Dans un rapport rendu public ce jeudi, la Chambre régionale des comptes revient sur les contours d'un bail permettant au LOU Rugby d'exploiter le stade de Gerland et ses abords, considéré trop favorable au club.
Six ans après un premier rapport critique, la Chambre régionale des comptes enfonce le clou. Dans un rapport publié ce jeudi, les magistrats financiers s'intéressent à la gestion du LOU Rugby, actuellement premier du Top 14. Concernant les comptes du club, la Chambre salue un bilan "solide" porté par une activité de promotion immobilière et des levées de fonds qui absorbent les déficits engendrés par l'activité sportive.
En revanche, les magistrats pointent du doigt le bail emphytéotique administratif (BEA) conclu entre la Ville de Lyon et la SASP en 2016 pour une durée de 60 ans. Ce dernier donne au LOU des droits presque équivalents à ceux d'un propriétaire sur 15 hectares comprenant le stade de Gerland, ses annexes, la piscine, la plaine des jeux et des terrains attenants. En contrepartie, le LOU a l'obligation d'investir 66 millions d'euros sur 60 ans et paye une redevance annuelle à la Ville. Le bail avait déclenché à l'époque le courroux du désormais candidat Jean-Michel Aulas, qui avait alors attaqué GL Events en justice pour concurrence déloyale.
Un bail emphytéotique trop favorable au LOU et à GL Events
Les magistrats de la CRC ont eux-aussi tiqué sur les termes du contrat qui peuvent être analysés "comme un soutien financier indirect de la SASP LOU Rugby par la commune de Lyon", estiment-ils. Le LOU a en effet d'ores et déjà investi 67,2 millions d'euros sur le site, dont 35,2 millions d'euros ont été comptabilisés dans les obligations du BEA. Ces investissements ont été en grande partie financés par l'activité de promotion immobilière de la SASP : bureaux, parking, centre de santé, hôtel etc. Or, lors de l'approbation de la signature du bail en conseil municipal du 4 juillet 2016, Gérard Collomb avait indiqué aux élus que les investissements obligatoires à porter par le LOU seraient financés par un projet de bureaux moins ambitieux au nord du site.
Un projet finalement jamais mentionné dans le contrat, alors que la redevance avait pourtant bien été calculée à 300 000 € par an, sur la base du projet initial. C'est une modification du PLU bien opportune, effectuée quelques mois après la signature du contrat, qui a permis la réalisation de ces nombreuses opérations, générant une forte valorisation pour la SASP LOU Rugby, qui n'a néanmoins pas vu sa redevance augmenter.
Une aubaine comme Gérard Collomb savait les offrir aux entreprises (il l'a fait avec JC Decaux donnant lieu également à des critiques de la CRC) puisque la SASP a ainsi cédé à des SCI et des investisseurs plusieurs immeubles, le tout pour un gain net de 56,7 millions d'euros. Si l'entièreté de ces gain a été réinvestie sur site, elle l'a été au profit de filiales du groupe GL Events. L'entreprise n'a donc pas été "amenée à mettre ces marchés en concurrence du fait de son statut privé", indique la CRC. Et d'ajouter : "Il en a résulté 6,5 M€ de gains nets pour la SA Polygone, la holding du groupe GL Events, et 2,5 M€ de gains pour sa filiale F2P."
La Ville passe à côté de centaines de milliers d'euros
Pour la CRC, ces éléments induisent "sans conteste une sous-estimation de la redevance, qui peut être analysée comme un soutien financier indirect de la SASP LOU Rugby par la commune de Lyon, sans que cela soit en conformité avec la règlementation encadrant les aides des collectivités locales aux sociétés sportives". Par ailleurs, les magistrats rappellent qu'en "sus de la redevance forfaitaire, la commune perçoit des redevances sur le contrat de dénomination du stade (40 000 € par an) et sur les activités annexes (4 000 € par an) ainsi que des redevances variables assises sur les loyers des bureaux, parking et centre de santé". Mais la CRC note que la Ville "ne parvient à percevoir qu'une faible part de ces redevances variables dont le montant total est pourtant estimé à près de 200 000 € sur la période 2017-2024".
L'affaire est complexe, et remonte à 2011 et l'installation du LOU à Vénissieux jusqu’à son arrivée au stade de Gerland en 2016. Un transfert, dont vous parlait Lyon Capitale à l’époque, que la ville de Lyon a financé à hauteur de 11,6 millions d'euros TTC pour résiliation anticipée du bail signé dans l'ancien stade. Ces éléments n'ont pas manqué de faire de nouveau réagir Nathalie Perrin-Gilbert ce jeudi matin en conseil municipal où a été présenté le rapport. "Depuis des années, j'ai le sentiment de parler dans le vide. La CRC avait déjà pointé que sur le dossier de Gerland, la Ville n'avait pas défendu les intérêts des Lyonnais et des Lyonnaises", s'est-elle agacée, avant d'indiquer avoir procédé à un signalement au procureur de la République de Lyon sur la base de l'article 40. L'élue qui siège désormais en non-inscrite avait déjà dénoncé en 2019 “la gabegie” financière et “les relations coûteuses, voire des liaisons dangereuses, entre la municipalité lyonnaise, l’OL de Jean-Michel Aulas et le LOU Rugby d’Olivier Ginon”.
Perrin-Gilbert signale les faits à la justice
"Notre ville ne percevait pas les redevances qui lui étaient dues. Il y également eu une non-réévaluation des redevances au regard des bénéfices réalisés sur les opérations immobilières", a dénoncé la candidate aux élections municipales de 2026. Indignation partagée par l'adjoint à la promotion des services publics, Laurent Bosetti qui considère que ce rapport "interroge le modèle que nous voulons pour Lyon" et nous ramène à "l'époque du fameux modèle lyonnais ou comment le secteur public s'efface car le secteur privé serait le mieux à même de façonner la cité". "Ce que vous décrivez ne semble pas être ce que ressentent les Lyonnais à l'égard de ce qu'il se passe à Gerland", considère de son côté le maire LR du 2e arrondissement, Pierre Oliver. "On a la chance dans Lyon d'avoir un investisseur privé qui met de l'argent pour faire en sorte qu'on ait un grand club professionnel", s'est félicité le soutien de Jean-Michel Aulas. Lequel avait d'ailleurs obtenu, après s'être indigné de l'appui de Gérard Collomb à Olivier Ginon, la création par le Sytral du tramway T7 qui reste encore aujourd'hui le moins fréquenté du réseau avec à peine plus de 2 000 voyageurs par jour en 2023.
"On peut critiquer le modèle du bail, mais quand nous sommes arrivés en responsabilité, nous avons hérité du dossier", s'est défendue Julie Nublat-Faure, adjointe aux sports de Grégory Doucet. Rappeler par ailleurs que la piscine du LOU et ses deux bassins accueille "100 classes par an". Dans sa réponse à la CRC, le maire écologiste a rappelé qu'une renégociation nécessiterait l'accord du LOU et qu'une résiliation unilatérale supposerait une indemnité "sans doute largement supérieure à 100 millions d'euros".