Guillaume Sabiron
Guillaume Sabiron, Chef de projet dans les domaines des véhicules connectés et de la qualité de l’air à l’IFP Energies nouvelles

"On risque de passer à côté de hotspots très localisés de pollution" assure Guillaume Sabiron

Guillaume Sabiron, chef de projet spécialisé en mobilités connectées à l'IFP Energies Nouvelles, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

La mise en place d’une zone à trafic limité (ZTL) à Lyon soulève plusieurs interrogations : si la circulation diminue dans le périmètre concerné, entraînant potentiellement une baisse de la pollution, elle pourrait en revanche s’intensifier en périphérie immédiate. Par ailleurs, alors qu’Atmo Rhône-Alpes constate une amélioration globale de la qualité de l’air, la question demeure : existe-t-il des zones très localisées, de véritables hotspots de pollution, liées à certains polluants ?

"C'est compliqué et mutifactoriel", précise d'emblée Guillaume Sabiron, chef de projet spécialiste en mobilités connectées à l'IFP Energies Nouvelles (Ifpen), un institut de recherche public.

Pour autant, selon ce docteur en ingénierie, "la pollution est hautement locale". "On parle souvent du CO2, qui est plutôt un gaz à effet de serre global. On sait ce qu'on émet, on peut faire des inventaires. Par contre, précise-t-il, la pollution locale, typiquement les oxydes d'azote qui ont un impact sur les maladies respiratoires et qui nous touchent au quotidien, est localisée à l'endroit où la mobilité se fait, là où circulent les voitures. On se rend bien compte qu'un feu rouge, un rond-point, une pente, génèrent beaucoup d'accélérations. C'est très localisé."

Et de conclure que "si on reste à une échelle trop macroscopique, on risque de passer à côté de ces hotspots. L'idée est donc de mettre en place une chaîne de modélisation la plus précise possible, pour capter ces endroits et leurs évolutions possibles."

"Il est aussi utile de connecter cela à des données dynamiques pour savoir où se trouvent les gens au moment où la pollution se produit."

Partant de ce postulat, l'Ifpen développe un programme de recherche pour fournir des outils et méthodologies complets pour analyser, modéliser et optimiser les systèmes de mobilité.

"C'est bien de savoir quelles sont les concentrations de polluants à chaque endroit de la ville, explique Guilaume Sabiron. Mais il est aussi utile de connecter cela à des données dynamiques pour savoir où se trouvent les gens au moment où la pollution se produit." L'idée : se baser sur less données de téléphonie, grâce au bornage des téléphones sur les antennes. "On pourra connaître la population dynamique à l'ordre de 30 minutes, dans des zones totalement anonymisées et agrégées. Cela permettra de savoir comment se déplacent les populations à une échelle bien plus précise que les enquêtes transports générales, qui n'offrent qu'une photographie réalisée tous les dix ans."

Lire aussi : Urbanisme : la ville augmentée à Lyon


La retranscription intégrale de l'entretien avec Guillaume Sabiron

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Guillaume Sabiron, bonjour. Guillaume Sabiron, vous êtes chef de projet à IFP Énergie Nouvellee, spécialiste en mobilités connectées. Si nous vous invitons aujourd'hui sur le plateau de 6 minutes chrono, c'est pour parler pollution et ZTL, la zone à trafic limité qui est en train de s'installer à Lyon. Beaucoup de Lyonnais se posent la question de la corrélation entre embouteillages, travaux et émissions de polluants. Qu'est-ce qu'on peut dire globalement sur le lien entre les deux ?

Alors malheureusement, je ne vais pas vous apporter une réponse très tranchée. Cela soulève plus de questions que cela n'apporte de réponses, c'est compliqué. On peut imaginer en effet que les embouteillages génèrent de la pollution. Les mesures coercitives prises par les villes et les collectivités territoriales tendent à améliorer cela, à diminuer la congestion. Mais c'est bien plus compliqué, puisque ce qui va jouer aussi, c'est le style de conduite, le niveau de congestion, la fluidité du trafic. D'autres facteurs rentrent aussi en jeu : le bruit, la sécurité. C'est donc très multifactoriel.

Je crois que c'était le CEREMA qui avait dit que, de manière générale, plus on roule de manière saccadée, avec accélérations et freinages, plus on pollue. C'est un fait. Donc logiquement, si on se pose la question, on se dit : zone à trafic limité à Lyon, moins de voitures dans ce périmètre, donc moins de pollution. En revanche, en périphérie immédiate de cette ZTL, il y a plus d'embouteillages, parce qu'il y a moins de voies pour les voitures. Qu'est-ce qu'on peut en conclure ? Moins de pollution à l'intérieur, mais plus à l'extérieur ?

