Albert Doutre
© Tim Douet

Après la bavure, la censure ?

Beaucoup de réactions après l’exclusion d’une journaliste de Lyon Capitale, hier matin, d’une conférence de presse tenue par le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP). Des confrères dénoncent une atteinte au droit à l’information. Tandis que les responsables de la communication de la DDSP pointent dans les colonnes de Rue89Lyon les “méthodes déloyales” de Lyon Capitale, qui s’est joint à ce point presse sans y avoir été invité. Retour sur les faits.

Le directeur départemental de la sécurité publique, Albert Doutre, a passé lundi soir à ses services la consigne de ne plus répondre aux questions des journalistes de Lyon Capitale. Alors que plusieurs d’entre eux étaient mobilisés pour suivre les incidents qui ont émaillé l’après-match Algérie/Allemagne, et qu’ils échangeaient naturellement avec les responsables de la police, ceux-ci leur ont signifié qu’ils venaient de recevoir cette consigne et qu’ils ne s’exprimeraient donc plus. Sans pour autant en donner la raison.

Le lendemain matin, ayant appris par des confrères que M. Doutre tenait un point presse dans son bureau, une de nos journalistes s’y est rendue sans avoir été invitée. Elle a donné son nom, sans préciser qu’elle était de Lyon Capitale, à l’attachée de presse qui l’a alors conduite avec les autres journalistes dans le bureau du patron de la police. “Méthodes déloyales”, estime la DDSP, qui accuse – à raison ! – notre journaliste de ne pas avoir dit qu’elle était de Lyon Capitale pour pouvoir se faufiler là où elle n’était pas conviée et être ainsi en mesure d’informer au mieux nos lecteurs des conséquences des incidents de la nuit.

La découvrant parmi les autres journalistes, Albert Doutre a exigé son départ, arguant qu’il ne souhaitait “plus parler à Lyon Capitale”. Après un bref échange, elle a donc été raccompagnée par sa secrétaire jusqu’à la porte du commissariat central. Mais cela nous a au moins permis de comprendre ce que reproche le patron de la police du Rhône à Lyon Capitale : “Vous parlez sans arrêt des dysfonctionnements de la police. Il y a eu la vidéo la semaine dernière sur le pont de la Guillotière”, a-t-il lancé devant nos confrères.

Que contient cette fameuse vidéo, que nous avons été parmi les premiers à relayer le 23 juin ? On y voit un policier frapper violemment à terre un supporter algérien après le match Algérie/Corée du Sud. Avant de mettre en ligne notre article, nous avions pourtant contacté la DDSP, à qui nous avons appris l’existence de cette vidéo, et devant la violence de la scène, cette dernière nous avait informés qu’une enquête interne serait ouverte.

C’est naturellement une bonne décision et c’est en faisant toute la lumière sur cette affaire que le lien de confiance entre les Lyonnais et leur police sera maintenu. Mais comment comprendre alors que le “lanceur d’alerte”, en l’occurrence Lyon Capitale, soit sanctionné ?

Cette sanction nous semble à la fois scandaleuse et absurde.

Absurde, car elle n’empêche en rien la diffusion de la vidéo, qui n’a pas eu besoin de Lyon Capitale pour se diffuser partout sur la Toile. Au contraire, si la DDSP n’avait pas répondu à nos questions, nous n’aurions peut-être pas su qu’une enquête interne avait été ouverte, et n’aurions pas pu informer nos lecteurs aussi rapidement que la scène ne resterait pas sans suite.

Scandaleuse, parce qu’il s’agit d’une atteinte délibérée au droit élémentaire des citoyens d’être informés grâce au travail des journalistes. Scandaleuse, parce qu’un haut représentant de l’État n’a pas à “choisir” ses journalistes. Scandaleuse surtout parce qu’en cas de bavure supposée c’est un autre message que les Lyonnais attendent des responsables de leur police.

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