Le général Lardet, gouverneur militaire de Lyon, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
"La guerre, il faut s'y préparer. Il faut préparer ces sacrifices-là, ceux de perdre ses enfants. C'est en ce sens que le général Mandon, chef d'État-major des armées, voulait s'exprimer." Invité sur la plateau de 6 minutes chrono, le général Lardet, gouverneur militaire de Lyon, a commenté les mots de l'ancien chef de l'état-major particulier du président de la République qui avaient provoqué un véritable électrochoc lors du congrès des maires de France, le 18 novembre.
"On doit se préparer à une guerre de haute intensité, car c’est la meilleure solution pour l’éviter", avait dit le général Burkhard juste avant de quitter son poste l’été dernier. Son successeur, le général Mandon, a simplement employé des mots plus crus, le 18 novembre, mais le message est le même.
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"Il ne faut pas paniquer"
Général Lardet, gouverneur militaire de Lyon
Le gouverneur militaire de Lyon poursuit et confirme : "l'emploi de la force est désinhibé. Aujourd'hui, il faut prendre en compte les menaces qui existent aux frontières de l'Europe. Il faut être lucide. La lucidité nous impose de nous préparer et de changer de rythme dans la préparation."
Et d'ajouter : "il ne faut pas paniquer. Il faut être serein. Il faut simplement construire sa force. Une défense globale implique tous les aspects de la nation. Ce n’est pas seulement disposer de militaires d’active bien équipés ; c’est aussi avoir une force économique, des industries capables de remonter en puissance. Il faut préparer tout le monde dans ce sens. C’est progressif, c’est une prise de conscience."
La retranscription intégrale de l'entretien avec le Général Lardet, gouverneur militaire de Lyon
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui un invité exceptionnel : le Général Lardet, gouverneur militaire de Lyon.
Bonjour Monsieur Lamy.
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Alors, on va entrer dans le vif du sujet : il y a quelques jours, le Général Mandon a déclaré que la France devait accepter de "perdre ses enfants" face à l'hypothèse d'un conflit majeur. Vous, en tant que gouverneur militaire, comment recevez-vous cette mise en garde et surtout comment l'expliquez-vous aux citoyens lyonnais ?
Cette phrase a fait beaucoup parler et pourtant, me semble-t-il, elle a été très claire. Merci de me permettre de pouvoir l'illustrer ou d'en parler un peu différemment. Vous savez, les soldats, quand ils sont engagés en opération comme ils l'étaient autrefois ou comme ils pourraient être engagés dans une guerre possible, éventuelle, future… Quand on perd un soldat, on perd un enfant. On perd un enfant d'un village pour les maires, on perd un enfant d'une famille, et c'est toujours douloureux. Pour autant, la guerre, il faut s'y préparer. Donc, il faut préparer ces sacrifices-là. C'est dans ce sens que le Général, à l’État-major des armées, voulait s'exprimer.
Vladimir Poutine a affirmé que la Russie était prête si l’Europe voulait la guerre. Comment les forces françaises s’adaptent-elles finalement à cette rupture stratégique — parce qu’on peut parler de rupture — marquée par une banalisation de l’emploi de la force sur la scène internationale ?
Vous avez raison de parler de rupture. On se rend compte que 2022 a été un tournant, mais cela avait déjà été préparé un peu avant. L'emploi de la force est désinhibé. Aujourd'hui, il faut prendre en compte les menaces qui existent aux frontières de l'Europe. Il faut être lucide. La lucidité nous impose de nous préparer et de changer de rythme dans la préparation.
On parlait de cette rupture et de forces désinhibées. Il y a aussi une récusation du système occidental, des valeurs occidentales, qui sont de plus en plus contestées. Quels sont les niveaux concrets de préparation et d’évolution que vous observez au niveau local, notamment dans la garnison de Lyon et en région Auvergne–Rhône-Alpes ?
Ce que j'observe dans cette région, c'est que lorsque l’on explique les menaces et les changements géostratégiques — qui sont rapides, sans qu'il y ait une semaine ou un mois sans qu'apparaisse une forme de surprise, une sorte de rupture dans l'emploi désinhibé de la force —, je constate une grande attente de la population et du monde économique. Beaucoup de gens viennent me voir en me demandant comment ils peuvent aider à cette préparation et à cette montée en puissance.
Oui, donc il y a une prise de conscience. Il y a une prise de conscience et l’envie d’apporter sa pierre à l’édifice.
Oui, je pense qu'il y a une prise de conscience. Une prise de conscience que notre environnement est dangereux et menaçant. On parle également de toutes les menaces hybrides, parce qu'il n'y a pas seulement la guerre. Il y a cette forme de compétition qui devient des affrontements même sous le seuil : les attaques cyber, régulières ; les survols de drones dont on entend beaucoup parler et que l'on considère parfois comme plus ou moins réels. Non, c'est réel. Il y a des drones qui survolent des endroits stratégiques. Tout cela doit être pris en compte. Il faut s'y préparer sereinement, mais il faut s'y préparer avec détermination.
Nous avons aussi entendu le président de la République Emmanuel Macron relancer l'idée d'un service national sous forme de volontariat. Cela relance le débat sur la culture de défense en France. Qu'est-ce qu’un tel dispositif pourrait apporter, en particulier dans une grande métropole comme Lyon ?
Je n’aurais pas dit “relancer”. C’est un service national nouveau, qui n’a rien à voir avec celui qu’ont connu les plus anciens. C’est vraiment un service national pour les volontaires. C’est un service militaire qui a pour but de redonner à la fois la masse qui manque — on parle de 3000 jeunes dès l’été 2026, et l’objectif est d’atteindre 10 000 en 2030 — et de fournir cette masse nécessaire pour des missions sur le territoire national, des missions véritablement opérationnelles. On pourra revenir, si vous le souhaitez, sur les trois grands axes.
Donc cela signifie que, du point de vue d’un gouverneur militaire, l’annonce du président de la République est essentielle, incontournable ?
Oui, c’était nécessaire, c’était attendu. Il y a une attente de la jeunesse, pour ceux qui le souhaitent — puisque c’est vraiment pour des volontaires, qui seront également sélectionnés — de pouvoir apporter, grâce à une césure, dix mois dans leur parcours pour accomplir un acte très concret au profit de l’esprit de défense. Ce sera, à mon sens, très utile pour leur parcours personnel.
Et face à un environnement international instable, avec un durcissement des rapports de force, comment renforce-t-on le lien armée–nation ? Comment prépare-t-on la société française à des menaces explicites sans céder à l’alarmisme ?
Vous avez raison : il ne faut pas paniquer. Il faut être serein. Il faut simplement construire sa force. Une défense globale implique tous les aspects de la nation. Ce n’est pas seulement disposer de militaires d’active bien équipés ; c’est aussi avoir une force économique, des industries capables de remonter en puissance. Il faut préparer tout le monde dans ce sens. C’est progressif, c’est une prise de conscience. Je vous le disais, cela commence par la lucidité. La lucidité, c’est la première étape. C’est dans ce sens qu’il faut entendre les déclarations et la sensibilisation à nos menaces extérieures.
En tout cas, ce que l’on pourra retenir de votre intervention sur le plateau de 6 minutes chrono, c’est qu’il faut être lucide, se préparer sereinement, sans paniquer et sans céder à l’alarmisme. Je crois que j’ai un peu résumé.
Vous avez parfaitement résumé.
