Ce Lyonnais Rebelle à l'Intérieur

Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur serait au service de Nicolas Sarkozy candidat ? En tout cas, le Lyonnais Bruno Rebelle (lire portrait), ne se laisse pas faire. Entretien musclé.

Lyon Capitale : Conseiller pour l'environnement de Ségolène Royal, vous voilà star médiatique au cœur d'une grosse polémique.
Bruno Rebelle : Je suis plutôt dans la peau de quelqu'un qui fait l'objet d'une pratique tout à fait déplorable des R.G., très probablement initiée par l'équipe Sarkozy. Je porte plainte contre X pour atteinte à l'intimité de ma vie privée : les R.G. ont fait des recherches sur mon jugement de divorce. Ça dépasse les bornes dans un pays démocratique. C'est n'importe quoi !

Votre camp a donné l'impression de surjouer son indignation. Pour ranimer la campagne de Ségolène Royal qui bat de l'aile ?
Sarkozy utilise tous les moyens même les plus abjects pour tenter de destabiliser l'adversaire. La campagne de Ségolène ne bat pas de l'aile, elle surprend. Les décideurs politiques, y compris dans son propre camp, et aussi les journalistes. Personne n'est habitué à cette méthode où on écoute pour affiner ensuite les propositions. En tant que citoyen, je préfère ça, plutôt que de recevoir un jour dans ma boîte aux lettres un catalogue de propositions pour lesquelles je n'ai jamais été consulté.

Sa campagne est ponctuée de gaffes à répétition...
Qui s'intéresse aux bourdes, aux gaffes, aux incohérences de Sarkozy ? Dans la baie de Somme, un chasseur lui demande de mettre en l'air la loi littoral parce qu'il veut construire en dur pour tirer le canard. Sarkozy lui dit : "Bien sûr vous avez raison". 200 mètres plus loin, il rencontre des écologistes qui lui demandent de rester ferme sur la loi littoral. Et Sarkozy leur dit : "oui, bien sûr". S'il y avait une attention aussi rigoureuse sur monsieur Sarkozy, on trouverait énormément de choses ! Mais c'est sur Ségolène Royal qu'il y a un déferlement pour pister le mot de travers, des choses qui n'ont rien à voir avec le fond.

Le fond n'est pas très visible.
Vie chère, éducation, ordre juste et excellence environnementale. Vous verrez que dans quelques semaines il y aura un programme sur la table, fruit d'une consultation. En attendant, les médias se nourrissent des petites phrases. Je suis questionné en permanence sur la note des R.G. alors que je travaille sur le fond pour mettre l'excellence environnementale au cœur d'une politique publique. Ségolène Royal est authentique là-dessus. Qui nous questionne là dessus ?

On y vient. Dans l'entretien "grande gueule" que vous avez accordé en 2002 à Lyon Capitale, vous réclamiez la sortie du nucléaire sur 15 ans. C'est toujours d'actualité ?
A l'époque j'étais le porte-parole de Greenpeace. Aujourd'hui, je change de posture, pas de conviction. Mais je suis obligé de composer. L'idée défendue par Ségolène Royal est celle d'une réforme énergétique qui ferait passer d'ici 2012 de 80% à 50% la part de consommation nucléaire. Grâce aux économies d'énergie et au développement des énergies renouvelables. Ensuite, entre 2012 et 2014, on verra ce qu'il faut faire avec le gaz, le charbon, le nucléaire. Je reste personnellement convaincu qu'il est possible de conduire un scénario de sortie du nucléaire dans une échéance de 15 à 20 ans.

Tous les candidats parlent d'écologie. Comment Ségolène Royal va-t-elle faire la différence ?
L'écologie au moment des élections, c'est souvent le petit coup de peinture verte. Pour Ségolène, c'est réellement un axe du programme.
Si elle est venue me chercher c'est qu'elle avait envie d'aller loin. Elle connaissait mes positions. Le sujet important aujourd'hui c'est la lutte contre le réchauffement climatique et donc la réforme de la politique énergétique. En cascade, il faut mettre en cohérence toutes les politiques pour avoir une approche transversale du développement durable.

