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© Tim Douet

Vente d'alcool après 22h : "Et pourquoi pas un couvre-feu ?"

Pour lutter contre le tapage nocturne et "l'alcoolisation excessive", la vente d'alcool est interdite à Lyon après 22h depuis le 18 juillet. Les jeunes Lyonnais râlent, les commerçants de nuit s'inquiètent.

C'est un lundi soir plutôt calme à la Guillotière. Météo maussade oblige, les apéros en cours sur les berges du Rhône sont peu nombreux. Il est 22h15 quand Jérémy sort de l'épicerie Les Vergers, cours Gambetta : il venait acheter de l'alcool avec deux amis, et Labaidh, le maître des lieux, les a gentiment éconduits. "La police est passée cet après-midi pour nous en parler. C'était déjà interdit avant, sauf que l'amende était de 125€, pas de 750€ comme maintenant", raconte le commerçant, un peu dépité.

"On est pris de cours, on n'était pas au courant de l'interdiction", bougonne Jérémy. Guitare en bandoulière, un de ses acolytes hausse les épaules : "Ça marchera pendant un mois, et puis les gens s'organiseront. On ne peut pas être derrière eux tout le temps !"

Interdire, pour quoi faire ?

De la Guillotière aux Terreaux, la plupart des promeneurs sont du même avis. Devant l'arrêté interdisant la vente d'alcool après 22h, pris le 15 juillet dernier par le premier adjoint Jean-Louis Touraine, l'ambiance est plutôt au scepticisme. Et d'abord chez les jeunes, principaux intéressés par cette mesure visant à combattre "l'alcoolisation excessive et les comportements qui en résultent". Pour Matthieu, qui fête son départ en Erasmus avec trois copines, "le binge drinking est largement surestimé". Traduite par "alcoolisation massive et rapide" dans l'arrêté municipal, c'est la bête noire des parents et des reportages en prime time du dimanche soir.

Marteau-piqueur contre moustique

Une terreur qui fait rire les ados. A l'image d'Amory et Violaine, assis sur les bords du Rhône avec une bouteille de rhum et quelques citrons verts : "Si on est vite saouls, c'est surtout parce qu'on n'a pas l'habitude de boire ! A mon avis, les seuls embêtés vont être les commerçants". Elsa, étudiante, réagit au quart de tour : "Et pourquoi pas un couvre-feu, pendant qu'ils y sont ?" A ses côtés, Cécile et Delphine hochent vigoureusement la tête. "On ne nous traite pas comme des adultes", déplore Cécile.

Delphine est de son avis : "Il faudrait faire de la prévention, au lieu de mettre dans le même sac les étudiants qui font deux apéros par semaine et les hommes qui roulent par terre ivres morts tous les soirs. Ceux-là, la police ne s'en occupe même pas".

"Tu peux gérer une consommation excessive sans interdire, en faisant patrouiller des agents à pied par exemple", renchérit Gildas, un peu plus loin. "Si le but est l'ordre public, ils prennent un marteau-piqueur pour écraser un moustique."

"A 22 heures, on a déjà prévu sa fête"

"Ce n'est quand même pas la Prohibition !", tempère Jean-Louis Touraine. "Il faut que les gens aient accès à l'alcool. Mais à 22h, on a déjà prévu sa fête." D'après l'élu, qui a mis en place en 2005, avec SOS Médecin, une maraude pour prendre en charge les comas éthyliques repérés sur la voie publique, l'ivresse festive a "plus que doublé en 10 ans. Et les plaintes pour tapage nocturne aussi !"

Du coup, assure la Mairie, "la présence des polices municipales et de la Police Nationale sera renforcée sur les berges du Rhône, en Presqu’ile, dans le Vieux Lyon." Une "période d'information" devrait précéder les premiers PV.

Aux Terreaux, on vend quand même

Au-dessus des Terreaux, de nombreux clients ressortent des épiceries avec de la bière ou du whisky. Ici, malgré les panneaux Plus de vente d'alcool après 22h, les patrons sont peu regardants sur les bouteilles glissées discrètement dans les sacs à dos. "Je n'ai pas les moyens de dire adieu à 25 ou 30% de mon chiffre d'affaires", assure un commerçant. "La vie est déjà dure, je ne veux pas me fâcher avec ma clientèle d'habitués."

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