LE PLAN TCHEQUE POUR DETRUIRE LYON

C'est ce que révèle l'historien et diplomate de l'Otan,
Petr Lunak dans son livre "La planification de l'impensable. Projet de guerre tchécoslovaque", paru le mois dernier.

Jeune officier, le colonel Herbert servait en Allemagne fédérale. Sa mission consistait à empêcher l'armée tchèque, stationnée en RDA, d'envahir le sud de l'Allemagne puis la France. Aujourd'hui chef de l'Etat major à Lyon, il organise la défense de Lyon.

Lyon Capitale : Le plan du Pacte de Varsovie révélé par l'historien tchèque Petr Lunak nous apprend que l'armée tchèque était chargé de conquérir Lyon via l'Allemagne, si besoin avec des tirs nucléaires. Cela vous paraît-il plausible ?
Colonel Herbert : C'est exactement le genre de menace auxquel nous nous préparions. A l'époque, j'étais stationné à 100 km de la frontière est-allemande à Danaueschingen, dans le sud de l'Allemagne fédérale. Nous savions pertinemment qu'en face se trouvaient les armées tchèques prêtes à une offensive.

Êtes-vous surpris par cette révélation ?
Nous avions une idée précise des objectifs tactiques à deux jours mais pas des objectifs stratégiques. Mais nous pouvions facilement déterminer qu'il s'agissait des grands centres industriels français. Pour nous militaires, le livre de l'historien n'est donc pas une révélation. La planification était certes très précise d'un côté, mais elle était non moins précise de notre côté, puisque le travail des militaires est d'élaborer toutes sortes de scénario.

Quels étaient justement ces dispositifs défensifs pour contrer une telle offensive ?
Nous comptions d'abord sur la dissuasion nucléaire qui s'appuyait sur les fusées Pershing en Allemagne et sur celles du plateau d'Albion et sur les sous-marins et avions dotés de missiles nucléaires. Ensuite en cas d'offensive terrestre en Europe centrale, l'idée n'était pas d'attendre comme en 1940 sur la ligne Maginot. On avait donc programmé une première réaction souple pour concentrer leurs forces. Une fois concentré, on faisait un premier tir de semonce nucléaire pour montrer la détermination pour un recours ultime. On pariait sur le fait que l'ennemi ne rentre pas en France. C'est à dire que la défense otanienne joue pleinement son rôle.

Petr Lunak parle de "130 tirs nucléaires pour atteindre Lyon". L'intérêt militaire était-il de raser la ville ?
C'est bien beau de tout détruire encore faut-il, à la suite des frappes, pouvoir exploiter la zone. Je ne pense pas qu'à l'époque ils avaient un tel savoir-faire pour traverser ces zones contaminées.

Pourquoi Lyon était-elle une cible stratégique pour Moscou ?
L'intérêt de la ville est énorme. C'est un pôle économique de première importance et une confluence de voies de circulation qui marque l'accès au sud de la France et au couloir rhodanien. L'enjeu était aussi démographique : on touchait à la deuxième ville du pays. Donc l'attaquer constituait un avertissement pour Paris.

Petr Lunak affirme que, contrairement à Moscou, l'Otan n'avait jamais envisagé d'offensive terrestre sur le territoire du Pacte de Varsovie...
Effectivement, il n'y avait pas de plan pour une attaque préalable ou préventive. Ce qui ne dispensait pas d'avoir des phases offensives dans un dispositif défensif.

Le Mont Verdun faisait-il et fait-il toujours partie du dispositif défensif ?
Le Mont Verdun fait sans doute partie d'un dispositif défensif. Je ne donnerai pas de détails sur le site. Je peux juste dire qu'il a un rôle national qui est d'assurer la couverture radar de la moitié de la France. C'est un centre de contrôle très sophistiqué qui ne défend pas Lyon directement mais participe à sa protection.

Aujourd'hui, quelles sont les attaques auxquelles Lyon doit se préparer et, sans entrer dans le secret des dieux, comment la ville est-elle aujourd'hui protégée ?
Les analyses sont claires : il n'y a plus de menaces plausibles à court terme sur les frontières françaises. Si d'aventure une menace se reconstituait à nos portes, il faudrait un tel délai qu'on aurait le temps de se préparer. On n'a plus d'ennemis à nos frontières mais il n'y a plus de frontière à l'ennemi. Les menaces ne viennent pas d'un pays mais sont multiformes. En pratique, nous avons les mêmes volets défensifs (une dissuasion nucléaire et des forces de projection) mais cela ne s'applique pas du tout de la même manière. Et enfin il y a toujours un volet défense du territoire que je commande à Lyon. Il s'agit surtout du dispositif vigipirate face aux menaces terroristes. Ce ne sont pas seulement des patrouilles dans les gares. Très régulièrement, l'armée de l'air intercepte des avions qui survolent des zones interdites comme les sites nucléaires. En outre, nous avons un autre volet d'intervention pour faire face aux menaces d'ordre climatiques ou technologiques. Et enfin, on s'occupe de la défense de points d'intérêts vitaux. Mais là c'est secret-défense...

Lyon ville forte
L'état major inter-armée contrôle militairement la région Auvergne et Rhône-Alpes, autrement nommée "zone de défense de Lyon". 16 000 militaires y sont stationnés (hors effectifs de gendarmerie).

A la tête de la région militaire, le préfet de Région, Jacques Gérault dont le conseiller est le gouverneur militaire, le général Joly. Lui-même a sous ses ordres un état-major avec pour chef le colonel Jean-Pascal Herbert. A 53 ans, il est stationné à Lyon depuis cinq ans, notamment après avoir servi trois ans en Allemagne, de 1978 à 1981, au sein du 110e régiment d'infanterie.

André Gerin n'est pas surpris
La lecture de la chronique du Figaro sur le livre de Petr Lunak (daté du 19 septembre) n'a pas surpris outre mesure le député-maire PC de Vénissieux, André Gerin : "ça paraît évidemment plausible et je n'ai même pas envie de discuter là-dessus". Ce communiste orthodoxe ajoute ensuite : "l'historien nous dit qu'il n'y avait pas de plan de l'Otan pour une offensive terrestre. C'est évidemment faux ! la preuve, il y avait des fusées nucléaires basées en Allemagne. J'en ai marre de cette hypocrisie occidentale". André Gerin profite de cette discussion pour appeler "les occidentaux" et les autres à mettre "l'arme nucléaire aux musées". Reste au maire à convaincre George Bush et Mahmoud Ahmadinejad...

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