Thierry Braillard
© Tim Douet

Philippe Meirieu ou le fiasco vert

Philippe Meirieu

© Tim Douet

Europe Écologie-Les Verts voulait se compter lors des législatives pour marquer son territoire en vue des municipales de 2014. À Lyon, ils bouclent un cycle électoral comme ils l'avaient entamé avec la claque du score d'Éva Joly à l'élection présidentielle. Philippe Meirieu, malgré un poste "garanti" par l'accord national entre le PS et EELV, ne se maintient pas au second tour, balayé par le lobbying de Gérard Collomb qui a gagné son pari. Dans les autres circonscriptions, les écologistes réalisent des scores inférieurs à leurs espérances. Au final, ils sont très loin du compte.

Il est près de 23 heures à la préfecture du Rhône, dimanche soir, quand Philippe Meirieu fait son apparition. Sa défaite est désormais actée. Il entre dans les salons de la préfecture accompagné de son quarteron de militants. Ceux qui n'ont pas su faire le nombre face à la "machine de guerre" déployée par Thierry Braillard et Gérard Collomb. Le candidat écolo et le maire de Lyon, qui se fuyaient depuis des mois, se retrouvent dans la même pièce. Hilare, le sénateur-maire de Lyon fend la nuée de journalistes qui entoure Philippe Meirieu pour le saluer avec un sourire jubilatoire. Le maire de Lyon avait fait de ce premier tour des législatives un plébiscite, il l'a gagné nettement. Il savoure sa victoire en serrant la main du vaincu du jour. Philippe Meirieu, qui se voulait digne dans la défaite, encaisse cette poignée de main comme le coup de grâce. Quelques instants plus tard, il prend la parole pour lire un communiqué qu'il ne souhaite pas prolonger en répondant aux questions des journalistes.

"Gérard Collomb a dévoyé gravement cette élection législative"

Le ton solennel, la voix grave et forte, Philippe Meirieu reconnaît sa défaite et attaque comme jamais peut-être Thierry Braillard et Gérard Collomb en dénonçant des "mensonges répétés contre moi et la campagne de désinformation dont nous avons été victimes". "Cette élection a été transformée en plébiscite par le maire de Lyon, qui a engagé tout son poids pour faire élire celui qu’il pensait être le meilleur défenseur de l’intérêt d’une ville dont il se pense le propriétaire. Il a dévoyé gravement cette élection législative, au mépris de l’intérêt national et contre les instances de son parti. Des militants dévoués à sa cause ont tenté, vendredi, d’empêcher de s’exprimer deux ministres du gouvernement de la République, deux ministres du gouvernement de Jean-Marc Ayrault;"

Et de poursuivre : "Jusqu’à aujourd’hui, ils ont sciemment entretenu la confusion en collant des logos du PS sur les affiches de mon concurrent du PRG. Alors, ce dernier est arrivé second et je ne participerai donc pas au deuxième tour dimanche prochain. Je suppose que ni lui ni le maire de Lyon ne souhaitent du soutien d’un "khmer vert", "apparatchik", "arriviste et opportuniste sans convictions". Néanmoins j'appelle les électeurs de gauche à se mobiliser pour battre la droite (…) Je continuerai mon combat, sous des formes que je n'ai pas encore déterminées", a déclaré Philippe Meirieu, dont le regard et l'intonation trahissaient une colère mal contenue.

Entre Collomb et Ayrault, le ton serait monté

À 62 ans, il se rêvait député et pourquoi pas ministre au terme d'un prochain remaniement ministériel. Ces rêves se sont sans doute brisés ce dimanche soir. Ceux de Gérard Collomb, qui s'imagine depuis longtemps membre d'un gouvernement de gauche, se sont aussi abîmés lors de ce premier tour des élections législatives. En s'engageant au côté de Thierry Braillard, il a entamé un peu plus son capital sympathie rue de Solférino. Martine Aubry, la première secrétaire du PS, avait en effet donné son accord pour porter plainte contre Thierry Braillard pour usage abusif du logo du PS et des slogans pro-Hollande. Une procédure qui n'a pas abouti. Gérard Collomb a surtout frappé les esprits parisiens en faisant donner de la voix à ses militants vendredi lors de la venue de Cécile Duflot et de Benoît Hamon.

"À Paris, ils devaient penser que Philippe Meirieu exagérait ses difficultés à faire campagne, jusqu'à ce qu'ils se rendent sur le terrain. Ils ont halluciné en voyant la violence qui se dégageait de la campagne", pointe un proche du candidat écolo éliminé. Les deux ministres ont dû faire marche arrière face à l'hostilité des pro-Braillard. Cette visite a d'ailleurs été l'objet d'un accrochage téléphonique entre le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et le sénateur-maire de Lyon, qui d'après nos informations ne s'en serait pas laissé compter face au chef du Gouvernement. La fuite des ministres illustre la victoire de Thierry Braillard et de Gérard Collomb.

