Les stations fantômes, délaissées du public @ Pierre-Alexandre Métral

Auvergne-Rhône-Alpes : plus de 100 stations de ski à l'abandon

Autrefois paradis des skieurs, ces stations sont devenus fantômes, avec toutes les infrastructures en place.

Qui dit hiver, dit neige et montagne. Alors que les Lyonnais entament leur première semaine de vacances scolaires - du 4 au 19 février - les stations de sports d'hiver connaissent une "hausse de fréquentation de 15 %" expliqe Jean-Luc Boch, président de France Montagnes à Lyon Capitale.

Pourtant, les stations de ski ont leur part d'ombre. Souvent méconnus du grand public, 186 domaines skiables alpins ont définitivement cessé leur activité, dont 104 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, d'après les recherches de Pierre-Alexandre Métral, doctorant en géographie à l’Université de Grenoble-Alpes.

Les stations de ski délaissées

La commune du Petit Bornand (750m) a cessé son activité dans les années 90 faute de neige @ stations fantômes // Vincent Simon

Autrefois des stations de sports d'hiver, à l'image du Col du Coq, dans le massif de la Chartreuse en Isère, était fréquentées par les touristes. Cette petite station composée de trois téléskis, appelée "centre de ski" par Pierre-Alexandre Métral, et créée en 1967 a dû cesser son activité en 1995, pour des raisons financières. Une partie des installations du site a été abandonnée, délaissée dans la nature, jusqu'en 2012. L'association nationale de protection de la montagne et de l'environnement, Mountain Wilderness, basée à Grenoble, est intervenue pour démonter les appareils désaffectés.

En Auvergne-Rhône-Alpes, des glaciers ont également dû fermer leur porte aux touristes. C'est le cas du glacier du géant de Chamonix, situé à plus de 3 300 m d'altitude. Ouvert dans les années 50, le glacier, équipé de téléskis et d'une télécabine a dû mettre à l'arrêt son exploitation, au début des années 90, en raison des difficultés d'accès et de sécurisation du site. La station Saint-Honoré 1500, en Isère, a elle aussi connu une tragique fermeture. Certains projets immobiliers, jugés trop ambitieux sont laissés à l'abandon et les remontées mécaniques sont arrêtés en 2004. Depuis, la station attire les curieux qui viennent s'aventurer dans les bâtiments délaissés. Récemment, en 2020, c'est le col de Plainpalais en Savoie qui a dû fermer.

Saint Honoré en Isère, immeuble désaffecté (Photos de Dahlia 3D)
Saint Honoré 1500 (site : Monsieur et Madame Shoes)

Manque de neige et concurrence accrue

Ce sont principalement les petites stations qui ont été touchées par le déclin. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène d'abandon. D'abord, le progrès technique a rendu obsolète un grand nombre d’aménagements, en raison d'une hausse de la concurrence des activités en lien avec la neige dans les stations voisines plus attractives. Les petites structures comme le Col du Coq n'ont pas pu survivre face à la croissance "écrasante" des plus grands domaines skiables. Trop peu de demandes, les exploitants, qu'ils soient du public ou du privé, n'ont pas renouvelé le bail. "Ces centres de ski n'étaient pas rentable et les charges d'exploitation étaient bien plus supérieures au chiffre d'affaires généré", précise Pierre-Alexandre Métral à Lyon Capitale.

Mais avec le développement de l’alpinisme et l'attractivité autour des sports d'hiver - sans compter le ski alpin - les aménagements tels que les remontées mécaniques ou les câbles, sont délaissés sur la zone.

Prats de Mollo (Pyrénées) - (Stations fantôme)

Pour les petites stations, la cause principale de la fermeture est due au manque de neige, lié au réchauffement climatique des dernières années. Faute de neige, les touristes ne veulent plus s'aventurer dans ces stations de ski et cherchent à aller plus haut. C'est aussi le facteur de l'élévation général du niveau de ski qui amène les touristes à emprunter d'autres domaines skiables. "Il faut savoir que les stations de ski fermées sont celles qui avaient, la plupart, le moins de remontées mécaniques", souligne le doctorant.

Votée en 2016, l'article 71 de la loi montagne II prévoit "une obligation de démantèlement des remontées mécaniques et de leurs constructions annexes, ainsi que de remise en état des sites", dans un délai de trois ans à compter de l'arrêt définitif des remontées, même si la mesure n'est pas rétroactive. "Si les équipements ne sont pas démontés dans les trois ans qui suivent la fermeture, personne ne les démontera plus après" souligne l'association Mountain Wilderness.

Pour l'heure, la mesure ne concerne uniquement les remontées mécaniques qui ont été ouvertes après 2016, et donc la mesure ne sera pas visible avant "30 à 40 ans" selon Pierre-Alexandre Métral.

Le Bouchet Mont Charvin (Crédit : site Stations fantômes)

L'impact environnemental

La fermeture des domaines skiables a légèrement impacté l'environnement de ces territoires, dont la pratique du ski faisait partie intégrante de leurs identités. Les aménagements, généralement constitués de socles en béton, de pylônes avec roues, d’échelles, de câbles et de gares de départ et d’arrivée sont rarement démontés et revendus, en raison de leurs coûts trop importants à supporter pour les communes rurales. L'association Mountain Wilderness estime entre 50 et 80 000 euros pour démonter un téléski. "D'une manière générale, il reste entre 80 et 100 remontées mécaniques en France laissées à l'abandon", estime le doctorant, avant de poursuivre : "le phénomène de fermeture n'est pas quelque chose de négatif, ça reste quelque chose de naturel. Chaque année environ deux à trois centres de ski ferment leurs portes."

Dans l'un de ses rapports, l'association Mountain Wilderness dresse un bilan inquiétant sur l'environnement : "ces installations constituent une menace pour la faune. Sont notamment concernés les oiseaux tels que les tétraonidés et certains rapaces. Les restes sont souvent détériorés et ont un impact fort sur le paysage, d’autant plus qu’ils sont placés dans des sites propices aux activités de loisirs de pleine nature. De plus, ils constituent un danger pour les aventuriers qui tentent de grimper sur les pylônes."

Lire aussi : Les stations de ski de basse altitude dans la région sont-elles en péril ?

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