H1N1 : soigner la grippe par la réforme Pécresse

L'occasion également de saluer l'efficacité de l'Alliance pour les Sciences du Vivant et de la Santé, récemment créée à son initiative, qui aurait " d'ores et déjà permis de gagner 6 mois dans les travaux sur l'épidémie ". Un chiffre qui laisse plus que sceptiques les scientifiques du collectif Sauvons la Recherche, opposé à la création de l'Alliance.

Branle-bas de combat ce matin au laboratoire P4 de haute sécurité " Jean Mérieux " à Lyon. Le déplacement de la ministre dans ce laboratoire unique en Europe, spécialisé dans la recherche sur les " agents de classe 4 ", comprenez des agents caractérisés par leur haute dangerosité tel le virus Ebola, a attiré les journalistes. Pourtant, c'est pour un agent infectieux beaucoup moins virulent que tout ce beau monde s'était réuni : le virus de la grippe A. Certains chercheurs habitués à travailler sur le bioterrorisme s'étonnent d'ailleurs que le P4 se mobilise sur une grippe semblable à une grippe saisonnière. En réalité, ils ne sont que trois scientifiques au laboratoire à se pencher sur la grippe. Mais le lieu, qui incarne " l'excellence française dans le domaine de la virologie ", pour reprendre les propos de Valérie Pécresse, est hautement symbolique.

L'Alliance au centre du dispositif

Toujours est-il qu'au delà du P4, l'apparition de la grippe H1N1, à la fin du mois d'avril, a entraîné la mobilisation dès le 5 mai de la toute nouvelle Alliance pour les Sciences du Vivant et la Santé. Le 8 Avril dernier, sous l'impulsion du gouvernement, huit acteurs clés de la recherche, parmi lesquel le CNRS et l'INSERM, se regroupaient pour donner naissance à cet organisme. But affiché : rationaliser le pilotage de notre système de recherche en favorisant la coordination.

Un succès, selon la ministre, qui salue la " vitesse tout à fait inédite " avec laquelle la recherche s'est mobilisée face au virus H1N1. Une réactivité rendue possible, d'après le ministère, par une structure qui " a permis d'avoir dès le départ, autour de la même table, un cadre adéquat réunissant tous les acteurs pertinents de ce dossier ". Et de conclure : " cette Alliance a d'ores et déjà permis de gagner au moins 6 mois dans les travaux sur l'épidémie ". Il est vrai que le dossier semble bien avancé. Déjà, les recherches progressent en matière d'études épidémiologiques, de diagnostic et de recherche fondamentale sur le virus. Les chercheurs français espèrent même pouvoir déposer des brevets prochainement.

" Un chiffre assez magique "

Mais le chiffre de 6 mois avancé par Valérie Pécresse dérange. En effet, la présidente du collectif Sauvons la Recherche, Isabelle This Saint Jean, " aimerait bien avoir des preuves " d'un chiffre qui " a un côté assez magique ". Alain Trautmann, biologiste et ancien porte-parole du collectif se montre, quant à lui, beaucoup plus critique et affirme que " les gens qui sont dans le domaine sont scandalisés par cette déclaration ". Il dénonce une " provocation " du gouvernement alors que " les laboratoires souffrent des réorganisations administratives ". A chaque fois, en effet, les chercheurs doivent s'adapter et apprendre à traiter avec de nouveaux interlocuteurs. Une perte de temps et d'efficacité donc, au moins dans un premier temps.

Selon le ministère, ce chiffre est le résultat d'une comparaison avec la réactivité des chercheurs face à des épidémies comme celle du chikungunya. Sauf que la recherche sur la grippe A bénéficie des travaux déjà effectués sur la grippe H5N1 depuis 2004, date du lancement du plan de pandémie grippale. C'est aussi sans compter les 2 millions d'euros débloqués par le ministère de la Recherche qui ont certainement contribué à la bonne réactivité du secteur. En effet, bien que le déploiement de cette aide exceptionnelle ait été annoncé aujourd'hui par la ministre, Jean-François Delfraissy, le directeur du nouveau pôle maladies infectieuses de l'Alliance explique que celle-ci a en fait déjà profité, en partie, de ces fonds. Interrogé par téléphone, cet acteur majeur de l'organisation de la recherche sur la grippe A s'est d'ailleurs lui-même senti obligé de tempérer les propos de la ministre : " Grâce à la création de l'Alliance, je pense qu'on a gagné du temps sur l'organisation, mais le chiffrer à 6 mois, c'est plus difficile ".

Mathilde Boussion / Reportage vidéo : Loan Nguyen

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