 et 2024, ce taux de vacance commerciale à Lyon est passé de 4,2 % à 6,2 %. À Lyon Capitale, nous avons interrogé Nicolas Lebrun, géographe spécialiste de la ville et du commerce à l’université de Picardie Jules-Verne, qui nous a expliqué que pour une ville de la taille de Lyon, 4,2 % est un taux normal. Ce qui ne l’est pas, c’est qu’en trois ans, on ait augmenté de 50 %. Cela témoigne, selon lui, d’une crise profonde de la Presqu’île.

C’est cela. Encore une fois, on nous dit que ce ne sont pas les travaux ni les actions publiques qui en sont la cause. Évidemment, ce n’est pas la seule et unique raison. Mais elles y participent. À partir du moment où vous ajoutez des contraintes supplémentaires à une crise économique déjà existante, et à une réorientation des consommations vers Internet, ce facteur compte énormément dans la prise de décision. Les élus et les politiques devraient être au service de l’amélioration de la situation, et non l’aggraver davantage. C’est bien le problème.

L'émission touche à sa fin. On verra ce qu’il en est le 1er juin 2025, la "fermeture de Lyon", pour reprendre les mots du collectif des défenseurs de Lyon, de la Presqu’île. En tout cas, la ZTL. On verra peut-être, selon les usages, comment cette ZTL évoluera, car beaucoup de sujets posent aujourd’hui problème. Merci Antoine Nanterme d’être venu. C’était 6 minutes chrono. Pour plus d’informations, rendez-vous sur www.lyoncapitale.fr. À très bientôt, au revoir.

Merci à tous.

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