La galère des Roms du camp de la Part-Dieu 

Après les annonces gouvernementales visant à démanteler 300 camps illégaux, le camp de Roms de la rue Paul Bert (Lyon 3e) vit dans la crainte. Ses habitants ne veulent pas retourner en Roumanie, pays qu’ils ont fui et que les plus jeunes n’ont jamais connu.

Le camp vit dans l’attente d’une décision du tribunal administratif attendue le 7 septembre. Le terrain où ils sont installés appartient en effet au Conseil général et à Réseau ferré de France, lesquels ont déposé plainte pour “occupation illégale”. C’est que le département du Rhône, présidé par le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire Michel Mercier, aimerait y implanter son nouveau bâtiment des archives.

“On n’a pas le choix”

Par ici, il n’y a aucune chance d’apercevoir de grosses cylindrées. L’ambiance est, au contraire, à la précarité la plus extrême. “On n’a pas le choix”, martèle Mircea, notre guide dans le camp. Les murs et le sol de la petite centaine de cabanes du camp sont faits de palettes récupérées par dessus lesquelles une bâche fait office de toit. Chaque habitation fait environ 5 m2 et abrite 2 à 5 personnes. Il est difficile d’estimer combien ils sont à vivre dans le camp. La popote est faite à même le sol, les mères lavent leurs enfants dans des poubelles de bureau. Le tout baigne dans un océan de déchets dont les habitants ne savent que faire. Un véritable nid à rats.

Une assistante sociale passe toutes les semaines pour venir voir les enfants”, nous explique Mircea. En constatant la porosité des “logements”, on imagine sans mal que l’hiver doit être dur, notamment pour les enfants en bas âge.

Avec Sarkozy, “pas de liberté, pas d’égalité, ni de fraternité”

La journée, une partie du camp se disperse dans la ville pour récupérer auprès des passants quelques sous. “10 euros par jour, pour la famille, ça va, affirme Mircea qui vend des journaux de rue. Si j’en vends 4 ou 5, c’est bon pour les enfants. On n’a pas cette chance en Roumanie", soupire-t-il.

Beaucoup font la manche. Quand bien même ils trouvent un petit boulot dans le nettoyage, le jardinage ou bien dans le bâtiment, la préfecture ne leur délivre jamais d’autorisation. “On n’a pas le choix”. Les Roms, pourtant ressortissants européens, sont en effet soumis à des règles d’exception pour pouvoir travailler. “Pourquoi, lorsque je suis allé à la préfecture avec un contrat de travail d’un an, on m’a refusé l’autorisation ? C’est du racisme. Nous sommes Européens comme vous“, dit Mircea très remonté. “Je sais qu’il n'y a pas de travail pour tout le monde en France, mais de là à expulser tous les étrangers... C’est Sarkozy qui ne veut pas que l’on s’intègre. Avec lui, pas de liberté, pas d’égalité ni de fraternité”.

La volonté de s’insérer en France, les gens du camp nous l’ont manifesté à maintes reprises. Les enfants, scolarisés pour la plupart, sont totalement francophones. “C’est bien l’école, je veux y retourner à la rentrée“, lance un marmot du camp qui s’empresse de nous décrire son école. “C’est normal, nous vivons dans une société, nous nous intégrons“, dit Mircea.

Une angoisse permanente

Puis, nous rencontrons Adriana, qui ne parle que quelques mots de français. Les traits de son visage suffisent pour deviner qu’elle vit dans la peur. Elle a été arrêtée par la police le 12 août 2010. Sans-papiers, comme tous les autres, elle est ressortie avec un arrêté de reconduite à la frontière qu’elle nous tend. La femme ignorait totalement qu’il existait des associations de défense des sans-papiers. Quand nous lui apprenons, certains hommes aux alentours regardent d’un air méfiant. C’est qu’ils craignent un coup fourré de la préfecture. Ne sachant pas lire le français, Adriana découvre, le jour de notre visite, que les autorités lui ont donné un mois pour retourner en Roumanie. Sur ses trois enfants, deux ont moins de six ans et ne sont pas encore scolarisés, pas plus que son aîné âgé de 16 ans. Il lui faut rapidement inscrire ses enfants à l’école si elle veut avoir une chance de rester en France. Adriana est, par ailleurs, toujours sans nouvelle de sa belle-fille arrêtée elle aussi, mais emmenée au centre de rétention de Saint-Exupéry.

"Il faut savoir tenir vos enfants, mesdames"

Car la peur d’un démantèlement du camp se double de tracasseries policières quotidiennes. Le jour de notre visite, la police s’est rendue rue Paul Bert à cause de la présence de cailloux sur la voie du Rhônexpress. Les deux mains sur la ceinture, un policier lance : “Bonjour, il y a un responsable ici ? “. Mircea s’avance, c’est l’adulte présent qui parle le mieux français. Les enfants sont pointés du doigt. “Il faut savoir tenir vos enfants, mesdames“, dit tout haut un second policier à des femmes qui ne comprennent que l’intonation du fonctionnaire. Au même moment, une d’elles part ramasser les quelques cailloux qui traînent sur les rails. Elle fait remarquer par des gestes que le seul chemin d’accès à leur camp était une bute jonchée de pierres qui descend juste au bord des rails. L’incident est vite clos. En repartant, un policier dit à l’un de ses collègues : “Si on les attrape, c’est les parents qui devront aller les chercher et qui auront des problèmes“.

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