Vingt dieux, un des beaux succès cinématographiques français de l’année 2024, nous plonge dans l’univers du comté. Dressant le portrait d’une jeunesse rurale peu souvent mise en lumière, la réalisatrice Louise Courvoisier nous emporte, avec son premier long métrage, au rythme des petites exploitations agricoles. Entre pays de Gex, Jura et Doubs, emboîtons-lui le pas pour un road trip estival entre fermes, ateliers de fabrication et caves d’affinage du fameux comté, mais aussi bleu de Gex, morbier et autres spécialités fromagères.
Commençons notre route dans l’Ain, à Chézery-Forens, à une vingtaine de minutes en voiture de Bellegarde. Ce petit village, traversé par la rivière de la Valserine, abrite la fromagerie de l’Abbaye, union de onze fermes perpétuant l’héritage du système coopératif des fruitières du massif du Jura.
Cette coopérative est l’une des quatre dernières fromageries à fabriquer du bleu de Gex et l’une des deux seules du département de l’Ain, avec un atelier fermier. Elle produit également du comté dont la zone AOP s’étend au massif jurassien, englobant les départements du Jura, Doubs, quelques communes de Saône-et-Loire, mais – et c’est moins connu ! – également une partie de l’Ain.
Depuis une passerelle en accès libre en matinée, vous pourrez découvrir les caves et ateliers de fabrication, guidé tout au long du parcours par des explications qui vous apprendront tout sur la transformation du lait depuis la pâture des vaches jusqu’à la vente du fromage, en direct ici !

Le bleu de Gex : un bleu de caractère
Également appelé bleu de septmoncel, ce bleu doux provient du lait de vaches de races locales, montbéliarde ou simmental. L’origine de sa fabrication remonte au XIIIe siècle et est liée au savoir-faire monastique des religieux de l’abbaye de Saint-Claude.
Le principe de fabrication fut importé par ces moines, migrants dauphinois qui refusaient de devenir français. Ils enseignèrent ce savoir-faire fromager dans les fermes à proximité du village des Moussières. Au XVIe siècle, ce fromage à pâte persillée était servi jusqu’à la table de Charles Quint, alors maître de la région !

Fromages de chèvre
Un arrêt à Chézery-Forens est également l’occasion de découvrir deux chèvreries : la ferme de Menthières, nom du hameau de la commune, située à 1 000 mètres d’altitude et l’un des points de départ pour la Grande Traversée du Jura.

Vous pourrez ici vous procurer en direct des fromages de chèvre fermiers ainsi qu’à la chèvrerie de Noire Combe, sur les contreforts du crêt de Chalam où Angélique et Johann proposent des fromages de chèvre bios avec possibilité d’assister à la traite, pendant la saison, sur réservation.


De fermes en fruitières sur les routes des fromages
Le pays du comté compte 140 fruitières, ces ateliers où les producteurs rassemblent leur lait (le fruit de leur travail) afin d’avoir une quantité suffisante pour fabriquer une meule de comté. Chacune pèse 40 kilos !
De nombreuses fruitières disposent d’un magasin de vente et parfois se visitent ainsi que certaines fermes à comté. Mickaël, à la ferme de la Sablière, dans le village des Bouchoux, propose une découverte de son univers agricole, ainsi que des visites libres et gratuites (sur réservation) avec possibilité d’assister à la traite des vaches. Quant aux fruitières, elles ponctuent toute la zone d’appellation : ne pouvant se trouver à plus de 25 kilomètres du lieu de récolte du lait, vous ne serez jamais loin d’un lieu d’approvisionnement.

Des forts militaires transformés en caves d’affinage
En direction de Morez, le fort des Rousses offre un autre point d’étape incontournable. Cet ancien fort militaire niché à 1 150 mètres d’altitude, conçu pour abriter 3 500 soldats et 2 000 chevaux, a été aménagé en caves d’affinage en 1998.
Édifié à partir de 1800 à l’initiative de Napoléon, il s’agissait de la deuxième plus grande forteresse de France. Sa particularité ? Elle déroule des kilomètres de galeries souterraines (50 000 m2), ce qui en fait l’une des plus grandes caves d’affinage d’Europe. Ses murs épais et les parois de roche offrent de plus une hygrométrie et un climat constant parfaits pour affiner quelque 190 000 meules de comté.
Pour découvrir ce “temple du comté”, des visites guidées (1 heure 30) sont proposées. Habillez-vous chaudement, même en plein été, il fait 8°C dans le fort !

