Photo d’illustration. (Photo Antoine Merlet)
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Petite histoire de l’écologie urbaine à Lyon

“La période de la Renaissance fait déjà de l’arbre en ville le décor du pouvoir”, expliquent Inès Méliani et Paul Arnould, chercheurs au CNRS/ENS de Lyon (1). Dès le début du XVIIe siècle, les alignements d’arbres sont plantés près des sites culturels, des monastères ou des cours intérieures, conférant aux lieux une image de noblesse. Place de la Bourse : l'une des rares places vertes sur la Presqu'île © Antoine Merlet En 1608, des documents montrent que la place Bellecour était plantée, au sud, par 300 tilleuls (le nord devant rester vacant pour les démonstrations militaires). L’hôtel de ville et ses abords (place Tolozan, Grande-Rue-des-Feuillants) sont également plantés d’arbres. “Il convient de préciser que la tradition des plantations urbaines est une tradition française très ancienne. Celle-ci date du XVIe siècle et s’est initialement inscrite dans la politique de reboisement du domaine royal qui, sous Henri IV, répondait alors au souci de pallier le déficit de bois d’œuvre et de bois de chauffage.”

Henri IV plante, Louis Pradel arrache

La première plantation d’alignement connue à Lyon date du XVIIIe siècle, dans le quartier des Brotteaux et est probablement composée de peupliers et de saules, lorsque la plaine des Brotteaux, connue sous le nom de “pré Morand”, fait l’objet des grands travaux d’Antoine Morand. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la ville moderne se transforme sous l’effet de grands aménagements urbains, inspirés de ceux du Paris de Napoléon III. “La recherche d’un équilibre entre la présence du végétal et le développement de la ville se traduit par des plantations massives d’arbres sur, autour et le long des places et des rues.” On voit alors apparaître les “promenades plantées” (à l’image des quais de Saône et du Rhône). Entre 1856 et 1860, Denis Bühler réalise le parc de la Tête d’Or (contemporain du Central Park de New York, construit la même année), sur 117 hectares. Dans le 4e arrondissement, les remparts des pentes de la Croix-Rousse font place au boulevard du même nom et, en 1856, 930 arbres sont plantés le long de cet axe. “Après les années 50 et suite aux deux grandes guerres, le patrimoine arboricole des villes françaises commence à être malmené, laissant place aux constructions et au développement des voiries”, explique l’ingénieur-paysagiste Stéphane Le Gourrierec(2). C’est l’ère du “tout béton”, les idées fortes étant le développement des réseaux et de l’automobile. Marqueur de cette construction à outrance, le maire Louis Pradel qui, pour construire l’échangeur de l’autoroute du Sud (A6) reliant Paris à Marseille via Lyon, fait abattre les arbres et la promenade publique jadis réservée à la sortie familiale du dimanche cours de Verdun. L’arbre est méprisé, considéré comme inutile, voire encombrant.
Dans les années 80, une prise de conscience fait jour, suite aux constructions mal raisonnées. “C’est dans ce contexte que Michel Noir, alors maire de Lyon et président de la Communauté urbaine de Lyon, amorcera dès le début des années 1990 l’instauration d’un dialogue avec les mouvements écologistes et les associations environnementalistes”, écrivent Inès Méliani et Paul Arnould, chercheurs au CNRS/ENS de Lyon. Le pôle “Arbres et paysages” est créé à la Courly et rattaché au service de la voirie, sous-entendant que l’arbre est alors vu comme relevant des mêmes modes de gestion que le bitume. Un membre de la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature) est embauché. En 1992, la mission Écologie urbaine voit le jour. Et sont lancés, dans la foulée, le plan Bleu (schéma d’aménagement des berges de la Saône et du Rhône) et le plan Vert (concernant les espaces verts). L’écologie urbaine prend alors un statut politique. La première charte de l’arbre est écrite en 2000. En 2006, Gérard Collomb livre le projet le plus emblématique de son premier mandat, l’autre symbole du “nouveau Lyon” : les berges du Rhône. C’est sans doute le chantier qui a le plus transformé la ville, celui qui a aussi changé l’image de Lyon. Le projet permet de requalifier les bas-ports du Rhône, jusqu’alors dévolus au stationnement automobile (1 600 places de parking), en une promenade de cinq kilomètres de long, répartis sur une surface de dix hectares et reliant le parc de la Tête d’Or conçu au XIXe siècle à celui de Gerland créé en 2000 par Michel Corajoud (lorsque Dominique Perben, ancien ministre des Transports, candidat malheureux aux élections municipales avait qualifié l’aménagement de “malchance” pour les Lyonnais, déplorant “un choix idéologique d’une autre époque”). En 2018, le Grand Lyon de David Kimelfeld sort son plan Canopée qui s’articule autour de vingt-cinq actions, concernant notamment la protection des arbres existants et le développement des plantations. Avec ses 100 000 arbres d’alignement (qui couvrent 420 hectares soit quatre fois la superficie du parc de la Tête d’Or et “13 % de l’ensemble des surfaces des voiries et des espaces publics”), la Métropole de Lyon table sur la plantation de 3 000 arbres par an sur la durée du mandat (contre 1 000 à 1 500 arbres abattus dans le même temps). Soit un objectif de 20 % de surface ombragée en 2020 et 30 % à l’horizon 2050, “afin de lutter contre les effets du réchauffement climatique”. “À l’heure où la ville de Lyon déploie tous ses talents pour affirmer ses pouvoirs d’attractivité en France en Europe et dans le monde, écrivent Inès Méliani et Paul Arnould, chercheurs au CNRS/ENS de Lyon, l’arbre, otage retenu pour la bonne cause, constitue l’un de ses meilleurs arguments, en termes de valeur écologique et patrimoniale, dans le jeu de la sphère politique.” 

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