Quenelles

À Lyon, la quenelle, on la mange !

Ras le saint-marcellin de la "quenelle" d'Anelka ou de Dieudonné ! Entre Rhône et Saône, la qu'nelle, c'est dans l'assiette qu'elle finit.

Juste un soupir. On ne demandait qu'un petit intermède, un entracte diplomatique entre les deux tours - Noël et le jour de l'an. Bref, de considérer l'usuelle trève des confiseurs, ce temps propice aux plaisirs de la table pendant lequel la politique se met en suspend.

On aura eu droit à une grosse gueule de bois, l'estomac effondré dans les talons.

Attention, symbole !

Qu'on se le dise, il y a quenelle et quenelle. Sorte de doigt d'honneur à l'autorité pour certains, salut nazillon inversé pour d'autres ; n'en déplaise à chacun, la quenelle, ça se mange!

Lait, beurre, farine, œufs, filets de brochet ou volaille, sel et poivre, le tout frappé et taillé à la cuillère. Point barre, Raymond.

Edouard Herriot a beau eu politiser, en son temps, l'andouillette - concurrente directe de la quenelle (prononcez qu'nelle) pour le rayonnement international de la ville – avec sa tirade désormais entrée dans les annales du postérieur, "la politique, c'est comme l'andouillette, ça doit sentir un peu la merde", à Lyon, la quenelle est sacrée. C'est le fleuron de la gastronomie, le symbole des symboles de la mangeaille guignolesque, un pan entier de l'identité culinaire de la ville.

De la pâte à choux à la qu'nelle actuelle

La quenelle a beau être ancestrale – Apicius, au Ier siècle, évoquait déjà des préparations se rapprochant de nos quenelles actuelles – et vénérée sous Louis XV, qui les servait lors de ses "Grands Soupers", c'est bien à Lyon que la quenelle est née.

Dans les années 1830 pour être vague. Constatant que les eaux de la Saône regorgeaient de brochets, Charles Morateur, un pâtissier installé dans le second arrondissement, eut l'idée d'incorporer de la chair de poisson dans sa pâte à choux avant de la faire cuire au four.

Une recette qui aurait été sans nul doute approuvée par Cyril "gourmand-croquant-ça-raconte-une-histoire" Lignac, soupeur en chef du Meilleur Pâtissier cathodique.

Tétons de Vénus

Vers 1830 donc, la Mère Brigousse, dans le quartier des Charpennes, faisait table comble avec ses "tétons de Vénus", de grosses quenelles en forme de sein.

Mais c'est bien à Nantua, dans le Bugey, que la quenelle prit sa dimension nationale, grâce à sa sauce éponyme : au beurre d’écrevisse à pattes rouges issus des lacs de Nantua et de Sylans.

Les bouchons lyonnais on fait de la qu'nelle leur emblème. Mais il faut être patient pour en déguster une : 25 minutes. Car la quenelle est pochée avant d'être enfournée dans un four brûlant, histoire de gonfler.

Ce n'est pas le directeur du Waldorf Astoria de New York qui dira le contraire, lorsqu'il vint déjeuner au col de la Luère, un jour de printemps 1954, les quenelles au gratin en beurre d'écrevisses chez la Mère Brazier (que Mathieu Viannay revisite aujourd'hui en version aérienne, mousseline de brochet, homard et petits légumes, jus de carapaces à l'absinthe).

Facebook en force

Une page Facebook "Contre l'exploitation fasciste de la gastronomie lyonnaise" a même vu le jour avant le Réveillon, avec un seul mot d'ordre : "Laissez les quenelles à leur place : sur les tables des bouchons. Parce que sinon, on va être dégoûtés d'en manger à jamais".

Pour reprendre les bons mots de Gérard Truchet, président de l'Association des Amis de Guignol et Président de la République des Canuts, ah la qu'nelle, « c'est à ce mettre à cacabosson et s'en relicher les cinq doigts et le pouce ! Au four, en sauce Nantua ou autour d'un gâteau de foie c'est pas de craindre ».

Oublions le reste...

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