© Tim Douet

Port du voile et robe d'avocat : "Non au séparatisme judiciaire !" (André Vianès)

Le débat sur le port du voile par les avocats qui plaident devant la Cour est lancé à Lyon.

En écho au débat national dont s'est saisi le Conseil national des barreaux, le Conseil de l'Ordre des avocats de Lyon  organise, jeudi 17 novembre, un débat, sur le port de signes d'appartenance et la robe d'avocat.

Plusieurs grands avocats lyonnais, l'ancienne bâtonnière de Seine-saint-Denis, la directrice du Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux, un magistrat et président de l'association française pour l'histoire de la Justice sont invités pour débattre sur ce sujet pour le moins glissant.

Me André Vianès, ancien enseignant titulaire des universités et avocat au barreau de Lyon, livre son point de vue.

Me Vianès ancien enseignant titulaire des universités et avocat au barreau de Lyon. 

Lyon Capitale : Depuis juin dernier, le Conseil national des barreaux planche sur la question piégeuse du port du voile par les avocats qui plaident devant la Cour. Jeudi 17 novembre, un débat aura lieu au barreau de Lyon sur le port des signes d'appartenance et la robe d'avocat. Comment la profession a-t-elle appelée à répondre sur le sujet ?
André Vianès : La profession a été appelée parce qu'il n'y a rien de particulièrement précis dans le règlement national des barreaux. Il s'agit, comme vous le dites, d'une question piégeuse, liée à une campagne "frériste"  plus générale contre la laïcité et la  République française. Quelques courants idéologiques souhaitent l’autorisation du voilement des avocates à l’audience (et donc à la prestation initiale de serment). Saluons l’absence de  sens des circonstances,  de l’opportunité, de tact et de délicatesse de barreaux qui  organisent un tel débat  en novembre 2022 alors qu’ils pourraient simplement  afficher une banderole : "FEMMES, VIE, LIBERTE".

Le port du voile est-il compatible avec l'exercice de la profession d'avocat ? Est-ce un attribut conciliable avec la robe d'avocat ?
Absolument pas. L'avocat prête serment qui l'engage à exercer ses fonctions avec dignité et indépendance. Quelle est la dignité d’une personne dont le visage doit être dissimulé ? Quelle est l’indépendance d’un personne qui doit se voiler, signe évident de soumission exigé dans certains pays par des polices des mœurs ?


"Il s'agit d'une question piégeuse, liée à une campagne "frériste"  plus générale contre la laïcité et la  République française."


Le code de procédure pénale stipule que toute personne doit prêter serment « tête nue ». Pour autant, il n'existe aucune disposition législative ni aucune disposition réglementaire édictée par le CNB. La situation n'est-elle peut-être pas un peu floue ?
A mon avis, non, parce que la justice s'est constituée au fil des siècles, par des traditions qui l'ont solidifiée. Cette tentative d'imposer le voile dans les tribunaux relève du prosélytisme islamiste au sein d'institutions diverses. Il y a l'idée de substituer un autre type de justice, séparatiste dans laquelle les justiciables suivraient l'orientation de leur avocat et se regrouperaient par affinités. Si c’est probablement une tentative promotionnelle à l’égard d’une chalandise, c’est surtout un attaque frontale contre les principes de la justice républicaine. "Le voile est un féminicide" écrit Kamel Daoud.

Pour bannir le voile du prétoire, ne faut-il pas, en amont, avant trancher deux questions : celle de la définition de l'espace public que serait le prétoire au sens de la loi de 1905, c'est-à-dire en tant que lieu où s'exerce la puissance publique, et la de la place de l'avocat dans cet espace ?
La salle d'audience est une salle au sein de laquelle s'exerce le service public républicain de la justice. C'est un espace public, dont l'accès est public. Par ailleurs, l’avocat est défini comme un auxiliaire de justice, c'est-à-dire qu'il doit contribuer à une bonne justice en respectant les codes de procédures civile et pénale.

Un risque de sanction de la Cour européenne des droits de l'homme est il avéré ?
La Cour européenne des droits de l'homme estime qu'il faut examiner non pas au regard des principes généraux mais l'histoire et la situation de chacun des pays.

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