Encore une fois, c'est la même réponse. Il y a plus de voitures à l'extérieur, mais c'est plus compliqué que cela, c'est diffus. On parle de report de trafic : si on n'est plus sur la Presqu'île, on est peut-être aux alentours. Il y a aussi le report modal. La Ville agit beaucoup sur les transports en commun. On espère qu'avec le temps, il y aura peut-être des phases transitoires avec plus de trafic à certains endroits, mais qu'au fil du temps, les gens s'habitueront aux nouveaux types de mobilité, se déplaceront autrement. Au final, on y gagnera.

Est-ce que c'est vrai que, de manière générale, Atmo Rhône-Alpes, l'organisme qui calcule la qualité de l'air au quotidien à Lyon, montre plutôt une amélioration ? Globalement, la qualité de l'air s'améliore, et tant mieux pour les Lyonnais. Mais pourrait-il y avoir des sortes de hotspots très localisés de pollution à certains polluants ?

C'est une très bonne question, et c'est justement là-dessus que nous travaillons. La pollution est hautement locale. On parle souvent du CO2, qui est plutôt un gaz à effet de serre global. On sait ce qu'on émet, on peut faire des inventaires. Par contre, la pollution locale, typiquement les oxydes d'azote qui ont un impact sur les maladies respiratoires et qui nous touchent au quotidien, est localisée à l'endroit où la mobilité se fait, là où circulent les voitures. On se rend bien compte qu'un feu rouge, un rond-point, une pente, génèrent beaucoup d'accélérations. C'est très localisé. Si on reste à une échelle trop macroscopique, on risque de passer à côté de ces hotspots. L'idée est donc de mettre en place une chaîne de modélisation la plus précise possible, pour capter ces endroits et leurs évolutions possibles.

Et alors, je crois que vous avez développé un outil à IFP Énergie Nouvelle qui s'appelle PLANET Air. C'est un outil de modélisation, de simulation ?

C'est tout cela à la fois : modélisation et simulation. L'idée est de donner aux villes des outils que nous espérons utiles à la décision, pour comprendre l'impact de la mobilité et des mesures qui vont être prises, comme la ZFE ou la ZTL, et pour quantifier leur impact sur les émissions et donc sur la qualité de l'air.

Qu'est-ce qui va changer entre votre outil développé par IFP Énergie Nouvelles et les outils qui existent déjà, notamment l'algorithme SIRANE utilisé par Atmo et tous les Atmo en France ?

Le but n'est pas de remplacer, mais de compléter. Nous allons essayer d'apporter des réponses, notamment sur la partie exposition à la qualité de l'air. C'est bien de savoir quelles sont les concentrations de polluants à chaque endroit de la ville. Mais il est aussi utile de connecter cela à des données dynamiques pour savoir où se trouvent les gens au moment où la pollution se produit.

Oui, c'est le grand défi de l'algorithmie aujourd'hui. Si on veut des données en temps réel, hyper localisées, hyper précises, cela passera peut-être par nos téléphones portables ? Avec quel type de données, justement ?

Exactement. Ce seront des données de téléphonie, grâce au bornage des téléphones sur les antennes. On pourra connaître la population dynamique à l'ordre de 30 minutes, dans des zones totalement anonymisées et agrégées. Cela permettra de savoir comment se déplacent les populations à une échelle bien plus précise que les enquêtes transports générales, qui n'offrent qu'une photographie réalisée tous les dix ans.

Donc l'idée est bien de compléter ce qui est déjà fait, et qui est déjà bien fait à Lyon, pour arriver à quelque chose de plus fin et de plus précis, notamment en termes d'horaires ?

C'est exactement cela. Nous allons essayer d'augmenter la résolution temporelle et spatiale. Et comme vous le disiez, l'idée est d'appuyer et d'aider les collectivités publiques à prendre de meilleures décisions.

Oui, comme je le disais au début, cela va peut-être soulever plus de questions que cela n'apporte de réponses. Mais l'essentiel, c'est que le débat existe, qu'on en discute et qu'on essaie de porter des solutions qui, on l'espère, amélioreront la situation.

En tout cas, vous avez résumé de manière claire votre logiciel de simulation PLANET Air, qui est d'une grande complexité. Merci Guillaume Sabiron d'être venu sur le plateau de 6 minutes chrono. Ce sujet sera développé plus en détail dans le prochain mensuel de Lyon Capitale. Merci à tous.

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