Sculpture de Popline Fichot © Saint-Étienne Tourisme & Congrès / Matchwithart

Escapades dans la Loire : Saint-Étienne, le design dans la peau

Alors qu’en ce mois de juin, la Biennale internationale du design bat son plein à Saint-Étienne (n’attendez pas, cette année elle ne dure que six semaines !), explorons ses coulisses avec la commissaire d’exposition Laurence Salmon et profitons-en pour découvrir le centre urbain et les musées stéphanois qui, pour beaucoup, content une histoire des arts industriels dont le design semble tout naturellement être l’héritier.

La tour observatoire de la Cité du design. Au loin, les crassiers, vestiges du passé minier de Saint-Étienne © Saint-Étienne Tourisme & Congrès / Valentin Tissot – Frenchexploreur

Dans le sillage de villes industrielles comme Bilbao, Manchester ou Glasgow, qui ont su se régénérer par les arts et la culture, Saint-Étienne trace sa route et se réinvente, faisant du design le cœur de son identité. Ville Unesco de design depuis 2010, le ton est donné dès la sortie de la gare de Châteaucreux. Aux chaudes couleurs des jolies briques vernissées du bâtiment datant du milieu du XIXe siècle fait écho, juste en face, le flamboyant îlot Poste-Weiss. D’un rouge éclatant, son architecture audacieuse affiche le visage moderne de “Sainté”. La place de l’îlot est dotée d’un banc rouge géant, étonnante pièce de mobilier urbain, dont on retrouve de nombreux exemples disséminés à travers la ville, en premier lieu devant la gare, où se déploient les sièges tabourets du designer François Bauchet, les Chevaux bleus du sculpteur Assan Smati ou encore l’Arbre multi couleurs de Philippe Million.

L’îlot Grüner, conçu par l’architecte Manuelle Gautrand © Saint-Étienne Tourisme & Congrès / Valentin Tissot – Frenchexploreur

Focus : Une Biennale sous le sceau des enjeux contemporains

Avec pour thème “Ressource(s), présager demain”, la 13e édition de la Biennale internationale du design de Saint Étienne, qui court du 22 mai au 6 juillet 2025, investigue les défis de notre monde actuel.

Atelier Aïno, Amàco et Terramano, Ornement et performance de la terre, 2022, prototypes de cloisons thermiques, blocs de terre compressée non stabilisés © Atelier Aïno

Mise en place en 1998 par Jacques Bonneval, alors directeur de l’École régionale des beaux-arts de Saint-Étienne – aujourd’hui École supérieure d’art et de design (Ésad) –, la Biennale s’est au fil des années professionnalisée, favorisant l’émergence en 2009 de la Cité du design, sur le site de l’ancienne Manufacture d’armes. Pôle dédié à la création, à la recherche et à l’enseignement, accueillant chercheurs, étudiants et start-up, le site fait actuellement l’objet d’un vaste projet de transformation qui conduira notamment à l’ouverture en 2026 de la Galerie nationale du design, institution permanente qui racontera et questionnera le design à travers les collections françaises, ainsi qu’à l’automne 2025 d’une nouvelle cabane du design, à destination d’un jeune public.

C’est en partie sur ce site, dans l’édifice de La Platine, architecture de verre et d’acier qui marque l’entrée de la Cité du design, que se déroule la Biennale ainsi qu’aux halles Barrouin, ces deux lieux d’exposition principaux couvrant 3 600 m2.

Laurence Salmon © Pierre Grasset

Quatre questions à Laurence Salmon, historienne du design, directrice du développement culturel et artistique à la Cité du design depuis 2022 et commissaire générale de la thématique “Ressource(s), présager demain”.

Lyon Capitale : Comment s’est esquissée la thématique de cette 13e édition “Ressource(s), présager demain” ?
Laurence Salmon : Le mot “ressource” résonne de différentes manières. À Saint-Étienne, terre de gisement et d’extraction, la notion a un écho fort avec son histoire. Cette logique extractive n’est plus tenable dans notre monde contemporain où les limites planétaires sont à prendre en compte. Nous traversons une crise climatique qui exacerbe ces sujets. D’où l’intérêt de questionner cette notion de ressources à travers le design. Le designer, qui dessine de nouveaux imaginaires et perspectives, est aussi une ressource. Il faut faire confiance à la part de l’art dans le design pour nous porter vers des mondes désirables, possibles. L’idée de cette 13e édition n’est pas de dessiner des visions futuristes mais d’amener vers une compréhension des changements en cours qui affectent nos modes d’habiter. On parle ici d’un futur proche qui concerne notre quotidien à tous.

