Fabrice Balanche
Fabrice Balanche

Israël-Palestine : "l'Union Européenne n'a absolument aucun levier"

Fabrice Balanche, enseignant à Lyon 2 et spécialiste de la géographie politique du Proche-Orient, est l'invité de 6 minutes chrono.

Spécialiste du Proche-Orient, il enseigne à Lyon 2 et au Washington Institute for Near East Policy, Fabrice Balanche décrypte pour Lyon Capitale les grands ressorts de géopolitique qui sont à l'origine des attaques terroristes du Hamas le 7 octobre et la possible contagion du conflit à tout le Moyen-Orient. "Dès qu'on a un problème entre Israël et la Palestine, de toute façon, il y a toujours un risque d'embrasement au Proche-Orient. Le Hamas fait partie de ce que les Iraniens appellent ces axes de la résistance, ces axes pro-Iranien dont l'utopie mobilisatrice est la destruction d'Israël. Le Hamas en attaquant Israël, on sait très bien que ça a été sur ordre de l'Iran. C'est très clair parce que c'est l'Iran qui lui fournit toute sa logistique, ses armes, les munitions, de l'argent et le soutien international, évidemment. Donc effectivement, il y a toujours ce risque qu'au Nord, les marionnettes de l'Iran, le Hezbollah en particulier, lancent une attaque sur Israël et que ça entraîne évidemment des conséquences régionales".


"On est dans une nouvelle guerre froide : d'un côté, les pays occidentaux, États-Unis, OTAN, de l'autre côté, ce que j'appelle "l'axe asiatique", Chine, Russie, Iran, Pakistan et d'autres pays qui sont greffés là autour"


Fabrice Balanche n'imagine pas que la diplomatie française ou européenne puisse apaiser la situation : "l'Union Européenne n'a absolument aucun levier parce que l'Union Européenne, c'est un nain politique. L'Union Européenne apporte une aide immunitaire mais elle ne pèse absolument pas dans toutes ses négociations géopolitiques. En ce qui concerne les États-Unis, faire pression sur l'Iran aujourd'hui c'est extrêmement difficile parce qu'on est dans un monde dans une nouvelle guerre froide où on a d'un côté les pays occidentaux, États-Unis, Autan et de l'autre ce que j'appelle l'axe asiatique, Chine, Russie, Iran, Pakistan et d'autres pays qui sont greffés là autour. Donc l'Iran aujourd'hui est protégé notamment par la Russie et par la Chine. Donc la solution ça serait quoi ? De nouvelles sanctions contre l'Iran ? Ils sont déjà au maximum. Ça serait tout simplement une intervention militaire. Or les États-Unis veulent absolument éviter notamment qu'Israël aille bombarder l'Iran".


La retranscription intégrale de notre entretien avec Fabrice Balanche

 Aujourd'hui nous accueillons Fabrice Balanche. Vous êtes chercheur enseignant à Lyon 2, spécialiste du Moyen-Orient. On vous a invité pour essayer de comprendre ce qui se passe aujourd'hui en Israël et en Palestine. Et se poser peut-être en préambule la question, est-ce que l'attaque du 7 octobre, l'attaque du Hamas, terroristes, elle a mis le feu à une poudrière finalement plus large que la simple bande de Gaza. Est-ce qu'il y a un risque d'embrasement du Moyen-Orient ?

Dès qu'on a un problème entre Israël et la Palestine, de toute façon, il y a toujours un risque d'embrasement au Proche-Orient. Il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, on a l'Iran qui domine la région. Irak, Syrie, Liban, ça fait partie de l'axe iranien, du croissant chiite. Et en bout de chaîne, on a justement le Hamas qui fait partie de ce que les Iraniens appellent ces axes de la résistance, ces axes pro-Iranien dont l'utopie mobilisatrice et la destruction d'Israël. Ça, il faut quand même en être bien clair. Donc effectivement, le Hamas en attaquant Israël, on sait très bien que ça a été sur ordre de l'Iran. C'est très clair parce que c'est l'Iran qui lui fournit toute sa logistique, ses armes, les munitions, de l'argent et le soutien international, évidemment. Donc effectivement, il y a toujours ce risque qu'au nord, les marionnettes de l'Iran, le Hezbollah en particulier, lancent une attaque sur Israël et que ça entraîne évidemment des conséquences régionales. C'est pour cette raison qu'on a deux porte à vue américains qui sont dans la région pour éviter d'en arriver à cette extrémité.