Thierry Braillard

© Tim Douet

De l'influence des maisons de retraite

Ils ont phagocyté la campagne de terrain, cantonnant Philippe Meirieu au rôle de second couteau. Dans la rue, ils ont inversé les rôles de candidat officiel et officieux. Même après la fin de la campagne officielle (vendredi soir), le candidat du Parti radical de gauche ne s'est pas arrêté. Samedi, il a débarqué flanqué de ses militants à un vide-grenier dans le 7e. Averti, Philippe Meirieu a rappliqué illico, seul ou presque. "Il est arrivé et n'a pas serré une paluche. On aurait dit qu'il était gêné de faire campagne. Il n'est pas fait pour un scrutin en bugne-à-bugne. Face à Gérard Collomb, ça ne pardonne pas", note un socialiste neutre dans cet affrontement sans répit. Quand Philippe Meirieu parlait d'éducation, d'environnement ou d'emploi, Thierry Braillard faisait la tournée des amicales boulistes ou entonnait L'Amant de Saint-Jean dans les maisons de retraite. Le candidat PRG a épousé les méthodes de campagne de Gérard Collomb. Philippe Meirieu peut estimer que Gérard Collomb et Thierry Braillard se sont trompés d'élection en municipalisant la campagne, mais le verdict des urnes leur donne raison. La proximité a payé.

Après la justice, la police s'en mêle

Les forces militantes étaient du côté de Thierry Braillard et lui ont donné une impulsion déterminante durant la dernière semaine. Celle où les électeurs ont commencé à s'intéresser à un scrutin qui, au vu du niveau de participation, n'a pas emballé les Français. Mardi dernier, un sondage commandé par Lyon Capitale plaçait le candidat du PRG trois points derrière Philippe Meirieu, lequel s'inquiétait de l'inexorable montée en pression de la mécanique Collomb. Le maire de Lyon n'a quasiment pas quitté la 1re circonscription de la semaine. Il y a distribué une lettre appelant à voter Thierry Braillard. La campagne s'achevait officiellement vendredi. Elle aura en fait duré jusqu'à la dernière minute. Dimanche, sur une dénonciation de l'équipe de campagne de Philippe Meirieu, les policiers ont interpellé deux militants de Thierry Braillard qui collaient des logos du PS sur l'affiche électorale de leur poulain. Des petits gestes qui ont pu rapporter gros.

Thierry Braillard et Gérard Collomb, tout en roublardise, ont réussi à créer les conditions d'une confusion électorale. "Dans les bureaux de vote, les gens cherchaient le bulletin PS et quand ils ont vu qu'il était sur celui de Thierry Braillard et qu'il était soutenu par le maire de Lyon, ils ont pris le sien. Sans le poing et la rose sur son bulletin, le résultat aurait été différent", analyse un socialiste. "Il y a eu une vraie tromperie auprès des électeurs sur qui était le candidat socialiste. La confusion était réelle, sur les bulletins comme sur les affiches, note un membre de l'équipe de campagne de Philippe Meirieu. Et puis il y a aussi eu des méthodes particulières. Des pressions sur les associations, à qui nos concurrents ont dit : Si vous votez Philippe Meirieu, vos subventions vont sauter. Quand je regarde ce qu'aura été cette élection, cela en dit beaucoup sur le climat politique à Lyon et la manière qu'a la Ville de Lyon de faire de la politique."

L'élan envolé des écolos

Ce premier tour en dit beaucoup aussi sur le cycle politique catastrophique des écologistes. Ils n'auront aucun candidat au second tour. Aux européennes de 2009, ils s'étaient imposés à Lyon comme la première force politique à gauche. Aux régionales de 2010, le PS ne les devançait que de quelques points. Le soufflé est retombé, faute de n'avoir pas pris autour de la candidature d'Éva Joly. À Lyon, Europe Écologie ambitionnait d'envoyer Philippe Meirieu à l'Assemblée nationale, de mettre Émeline Baume au second tour sur la 2e circonscription et de confirmer une percée verte à Villeurbanne. Aucun de ces trois objectifs n'a été atteint. Dimanche, la jeune Émeline Baume jubilait en fin de soirée de devancer le Front de gauche.

Elle réalise, hormis le cas Philippe Meirieu, le meilleur score des écologistes sur le Grand Lyon avec 8,83% des voix dans leur bastion vert. Sur le 1er arrondissement, Éva Joly avait réalisé son meilleur score à l'élection présidentielle, avec un peu plus de 8% des suffrages. Europe Écologie-Les Verts tombe de haut en 2012. Ce lundi soir, ils n'hésitent pourtant pas à se qualifier de "seul parti à progresser" depuis la présidentielle. Il faut dire qu'au vu du score d'Éva Joly, ils partaient de très loin. Leurs candidats à Lyon pèsent environ 7%, avec une pointe à 13% sur le 1er arrondissement.

Les Verts remis à leur place ?

À Villeurbanne, l'élection de Béatrice Vessiller aux cantonales de mars 2011 semble bien loin. "Ils augmentent le score d'Éva Joly à 6% mais ils sont toujours derrière le Front de gauche. Ça les remet à leur étiage, à leur place", souriait malicieusement le maire de Villeurbanne, Jean-Paul Bret. Les écolos pensaient profiter de l'accord pour former un groupe d'une vingtaine d'élus à l'Assemblée nationale et éventuellement en voler quelques-uns à la régulière au PS. Le couperet électoral s'est abattu sur leurs espoirs. Et à Lyon, il assomme Philippe Meirieu et Europe Écologie dans son ensemble. Au sortir d'un cycle désastreux, ils voulaient déjà tous embrayer sur les élections municipales de 2014 en promettant une liste autonome. Philippe Meirieu devancé par Thierry Braillard, celle-ci a d'ores et déjà moins fière allure.

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