@Antoine Merlet

Législatives : à Lyon, l'étiquette NUPES attire une jeunesse désintéressée, reportage

À Lyon, dans une ville qui regroupe les 4 circonscriptions les moins abstentionnistes du Rhône et où la NUPES mène les débats, le désintérêt des jeunes pour la politique rythme cet entre-deux-tours des législatives. Malgré un soutien clair envers la gauche unie, les jeunes électeurs sont de moins en moins concernés par les élections. Reportage.

Sous un soleil de plomb, la place de la comédie peine à se remplir ce vendredi 17 juin. Les quelques passants préfèrent fuir la chaleur et se diriger vers le premier coin d'ombre qu'ils aperçoivent. Les jeunes aussi se font rares sur cette place, tout comme ils se sont fait rares lors du premier tour des élections législatives dimanche dernier. À Lyon, l’union de la gauche a dominé les débats en remportant trois des quatre circonscriptions de la ville. Seule la députée sortante Anne Brugnera, bien installée dans la 4e circonscription, a su résister à l’écologiste Benjamin Badouard, qui a tout de même terminé à moins de 4 points derrière elle en récoltant 31,72% des suffrages.

Place de la Comédie.

Au niveau national, un sondage Ipsos Sopra-Steria a démontré que 42% des 18-24 ans ont voté pour la NUPES dirigée par Jean-Luc Mélenchon."Logique" pour Lucille, qui s'offre une petite pause déjeuner près de l'Opéra. La jeune femme de 26ans a voté pour la NUPES au premier tour, en apportant sa voix à Aurélie Gries, candidate de la 1ere circonscription et qualifiée au second tour.

Un vote jeune porté par l'écologie

Pour cette jeune électrice, c'est l'étiquette qui l'a emporté plutôt que la candidate. Instinctivement, elle a voté pour la gauche unie car "c'est la dernière solution pour se sauver de la catastrophe qui nous guette", lâche-t-elle. Choisissant l'abstention à chaque fois qu'une élection a pu se présenter à elle par le passé, la jeune femme a décidé de voter cette année. "C'est pas Mélenchon qui m'a motivé, mais plutôt le fait que la cause écologique ait été mise sur le devant de la scène. Si on n'agit pas, on va clairement dans le mur", soutient-t-elle.


"On nous prend quand même pour des cons. Macron tente un discours plus écolo, mais on sait que c'est uniquement pour attirer nos voix. Mélenchon aussi vous me direz, mais il faut tenter et on verra bien. Ça ne peut pas être pire", Lucille, 26 ans


Sans se dire "concernée" par la politique, elle scrute tout de même les dérapages et prises de positions de l'actuel président. Autant d'éléments qui ont conditionné son choix dimanche dernier.  "Tout me dérange chez Macron. Il ne dit rien et je n'ai pas confiance en lui, je ne me sens pas considérée par cet homme", tance-t-elle. À plusieurs reprises, elle évoque le profond rejet qu'elle éprouve pour la chose politique et ses représentants. "On nous prend quand même pour des cons. Macron tente un discours plus écolo, mais on sait que c'est uniquement pour attirer nos voix. Mélenchon aussi vous me direz", concède-t-elle, mais il faut tenter et on verra bien. Ça ne peut pas être pire".

Vote sur l'étiquette

Au niveau de la place de la Bourse, Malik, 25 ans, se dit "intéressé" par la politique, non pas par conviction mais plutôt par "acquis de conscience". "Je ne suis pas politisé et encore moins partisan d'une famille politique. Mais dimanche dernier, j'ai voté pour le député sortant de ma circonscription car je me retrouvais dans son discours" développe-t-il, un brin hésitantL'étudiant en publicité dans une école du 9e arrondissement avoue être "partiellement" détaché de la politique et de la séquence des élections législatives. Il a d'ailleurs quelques difficultés à se souvenir du nom qu'il a glissé dans l'urne lors du premier tour. "En gros c'est NUPES, un mec avec les cheveux blancs. Je ne le connaissais pas du tout", se remémore celui qui est inscrit dans la 2e circonscription et qui, sans s'en rappeler distinctement, a voté pour Hubert Julien-Laferrière, arrivé en tête dans la 2e circonscription.

Place de la Bourse.

"Un rejet total" de la politique

Direction place Bellecour, où la chaleur étouffante ne cesse de se faire sentir. Assis sur un banc juste à côté d'un arbre, Pierre-Alain profite du seul coin d'ombre qu'offre cette place. Âgé de 32 ans, l'agent immobilier n'a voté qu'une seule fois dans sa vie, lors de la présidentielle en 2012. Ce qui frappe tout de suite chez le Lyonnais, c'est le désintérêt total dont il fait preuve vis-à-vis de la politique. "Je ne m'y suis jamais intéressé. Je sais que c'est important de voter mais ça me gonfle. À vrai dire, je crois que je ne suis même plus inscrit sur aucune liste", avoue-t-il. Pour rappel, ce sont les jeunes qui se sont déplacés le moins jusqu'aux bureaux de vote. Sociologiquement à gauche, la tranche d'âge 18-24 ans a boudé les urnes à 69 %. Pire encore, chez les 25-34 ans, l'abstention atteint des sommets et grimpe à 71 %.  "Je zappe le sujet, avance-t-il, tout ce qui plane autour de la politique ça ne me parle vraiment pas. J'ai un rejet total de ça et je n'ai pas envie de me forcer à m'y intéresser".


"C'est monumental et forcément inquiétant. C'est surtout sur nous les jeunes que ce quinquennat va se porter. C'est dommage de perdre la main sur des choix qui nous concerne", Willem 24 ans


Un peu plus loin, Willem fume sa cigarette avant d'aller au travail. Étudiant en droit à l'Université de Lyon 3, il est à l'antipode de Pierre-Alain lorsqu'il est question de vote. Il s'est toujours déplacé jusqu'aux urnes quand il le pouvait. Pour les législatives, le jeune homme de 24 ans a fait une procuration auprès de ses parents car il est inscrit dans la Loire. "J'ai voté pour NUPES mais je suis de loin ce qui se passe en politique", observe le jeune hommeUn choix paradoxal selon lui puisqu'il explique avoir voté Macron à la présidentielle. "Son programme est équilibré au niveau économique. C'était plus logique de voter pour un gouvernement qui cherche la stabilité. Comme c'est logique de voter pour une assemblée plus à gauche afin d'équilibrer les pouvoirs.  D'autant que, la NUPES a un programme qui, à mon sens, est réalisable dans les grandes lignes" analyse-t-il.

Place Bellecour.

Lorsqu'il est question du taux d'abstention chez les jeunes, l'étudiant déroule : "c'est monumental et forcément inquiétant. C'est surtout sur nous les jeunes que ce quinquennat va se porter. C'est dommage de perdre la main sur des choix qui nous concerne". Alors qu'elle a atteint un record dès le premier tour (52,2 %), l'abstention pressentie pour le second tour des législatives va vraisemblablement donner un nouveau coup de chaud aux candidats Ensemble et Nupes.

Lire aussi : Législatives : "voter ne sert à rien", dépit et consternation avant un second tour promis à l'abstention, reportage aux Minguettes

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