À une heure de route, plus au nord, dans le Doubs, un autre fort militaire a également été réhabilité en cave d’affinage : le fort Saint-Antoine.
Situé à 1 100 mètres d’altitude entre le lac de Saint-Point et la station de Métabief, il a été édifié vers 1880 pour protéger la frontière suisse.
Depuis 1966, l’affineur de comté Marcel Petite a élevé plus d’un million de comtés dans une ambiance de grotte naturelle. Sur 300 mètres de parcours, des visites guidées vous feront découvrir quelque 100 000 meules de comté, rencontrer un maître de cave et se concluront par une dégustation permettant d’apprécier les différentes saveurs du comté.

Devenir incollable à la Maison du Comté
Les aficionados du fameux fromage, variant de l’ivoire au jaune doré, ne pourront pas passer à côté de la lumineuse Maison du Comté, à Poligny, qui propose un voyage immersif convoquant les cinq sens adapté aussi bien aux petits qu’aux grands.
La visite commence par un film d’animation nous plongeant, dans une ambiance poétique, au cœur de la filière du comté et de ses acteurs. Puis la scénographie nous transporte de la ferme et son producteur de lait à la fruitière et son fromager pour finir à la cave et son maître affineur. Manipulations, vidéos, jeux, devinettes senteurs, chaque espace permet d’apprendre en s’amusant. Vous découvrirez ainsi que 400 litres de lait sont nécessaires à la fabrication d’une meule de 40 kilos, soit la quantité de lait produite chaque jour par vingt vaches de race montbéliarde. Ces dernières composent d’ailleurs à 95 % le cheptel de la filière comté, la race simmental complétant les 5 % restants. La visite se termine par la dégustation de deux comtés d’âge différent permettant d’apprécier leur goût et leur arôme et donc tout le talent des maîtres affineurs… Alors, prêt pour une aventure sur la route des fromages ?

Le morbier, un fromage né à la fin du XVIIIe siècle
Si l’appellation Morbier a été créée en 2000, le fromage à raie noire est né à la fin du XVIIIe siècle. À cette époque, les paysans de Franche-Comté livraient le lait des vaches à la fruitière du village pour la fabrication du comté. La rudesse du climat contrariant parfois les déplacements, les producteurs fabriquaient à la ferme leur propre fromage.
Pour protéger le pain de caillé, obtenu avec le lait de la traite du soir, ils déposaient sur le dessus de la cendre. Le matin, ils recouvraient la première partie du fromage de celui fabriqué avec la deuxième traite. Aujourd’hui, cette ligne sombre est tracée avec du charbon végétal.
Deux balades ludiques pour découvrir le morbier
À deux pas du fort Saint-Antoine, deux sentiers de balades, ludiques et pédagogiques, adaptés aux familles, permettent de découvrir les secrets de ce fromage à raie noire. Ces parcours d’environ 5 kilomètres chacun sont situés dans les villages de Métabief et Labergement-Sainte-Marie. Après avoir téléchargé l’application gratuite Morbier Explor Games®, les visiteurs s’engagent sur un jeu de piste ponctué de défis à travers les villages, fermes et prairies traversés. Et pour ceux qui souhaitent des balades de vacances sans téléphone, les sentiers sont également jalonnés de panneaux explicatifs. Pourquoi ne pas terminer cette petite aventure par une visite de fromagerie et une dégustation ?

À Labergement-Sainte-Marie, la fruitière des Lacs propose une visite interactive, tout en jeux et parcours sensoriels pour découvrir l’histoire de la Franche-Comté et des montagnes du Jura. Tous les jours, de 9 h à 10 h 30, il est également possible d’assister à la fabrication artisanale des fromages de comté et morbier.

À Métabief, la fromagerie du Mont d’Or Sancey Richard propose, quant à elle, d’assister gratuitement tous les jours à la fabrication de ses fromages. Vous pourrez observer le travail des fromagers depuis un balcon vitré surplombant deux ateliers de production ainsi que découvrir des outils d’antan.