Procès des évadés de Moulins : “l’évasion est un devoir”

Ce mercredi, on se bousculait à la cour d’assises du Rhône. Le public était venu en nombre assister aux plaidoiries des avocats d’Omar T., mais surtout de Christophe K.

La salle d’audience était encore plus remplie qu’à l’habitude ce mercredi aux assises de Lyon. Le public, habituellement plutôt calme, était parcouru par un frémissement. Et pour cause, après un réquisitoire sévère des avocats généraux, c’était aux avocats des deux principaux accusés de se lancer dans leurs plaidoiries.

Les avocats d’Omar T. ont ouvert le bal. Leur client est l’un des deux évadés. Avec Christophe K. Il a, à plusieurs reprises, fait entendre sa voix tout au long du procès, faisant des réflexions quand bon lui semblait. Ses avocats ont décrit un homme sans lien social, en prison depuis dix ans qui “se présente aujourd’hui avec sa colère et ses émotions qui débordent”. Ils ont évoqué un homme qui, pour se faire entendre, pour montrer au monde qu’il existe, n’a trouvé comme moyen que la rébellion.

L’avocat d’Omar T., maître Lumbroso, s’est évertué à pointer du doigt la prison (lire aussi notre article). Il en a parlé comme d’un monde opaque, où règne la loi du silence, qui “ne sert strictement à rien” et dans lequel il faudrait ajouter “un peu d’humanité”.

Quant à la peine requise par les avocats généraux, 18 à 20 ans pour Omar T., il juge une telle condamnation trop lourde : “Il n’y a pas eu de blessés ou de mort ! Si on le condamne à cela, à quoi condamne-t-on un meurtrier ?” Avant de conclure, non sans humour : “S’il n’y avait pas eu de détention, il n’y aurait pas eu d’évasion et on n’en serait pas là aujourd’hui !”

“L’espoir est un poison”

La matinée s’est terminée avec la plaidoirie d’une des avocates de Christophe K., maître Boesel. Elle a peint le portrait d’un homme qui n’est pas prêt à tout pour s’évader, mais dont le seul but est “de vivre et non pas de mourir en prison”. Elle a parlé d’un homme qui, tout au long de la cavale, s’est comporté d’une telle manière que les victimes, malgré le traumatisme, “le comprennent”. “Vous n’êtes pas face à un héros, vous n’êtes pas face à un symbole, vous êtes face à un homme qui voulait reprendre sa liberté”, a-t-elle dit aux jurés. Une liberté qui semble bien lointaine.

Pour donner plus d’impact à ses paroles, maître Boesel a donné quelques chiffres : “Le 28 janvier 2037, Christophe K. sera libérable. Si vous ajoutez (comme requis par l’avocate générale) 20 à 22 ans de prison, il sortira en 2057-2059.” Une telle peine ferait de lui un homme avec lequel “on ne peut rien faire, rien envisager au niveau de la réinsertion”. Elle a conclu sa plaidoirie en citant une phrase que Christophe K. lui aurait dite en prison, lorsqu’elle lui demandait de garder espoir : “L’espoir est un poison.”

Des rires et des applaudissements

L’après-midi, la salle dans laquelle se déroulait le procès des évadés de Moulins affichait complet. Il n’était plus possible d’y entrer si on s’y était pris trop tard. C’était au tour de Bernard Ripert, principal avocat de Christophe K., d’entrer en scène, et il semble avoir des admirateurs. Pendant plus de trois heures, il évoquera une justice “qui n’est là que pour protéger les privilégiés”, d’une violence qui peut devenir légitime si “elle se dirige vers les violences de l’Etat” ; mais il parlera aussi, et surtout, des peines infligées à Christophe K.

Combien d’entre nous seront encore vivants en 2057 ?” a-t-il notamment demandé en fixant les avocats généraux, ce qui provoqua quelques rires dans la salle.

Il a également évoqué les conditions de détention subies par Chrisophe K. et de sa volonté de recouvrer sa liberté : “Vous voulez le voir mourir en prison, le tuer à petit feu ? Vous n’y parviendrez pas ! Vos balles ne perceront jamais son gilet pare-balles mental !”

Lorsque l’on est condamné à des très longues peines, l’évasion est un droit, un devoir même !” a-t-il clamé à la cour. Il a parlé d’un homme, en prison depuis 17 ans et qui n’a pas d’espoir d’en sortir avant 2037, qui “ne veut pas attendre qu’on vienne un jour, lorsqu’il aura 80 ans, le libérer”. Continuant sur ce thème, il a ajouté que si, jusque-là, les tentatives d’évasion de Christophe K. se sont déroulées sans trop de violence, une condamnation plus lourde serait dangereuse : “Ne l’obligez pas, par votre verdict, à devenir violent.”

Le peuple français ne condamne pas l’évasion de Christophe K., il l’applaudit !” s’est-il écrié sous les applaudissements et les acclamations d’une partie du public et alors que le président tentait de les calmer en menaçant d’évacuer la salle : “On n’est pas au spectacle !” Pour un peu, on s’y serait pourtant cru.

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