Est-ce que les Américains, est-ce que l'Union Européenne peuvent arriver finalement à contrecarrer, à étouffer l'embrasement ? Est-ce qu'il y a une solution diplomatique pour peut-être modérer Israël dans sa réponse, faire pression sur les Iraniens ? Est-ce qu'il y a un jeu diplomatique qui peut exister ou la pièce est en l'air et on attend de savoir de quel côté elle retombe ?


En ce qui concerne l'Union européenne, elle n'a absolument aucun levier parce que l'Union Européenne, c'est un nain politique. L'Union Européenne apporte une aide immunitaire mais elle ne pèse absolument pas dans toutes ses négociations géopolitiques. En ce qui concerne les États-Unis, faire pression sur l'Iran aujourd'hui c'est extrêmement difficile parce qu'on est dans un monde dans une nouvelle guerre froide où on a d'un côté les pays occidentaux, États-Unis, Autan et de l'autre ce que j'appelle l'axe asiatique, Chine, Russie, Iran, Pakistan et d'autres pays qui sont greffés là autour. Donc l'Iran aujourd'hui est protégé notamment par la Russie et par la Chine. Donc la solution ça serait quoi ? De nouvelles sanctions contre l'Iran ? Ils sont déjà au maximum. Ça serait tout simplement une intervention militaire. Or les États-Unis veulent absolument éviter notamment qu'Israël aille bombarder l'Iran, bombarder les centres de fabrication de la bombe atomique iranienne. Ils n'ont pas envie surtout une année d'élection à ce que le Moyen-Orient s'embrasse. Et surtout ils craignent évidemment un nouveau bourbier pour les États-Unis et une réaction des alliés de l'Iran. Donc tout ce qu'ils peuvent espérer c'est que l'Iran laisse le Hamas se faire écraser, profitant de ce laps de temps pour poursuivre son programme nucléaire et atteindre la bombe atomique de manière à ce qu'ils deviennent un sanctuaire et qu'on ne puisse plus justement attaquer l'Iran comme on pourrait le faire en cas d'attaque sur Israël justement.


Vous parlez beaucoup de la responsabilité des Iraniens, est-ce à dire que vous vous donnez moins d'importance finalement ? On a beaucoup expliqué les attaques du Hamas du 7 octobre par la normalisation en cours entre l'Arabie Saoudite et Israël, la normalisation des relations diplomatiques. Pour vous c'est pas la raison principale ?


Alors c'est une des raisons, effectivement. On a donc depuis les accords d'Abraham de 2020, signé entre les Émirats Arabes Unis et Israël sous les auspices américains, une normalisation avec les pays arabes du Golfe notamment, et l'Arabie Saoudite était en train de se rapprocher d'Israël. Et là c'est extrêmement dangereux pour l'Iran, parce que vous avez une alliance entre les pays arabes du Golfe, Israël, et puis d'un autre côté la Turquie. N'oublions pas que Israël ne s'est pas opposé à l'anéantissement du Karabagh par l'alliance Turquie-Azerbaïdjan, puisque Israël compte sur la Turquie et sur l'Azerbaïdjan pour faire contrepoids à l'Iran. Et donc là pour les Iraniens, on avait un dangereux croissant opposé qui est en train de se constituer avec Israël comme pivot. Donc effectivement pour les Iraniens, jouer sur ce levier la cause palestinienne oblige les dirigeants des pays du Golfe à de nouveau s'opposer à Israël, à écouter la rue saoudienne, la rue turque, qui reste très attachée à la cause palestinienne, ce qui n'est pas forcément le cas des dirigeants.

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