Philipp Schmitt et Steffen Weiss, The Chair Project (Four Classics), 2018 - 2019, pièce réalisée en collaboration avec Mikkel Mikkelsen (designer)

Cette édition met particulièrement le focus sur la figure du designer ?
Nous avons souhaité recentrer la thématique sur la figure du designer et sa pratique, comment elle évolue dans un monde qui invite à faire autrement. Les bouleversements de l’anthropocène nous obligent à être plus attentifs à la notion de ressource. Nous ne pouvons plus produire ou consommer comme il y a 50 ans. Comment le designer se positionne-t-il pour faire autrement ? Comment intègre-t-il à sa pratique la limitation des ressources, le changement climatique ? Quel est l’impact sur sa façon de créer ? Comment peut-il dessiner d’autres perspectives tout en sortant de l’équation extraire, transformer, jeter ? L’exposition thématique met ainsi en avant neuf designers co-commissaires qui prennent parole et position tout en donnant des clés de lecture et de compréhension.

Parmi les autres expositions proposées pendant la Biennale, on trouve notamment Le droit de rêver.
Cette exposition est le fruit de seize ateliers menés par des artistes et designers invités avec les étudiants de l’École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne. Dans un monde anxiogène, les jeunes designers, ressources pour le monde de demain, doivent s’autoriser à rêver. Le droit de rêver était d’ailleurs une revendication du philosophe Bachelard. Une autre exposition autour de l’Arménie met en avant un pays à la culture très riche, où une nouvelle génération de créatifs est très active.

Shakers, 2024, workshop encadré par Rodolphe Dogniaux © Sandrine Binoux

Quels sont les temps forts de la Biennale ?
La Biennale est un lieu d’échanges, de découvertes, de curiosités, de ressources. Pendant six semaines, des conférences et tables rondes gratuites apporteront des éclairages sur différents thèmes tout en étant accompagnées d’une programmation festive et multiforme.


© Saint-Étienne Tourisme & Congrès / Magali Stora

Banc d’essai !

Depuis 2015, Banc d’essai est devenu un rendez-vous majeur de la Biennale du design. Associant des talents sortis de l’Ésad Saint-Étienne avec des entreprises régionales, l’opération consiste à installer des prototypes de mobilier urbain dans l’espace public stéphanois. Un moyen de donner un coup de pouce à de jeunes créateurs tout en faisant entrer le design dans le quotidien de la ville. Pour cette 13e édition de la Biennale, six bancs publics sont ainsi exposés place Waldeck-Rousseau à Saint-Étienne ainsi que dans six communes de la métropole. Certains prototypes, plébiscités par les spectateurs, ont même depuis intégré l’espace public de façon pérenne.

© Saint-Étienne Tourisme & Congrès / Magali Stora

Musée d’Art et d’Industrie : un musée aux racines du design

Abrité dans un cossu bâtiment de la seconde moitié du XIXe siècle, le musée d’Art et d’Industrie regroupe trois ensembles de collections de prime abord disparates mais qui, outre les mines au XIXe siècle, ont fait la fortune de Saint-Étienne : les armes, les cycles et les rubans.

© Saint-Étienne Tourisme & Congrès / French Wanderers

“En 1850, Saint-Étienne, alors en pleine croissance économique et démographique, est la septième ville de France”, rappelle Amélie Arnaiz, médiatrice au musée. En 1889, sous la houlette de Marius Vachon, les collections d’armurerie et rubanerie sont réorganisées et naît le musée d’Art et d’Industrie, avec l’idée d’éduquer les ouvriers au beau. Aujourd’hui, le musée est doté de la première collection mondiale de rubans, cette industrie dite de la “petite navette” en opposition à la grande navette des soyeux lyonnais, ayant été depuis le XVIe siècle l’une des industries majeures du bassin. Côté cycle, le musée possède la première collection publique française et, côté armurerie, plus de 6 000 armes de chasse et de guerre.

