Du 6 au 28 septembre, les rues et théâtres de Lyon et sa métropole vont vibrer aux rythmes de la Biennale de la danse, première conçue par Tiago Guedes, également directeur de la Maison de la danse. Tour d’horizon.
La 21e Biennale de la danse propose quarante spectacles (toutes formes confondues dans Lyon et en région) dont onze premières mondiales et intègre la saison croisée Brésil/France 2025 avec un programme très intéressant nommé “Brasil Agora” qui dévoile la créativité d’artistes brésiliens vivant au pays ou de la diaspora en France.

Résolument “Corps politiques”, elle traduit des préoccupations que l’on voit abordées sur la scène chorégraphique actuelle – identités, migration, États totalitaires, colonisation des corps et des cultures, refus des normes sociales et artistiques, visibilité des minorités, enjeux climatiques, jeunesse – tout en célébrant la puissance du collectif, l’attention à l’autre, reliant les artistes entre eux, offrant au public des rencontres profondes mais aussi joyeuses.
Dans le positionnement que Tiago Guedes lui donne, on perçoit un fil conducteur, celui de la transmission et de la transformation, des corps conducteurs de cultures multiples, d’histoires et de réalités contemporaines mais aussi d’un désir de mutation.

Les chorégraphes puisent dans cette matière politique pour faire émerger des identités profondes et réinventer l’existant, là où le corps en mouvement pourrait non pas changer le monde mais faire prendre conscience et revendiquer sa métamorphose. Et leurs approches esthétiques sont différentes : électro/paroxysmique pour certains, poétiques et plastiques ou viscérales et cathartiques pour d’autres. Loin du tumulte, des artistes prônent l’apaisement et la suspension, s’attachant aux seuls jeux d’écriture de la danse et à la pure exploration du mouvement.
Une programmation avec six artistes associés en têtes d’affiche
Côté programmation, on a en têtes d’affiche des valeurs sûres – six des neuf artistes associés Biennale/Maison de la danse – et malgré leur talent indéniable, on ressent, du point de vue du territoire lyonnais, une certaine frustration à ne pas en découvrir d’autres car même s’il s’agit d’accompagnement au long cours, François Chaignaud, le collectif ÈS, Jan Martens, Marco da Silva Ferreira, Dorothée Munyaneza ont été programmés à Lyon ces dernières années (excepté Lia Rodrigues en 2023), également Dalila Belaza et Katerina Andreou. On aurait aimé une vision plus variée et plus internationale des esthétiques de la danse – la France, le Portugal et la Belgique, aux côtés du Brésil, sont ici majoritaires.
Notre sélection : les spectacles à ne pas rater

Sans hésiter les Brésiliens Davi Pontes et Wallace Ferreira qui dans Repertório N.2 transforment leurs corps nus en force politique pour créer une danse de combat face à la violence sociale des banlieues de Rio ; Aina Alegre avec Fugaces rend hommage à Carmen Amaya (grande danseuse effacée de l’histoire de l’art) non pas en reprenant sa gestuelle mais en explorant des sons, des mouvements percussifs qui redessinent l’artiste qu’elle était.

Peu vue à Lyon, la chercheuse et chorégraphe/performeuse Eszter Salamon propose avec Monument 0.10 : The Living Monument un voyage lent et sensoriel où des créatures vêtues de matériaux scintillants et de cuir créent des paysages monochromes et incandescents, passant du noir au blanc, du bleu nuit à l’orange.
Yuval Pick pour son travail harmonieux autour de Bach, Christian Rizzo pour sa plongée dans une danse invitant à la découverte d’une gestuelle du quotidien, Emmanuel Eggermont qui, après avoir écouté des jeunes de 18 à 25 ans autour des références cultes qui animent leur vie, tisse à travers la musique, les éléments visuels et son propre corps, une écriture reflet de ce qu’ils sont. Découvert récemment avec son élégie pour Raimund Hoghe, le chorégraphe est un immense et magnifique danseur ! L’artiste visuelle Miet Warlop crée avec Inhale Delirium Exhale une symphonie de gestes, de corps et de tissus dans des flux et reflux provoqués autour de 8 000 mètres de soie, symbolisant une humanité qui creuse un chœur dans les discordances.

Parmi les événements, Civil Society : Undertainment, la dernière création de William Forsythe, figure majeure de la danse contemporaine, présentée dans un double programme avec la Dresden Frankfurt Dance Company dirigée aujourd’hui par le chorégraphe Ioannis Mandafounis qui présente Lisa. Il est question de jeux d’équilibre, d’improvisation et de structures chorégraphiques où se rejoignent deux générations et deux regards différents sur la danse. Avec The Dog Days Are Over 2.0, Jan Martens questionne à travers l’épuisement des interprètes la frontière entre art et spectacle du divertissement, la performance du danseur transformé en un exécutant au service de la perfection et des attentes du spectateur. Un propos qui, pour nous, résonne avec les spectacles de danse/électro/rave plébiscités actuellement au seul motif qu’ils sont spectaculaires et borderline pour les interprètes. En clôture symbolique de la Biennale, Philippe Decouflé dont la nouvelle création, Entre-Temps, réunit un groupe de personnes de tous âges allant dans la même direction, bercées par le temps qui passe avec ses variations de vie, de rythmes et de gestes, des corps lovés qui composent avec leurs différences, histoire de se sentir vivants !
Le défilé, des soirées folles et des pépites chorégraphiées dans l’espace public
Porté par huit groupes de Lyon et la région, le défilé aura lieu le 7 septembre avec pour thème “Danses recyclées” (comprenez : les danses sociales qui rassemblent dans la rue, les bals ou ailleurs – traditionnelles, flamenco, jazz, capoeira, hip-hop, clubbing… –transformées par le regard contemporain des chorégraphes, utilisant aussi des matériaux recyclés).
Le final sera animé place Bellecour par Mehdi Kerkouche avec un extrait de sa dernière pièce 360. En version nomade, le club Bingo revient notamment avec son week-end électro queer, hip-hop, afro RnB tandis que beaucoup de clubbings sont proposés dans différents lieux, autant de soirées qui affoleront certaines communautés (au risque toutefois d’exclure ceux qui ne se voient proposer rien d’autre). Dans l’espace public, la Biennale nous offre des pépites, de courtes formes dansées gratuites.

À ne pas rater : Cheb, un duo masculin de Filipe Lourenço sur les musiques traditionnelles du Maghreb et musiques populaires d’aujourd’hui, Woods/Bosque, une performance monumentale de la Brésilienne Clarice Lima où les corps deviennent forêts ou encore Rue, un solo percussif de Volmir Cordeiro, artiste brésilien découvert en juin aux Subs dans une pièce créée avec Robyn Orlin, sa présence est hallucinante !
Biennale de la danse – Du 6 au 28 septembre à Lyon et dans la région jusqu’au 17 octobre – Programme complet : labiennaledelyon.com
Pour ceux qui aime !
De là à faire un feu de joie avec les billets de banque, en dansant autour... 😀