Gérard Truchet, président des Amis de Lyon et de Guignol. @AntoineMerlet
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Gérard Truchet, président des Amis de Lyon et de Guignol : “Nous ne sommes pas les gardiens d’un musée”

Gérard Truchet est un ardent défenseur de la culture lyonnaise : à la fois président de la Société des Amis de Lyon et de Guignol, président de la République des Canuts, marionnettiste, professeur de “parler lyonnais”, chansonnier, il a donné sa vie à Lyon. Entretien “bugne à bugne”.

Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?

Gérard Truchet : Je le suis quand il faut l’être, mais je ne suis pas systématiquement un gars qui rouspète sans arrêt. Je sais être constructif. Simplement, quand il faut élever la voix, je lève la voix, point barre.

On a l’impression que le canut est fort en gueule. Est-ce une réalité ?

C’est un peu comme moi : il dit ce qu’il y a à dire quand il faut le dire. L’ouvrier en soie est pris par son métier à tisser, par son travail, par son labeur minutieux. Mais il l’a ouverte plusieurs fois, en 1831, puis en 1834, fermement d’ailleurs. Il a fait comprendre qu’il y avait des choses qui n’allaient pas. Mais autrement, il n’est pas tout le temps en train de rouspéter.

@Antoine Merlet

D’où vient cette passion pour les traditions lyonnaises ?

C’est tout à fait par hasard. Je revenais de l’armée, j’avais 21 ans. Je reprenais mon travail à la Poste, et là, lors d’un départ à la retraite, on m’a invité à interpréter une chanson lyonnaise. Dans l’assemblée, la secrétaire adjointe des Amis de Lyon et de Guignol, surprise par mon accent lyonnais, m’a repéré et présenté dans son association. Résultat, j’ai créé avec eux le personnage du père Craquelin, personnage chansonnier un peu truculent, représentant un ancien canut reconverti en concierge, pour prendre la suite de la mère Cottivet. De fil en aiguille, je me suis retrouvé à faire des sketches, des histoires lyonnaises et des chansons, d’abord caché derrière le rideau du castelet de Guignol, puis dans des conférences. Depuis lors, j’ai œuvré avec mon personnage qui a eu du succès et a fait son chemin dans plusieurs journaux de la ville jusqu’à aujourd’hui. Vous le voyez, je me suis lancé sans le vouloir.

Comment avez-vous élaboré cette culture ?

Je ne sais pas. C’est inné. Aux Amis de Guignol, on ne m’a rien demandé d’autre que d’interpréter le “parler lyonnais”, de le sauver en histoires, en traitant des sujets d’actualité. Je parlais comme ça me venait. Après, petit à petit, j’ai étendu le répertoire des mots lyonnais. Je me suis toujours basé sur ce qui existait. Je me suis servi du Littré de la Grand’Côte de Nizier du Puitspelu, pour essayer d’échafauder des histoires plus complexes. On dit de moi que je suis fantaisiste. Moi, je ne m’étais pas aperçu que c’était un don. Je l’ai développé en écoutant les chanteurs d’antan et les anciens des associations. Et puis finalement j’ai été amené à jouer de l’opérette pendant une trentaine d’années. Même chose pour les marionnettes, j’ai appris sur le tas, au débotté, pour aider un ami. Ça m’est resté.

Et comment avez-vous lancé les cours de “parler lyonnais” ?

Sur le plan personnel, j’ai baigné dans un contexte particulier grâce à mes grands-parents, charcutiers et cafetiers à la Guillotière, qui employaient des mots lyonnais. Pour ce qui est des cours, on est venu me chercher. Cela s’est présenté à moi comme un défi, surtout que nous savions bien que le lyonnais allait disparaître si nous ne faisions rien. J’ai donc voulu humblement participer à sa sauvegarde.

@AntoineMerlet

D’où vient le “parler lyonnais” ?

Le parler lyonnais est issu du franco-provençal. Ce sont les patois régionaux de Rhône-Alpes, de l’Ain, de l’Isère, de la Loire, des Savoies avec une branche dans l’Italie, la vallée d’Aoste, et en Suisse dans le canton de Vaud. On emploie les mêmes bases. C’est issu du latin mêlé au gaulois. C’est la langue gallo-romaine. Les Romains, quand ils sont arrivés, ont apporté une culture populaire. Ce n’était pas le latin pur, c’était le latin populaire qui s’est mélangé avec les mots gaulois. Plus tard, Lyon était une ville qui a été visée par les rois de France, puisqu’ils venaient régulièrement à Lyon pour essayer de prendre la mainmise, parce que Lyon n’est pas une ville qui se laisse faire. On écoute, on écoute, mais si on a envie de faire comme on a envie, on fait comme on a envie. Simplement, par la suite, nous devenons la capitale de l’imprimerie. Donc, dès le Moyen Âge, on va franciser ce franco-provençal. Et les mots qui ne trouvent pas leur équivalence en français vont rester lyonnais. Ce sont ces restes que l’on appelle le “parler lyonnais”.

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