L’Ambition du beau

En résonance avec la Biennale, le musée d’Art et d’Industrie accueille l’exposition L’Ambition du beau. À partir des collections du musée, le subtil parcours allant du Second Empire aux années 1940 montre comment de cette rencontre entre l’industrie et l’art émergea plus tard le design, dans une approche non seulement décorative mais également fonctionnelle. On s’émerveillera de la collection léguée par Jean-Michel Ogier, avant de plonger dans une éclectique présentation mêlant un Nymphéa de Monet, des affiches Art déco de Casino ou encore des premiers modèles de bicyclettes. Passionnant !

Le saviez-vous ?

C’est à Saint-Étienne qu’en 1886 est inventée la première bicyclette française ! C’est aussi à Saint-Étienne qu’est construite la première ligne de chemin de fer française, la reliant sur 21 kilomètres à Andrézieux afin d’acheminer le charbon des mines sur la Loire.


Hors Format, musée d'art moderne et contemporain © Saint-Étienne Tourisme & Congrès

Musée d’Art contemporain

Après 19 mois de travaux, le musée d’Art moderne et contemporain (MAMC+) a rouvert ses portes fin 2024. Émanation du musée d’Art et d’Industrie, ce lieu naît en 1987 de la volonté de donner tout l’espace nécessaire aux collections d’art moderne et contemporain et compte aujourd’hui plus de 23 000 œuvres. Conçu par l’architecte Didier Guichard sur un seul niveau, comme un supermarché, son quadrillage de céramique noire, plutôt design, est un hommage au passé minier de la ville. Parmi les expositions en cours, ne manquez pas Hors Format, qui présente des œuvres de très grands formats ou difficiles à transporter (dont certaines jamais exposées jusqu’alors) et que l’équipe muséale a choisi de dévoiler le temps de rénover ses réserves.


L’église Saint-Pierre à Firminy © Saint-Étienne Tourisme et Congrès / French Wanderers

Site Le Corbusier : Nos Pieds d’argile

À Firminy, l’église Saint-Pierre, inaugurée en 2006 (construite d’après les plans du Corbusier, qui ne verra jamais le démarrage du chantier), accueille une exposition Nos Pieds d’argile de la designer Matali Crasset, s’inscrivant dans la thématique “Ressource(s), présager demain”, portée par la Biennale. Cette ancienne collaboratrice de Philippe Starck, formée au design industriel, invite les visiteurs, à travers une approche sensible, à dépasser le constat d’un monde en crise et propose d’expérimenter un design utile, ancré dans le quotidien. L’occasion parfaite pour découvrir le site du Corbusier, qui regroupe une église, mais aussi un stade, une maison de la culture et, un peu plus loin, une unité d’habitation. Un site emblématique du grand maître d’architecture qui, chaque année, attire 20 % de visiteurs étrangers.

Nos Pieds d'argile, de Matali Crasset © Saint-Étienne Tourisme & Congrès / Arnaud Frich

© Nadège Druzkowski

Ella & Pitr

En arpentant la ville, ouvrez les yeux ! Vous ne manquerez pas de croiser les tendres géants du couple d’artistes urbains Ella & Pitr. À deux pas du musée d’Art et d’Industrie, la “rue des gâteaux” porte des centaines de collages de gâteaux d’anniversaire dessinés par le couple pour leurs proches, amis et voisins.


Pratique

Où loger ?

• Novotel, 4* en face de la gare de Châteaucreux, avec une belle terrasse et des bulles transparentes

• Comfort Aparthotel, 3*, dans le centre historique

• Meublé 4e rue de l’Unité d’Habitation, une expérience unique dans l’unité d’habitation conçue par Le Corbusier (appartement de 95 m2) - 06 52 37 43 93

Où se restaurer ?

• La Table des Matrus, le jeune chef Matéo Ravel (21 ans), distingué par Gault&Millau, a décroché un Bib Gourmand – la-table-des-matrus-restaurant-saint-etienne.fr

• Bistrot de la galerie, cuisine locale et authentique avec belle carte de vins – bistrotdelagalerie.com

• L’Hédoniste, produits locaux et de saison – restaurant-lhedoniste.com

Événements

• Complètement Gaga, festival d’arts de rue (théâtre, danse, musique et arts du cirque), les 30, 31 mai et 1er juin – biennale-design.com

• Intelligence artisanale, ateliers gratuits avec plus de 30 acteurs locaux (designers, artistes, start-up…), les 7 et 8 juin – biennale-design.com

• Cuisine Urbaine Fest’, festival de street food, place Chavanelle, le 12 juin

Comment s’y rendre ?

• TER direct Lyon-Saint-Étienne, comptez 45 minutes

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