The Silent House : Maison à vendre

Vendu comme le premier long-métrage véritablement tourné en un seul plan-séquence, ce film d'horreur uruguayen qui prétend saisir la peur en temps réel est une jolie arnaque poétique. Mais une arnaque quand même.

Croyez-le ou non, on nous prend pour des buses. Tout ça parce qu'on a des têtes de spectateurs. Sérieusement, on nous l'a pas déjà fait le coup de l' « histoire inspirée de faits réels » ? Tonton rippe sur le tibia de mémé en taillant les cyprès et ça donne Massacre à la tronçonneuse. Trois étudiants partent en camping, ils ont la goutte au nez, et hop, Le Projet Blair Witch. On rigole, on rigole, n'empêche qu'on a touché le fond de l'horreur « documentaire-je-te-jure-c'est-comme-si-on-y-était-j'ai-eu-la-trouille-de-ma-vie-à-un-moment-y-a-une-porte-qui-claque-en-plus-c'est-une-histoire-vraie », l'an dernier avec Paranormal Activity, dont seule la bande-annonce faisait peur : on y voyait des spectateurs hurler sur fond de gros bruits en THX. Une belle arnaque partie avec la caisse du box-office américain. Bref, la grenouille cinématographique n'en finit plus d'essayer de se faire aussi grosse que le boeuf réalité, entre réalisme cheap-artisanal et surenchère visuelle (jeu de massacre à la 2012, porn gore à la Saw ou Hostel). Sauf que contrairement à la fable de La Fontaine et comme on vient malheureusement de le voir au Japon ces derniers jours, depuis le 11 septembre 2001, depuis Abou Ghraïb, ce n'est pas la grenouille qui explose invariablement mais le boeuf. Ce qui fait qu'à chaque fois la fiction peut aller se rhabiller.

« Terreur en temps réel »

Ici, l'argument marketing, pardon, artistique de The Silent House est double. Le premier c'est d'avoir été réalisé avec le fameux appareil photo révolutionnaire Canon utilisé par Quentin Dupieux pour Rubber. La seconde c'est que The Silent House a été filmé en temps dit « réel », en une seule prise, réalisant ainsi, loué soit le numérique, le vieux rêve impossible d'Hitchcock avec La Corde. Sauf que le cinéaste russe Alexandre Sokourov l'avait déjà fait en 2002 avec L'Arche Russe (c'est pas parce que personne ne l'a vu qu'il ne compte pas) avec un bon millier de figurants et après des mois de répétition (The Silent House compte, aux heures de pointe, trois personnages au maximum). Pour autant le procédé reste intéressant. Ne serait-ce que pour démontrer sa propre inanité et sa tendance à creuser la tombe d'une narration tenable au-delà de l'expérience (quand Warhol film un type qui dort pendant huit heures, ça a beau être Warhol, on s'emmerde). En cela, le début du film pourrait être celui de n'importe quelle déambulation auteuriste. Une certaine langueur accompagne l'attente de la fameuse « terreur en temps réel » ou, peut-être, pose-t-elle la question de cette terreur : après-tout surgira-t-elle ? N'est-elle pas déjà là, sous notre nez ? L'histoire : un homme et sa fille, Laura, taiseuse comme une table, viennent rénover une maison bien pourrie, il y a des bruits, le père meurt dans des circonstances étranges, Laura déraille et fouille la maison armée d'une faucille, sans qu'on ne sache trop pourquoi.

Coquille vide

On sent bien que quelque chose ne tourne pas rond dans cette maison peut-être hantée. Et le problème c'est que les plus malins comprendront assez vite quoi, bien avant le twist syndical de ce genre de film. Les plus neuneus, eux, attendront la séquence qui suit le (faux) générique de fin (où le réalisateur Gustavo Hernandez nous prend définitivement pour des imbéciles). Même les quelques bonnes idées du film (lorsque la jeune femme combat l'obscurité avec le flash d'un Polaroïd, élément central du film) sont des emprunts. A la croisée de ce qui fait le sel et, à force, le manque de sel, d'un certain cinéma d'horreur hispanique (l'étrangeté schizo d'Abandonnée (Nacho Cerda), la psychanalyse de vide-grenier de L'Orphelinat, les failles temporelles de Los Cronocrimenes de Nacho Vilalongo), cette « maison silencieuse », si elle renferme pas mal de poésie, reste, à l'aune de ce qui était promis, une coquille vide.

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