Stéphane Théfo
Stéphane Théfo, expert en sécurisation du patrimoine culturel

Sécurité des musées à Lyon : "Il existe une routine qui peut faire oublier la menace"

Stéphane Théfo, ex-Interpol, expert en sécurisation du patrimoine culturel, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

"Trois jours après le vol du musée du Louvre, l’information avait touché six milliards de personnes dans le monde." Soit 75% de la planète.

Depuis le spectaculaire casse du Louvre, les musées français sont sous tension. "Le vol a permis une prise de conscience du grand public" explique Stéphane Théfo, ancien d’Interpol (l’organisation internationale de la police criminelle), passé par les renseignements généraux français et le service sécurité sûreté du ministère de la culture où il avait audité plus de 700 lieux culturels, aujourd'hui expert en sécurisation du patrimoine culturel.

"Ce qui est certain, c’est que le patrimoine est très vulnérable à la malveillance" ajoute le Lyonnais.

Dans de nombreux musées, comme au musée d’Art sacré de Fourvière - victime du vol de la couronne de la Vierge en 2017, les œuvres sont présentées en vitrineAujourd’hui, ces vitrines sont-elles suffisamment solides ? "Les vitrines sont un élément essentiel de la sécurisation des œuvres ayant une forte valeur patrimoniale. Ce que l’on constate lors des derniers vols, c’est que les vitrines ont été fracassées à l’aide de haches, de disqueuses ou de masses, de manière relativement facile et rapide. Or, l’un des objectifs de la sécurisation est de retarder le voleur afin de permettre l’intervention de la police ou de tiers. Il est important de souligner que la sécurisation n’est pas forcément très onéreuse. En revanche, une vitrine d’exposition de qualité a un coût, surtout lorsqu’il s’agit d’institutions comme le musée du Louvre."

"La difficulté n’est pas tant la prise de conscience que le choix et la mise en place des mesures adaptées"

Et à Lyon ? "Je connais bien les institutions culturelles lyonnaises, comme le musée des Confluences, le musée des Beaux-Arts, Gadagne ou encore le musée de l’Hospice. Je connais aussi leurs responsables et leurs gestionnaires. Ils ont clairement conscience des risques, tout comme leur personnel. La difficulté n’est pas tant la prise de conscience que le choix et la mise en place des mesures adaptées. Il existe aussi une forme de routine qui peut faire oublier le danger et la menace. Cette routine est particulièrement problématique."

Lire aussi : Lyon : ce que l’on sait du vol de la couronne de la Vierge


Lire la retranscription intégrale de l'entretien avec Stéphane Théfo

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd’hui Stéphane Thépho. Bonjour.

Bonjour, merci pour votre invitation.

Merci beaucoup d’être venu, parce que vous êtes un expert reconnu dans votre métier. Vous êtes spécialiste de la sécurisation du patrimoine culturel, ancien d’Interpol et des Renseignements généraux. Si nous vous invitons, c’est évidemment en lien avec l’actualité : le casse du Louvre, dont on a beaucoup parlé. Entre septembre et octobre, plus de six établissements culturels ont subi des vols. Le musée du président Chirac a été touché à deux reprises, le Muséum national d’histoire naturelle de Paris également, avec 600 000 euros de pépites d’or dérobées. On a l’impression que le problème de sûreté dans les établissements culturels est chronique et systémique. Est-ce que vous confirmez ?

Alors systémique, euh... En tout cas, ce qui est certain, c’est que le patrimoine est très vulnérable à la malveillance, qu’il s’agisse de vols ou de vandalisme.

Le casse du Louvre a-t-il mis en évidence une vulnérabilité des établissements culturels en France ?

C’est vrai qu’il a permis une prise de conscience du grand public. Il faut savoir que trois jours après le vol, l’information avait touché six milliards de personnes dans le monde. C’est considérable. Donc oui, cela a été une prise de conscience. Mais si l’on regarde l’historique des vols, il y a déjà eu des vols dans de grands musées, parfois réalisés encore plus facilement.

C’est pour cela que je vous posais la question du caractère chronique et systémique. Le casse du Louvre, avec ces six milliards de personnes exposées à l’information, a donné l’impression d’un problème de sécurité. Mais vous, en tant qu’expert, estimez-vous que ce problème de sûreté existe depuis longtemps ?

Oui, il existe depuis longtemps. Plusieurs facteurs expliquent la vulnérabilité du patrimoine. D’abord, les musées et établissements culturels ont vocation à exposer les œuvres au grand public, donc à ouvrir leurs portes. Ensuite, la sûreté est un domaine spécifique. Les gestionnaires d’établissements culturels, aussi compétents et conscients des risques soient-ils, rencontrent des difficultés à définir et mettre en place les mesures de sécurité adaptées.

Vous évoquiez tout à l’heure les vitrines. Lors du braquage du Louvre, celles qui exposaient les joyaux ont été brisées assez facilement. Dans de nombreux musées, comme au musée d’Art sacré de Fourvière lors d’expositions récentes, les œuvres sont présentées en vitrine. Aujourd’hui, ces vitrines sont-elles suffisamment solides ?

Les vitrines sont un élément essentiel de la sécurisation des œuvres ayant une forte valeur patrimoniale. Ce que l’on constate lors des derniers vols, c’est que les vitrines ont été fracassées à l’aide de haches, de disqueuses ou de masses, de manière relativement facile et rapide. Or, l’un des objectifs de la sécurisation est de retarder le voleur afin de permettre l’intervention de la police ou de tiers. Il est important de souligner que la sécurisation n’est pas forcément très onéreuse. En revanche, une vitrine d’exposition de qualité a un coût, surtout lorsqu’il s’agit d’institutions comme le musée du Louvre.

À Lyon, nous avons de nombreux musées et des trésors nationaux, notamment au musée des Beaux-Arts ou au musée d’Art sacré de Fourvière. On se souvient du vol de la Couronne des Lyonnais en 2017, un événement qui avait suscité une grande incompréhension. Qu’en est-il aujourd’hui de la sûreté des institutions culturelles lyonnaises ?

Je connais bien les institutions culturelles lyonnaises, comme le musée des Confluences, le musée des Beaux-Arts, Gadagne ou encore le musée de l’Hospice. Je connais aussi leurs responsables et leurs gestionnaires. Ils ont clairement conscience des risques, tout comme leur personnel. La difficulté n’est pas tant la prise de conscience que le choix et la mise en place des mesures adaptées. Il existe aussi une forme de routine qui peut faire oublier le danger et la menace. Cette routine est particulièrement problématique.

Quand même, je reviens sur les institutions culturelles lyonnaises, la question demeure : sont-elles sûres ?

Les gestionnaires et responsables font tout pour qu’elles le soient, en sachant que le risque zéro n’existe pas. Lorsqu’on met en place des mesures de sûreté, il subsiste toujours un risque résiduel. L’enjeu est que ce risque soit acceptable au regard des collections et des objets protégés. C’est vers cela qu’il faut tendre.

En tout cas, à Lyon, il y a une prise de conscience concernant les musées, et ils semblent plutôt bien protégés.

    Dans des contextes parfois difficiles. Par exemple, le musée des Confluences a été conçu à l’origine pour exposer, ce qui n’est pas le cas du musée des Beaux-Arts.

    Merci d’être venu. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter plus longuement, car le sujet est passionnant et il y a beaucoup de choses à dire que nous n’avons fait qu’aborder en six minutes chrono. Merci Stéphane Thépho d’être venu sur le plateau de 6 minutes chrono, et à très bientôt. Au revoir.

    Merci à vous.

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