Royal a signé la charte de Nicolas Hulot prévoyant un vice-premier ministre à l'environnement. Feriez-vous l'affaire ?
S'il faut un "politique qui connaisse bien les rouages de l'Etat", je ne pense pas que je puisse faire l'affaire. Mais je ne suis pas là pour ça. J'apporte mon expertise, ma connaissance du sujet, du terrain, et ma connaissance des réseaux d'associations, d'industries et des acteurs politiques qui travaillent sur ces questions là. Je suis venu travailler à l'élaboration d'un projet présidentiel auprès de la candidate qui me paraît le mieux porter les valeurs et les idées que j'ai toujours défendues.

Vous êtes l'ancien directeur de Greenpeace. Vous travaillez aujourd'hui avec une candidate dont le propre frère a participé au sabotage du Rainbow Warrior sur ordre d'un Président avec qui elle travaillait à l'Elysée. Vous vous faites chambrer par vos copains ?
Pas du tout ! Et pardon, mais ce genre de question ne vole pas très très haut. Ça ne sert pas spécialement l'exercice journalistique et ça ne relève pas le niveau de la campagne.

Je comprends que vous le preniez mal, mais comment ne pas vous poser la question ?
Il y a un appareil d'Etat qui, en 1985, a pris la décision d'un acte particulièrement violent sur le Rainbow Warrior, un bateau de Greenpeace. J'ai un collègue de cette organisation qui est décédé à cause de cette bombe, Fernando Pereira. Ça été un vaste scandale politique, ça fait partie de l'Histoire de France. Mais tout le monde n'est pas responsable de tout. Mon père était exploitant forestier, il importait du bois d'Afrique. Il a donc contribué à la déforestation en Afrique. Est-ce pour ça que je ne devrais pas travailler à combattre la déforestation africaine ?

L'équipe de Ségolène paraît sur la défensive dans cette campagne.
Non, nous essayons d'expliquer que nous n'avons pas de solutions miracles, nous voulons écouter avant de proposer. Ça perturbe, on assume que ça perturbe mais le résultat c'est que notre programme sera meilleur que celui des autres candidats.

Portrait
Un vétérinaire allergique au poil, pas au pouvoir

Bruno Rebelle a toujours été convaincu qu'il serait ministre un jour. Il en a les qualités : force de conviction, autorité. C'est un gros bosseur. "On l'imaginerait bien patron d'une entreprise de quelques milliards d'euros" écrit Le Monde. Un genre de Bruno Bonnell de l'écologie... en moins souriant. Le fondateur de Vétérinaire Sans Frontières et celui d'Infogrames ont en commun d'être des battants et des vrais débatteurs, capables de retourner une salle.
Né à Annecy en 1958, Bruno Rebelle obtient son diplôme de vétérinaire à Lyon. Mais il part l'exercer dans le Vercors, pour aider les paysans. Il ne se voyait pas "soigner le chihuahua de la pharmacienne et le lévrier du maire". Son allergie aux poils y est peut-être aussi pour quelque chose... Il forge ses convictions
lors de plusieurs voyages en Amérique Latine. De ses rencontres avec les paysans des Andes, il fera un livre, La Terre n'est pas à vendre (Desclée, 2002). En 1983, il fonde Vétérinaire Sans Frontières, qui trouve à Lyon, grâce notamment à Charles Mérieux, un terreau propice pour se développer.
L'ONG fait parler d'elle au Sahel, quand pour lutter contre la sécheresse, elle apprend aux paysans à sécher leur viande. Rebelle se lie avec des figures militantes lyonnaises comme François-Xavier Verschave (Survie), ou Jean-Luc Cipière (Attac). VSF grandit vite, mais il en est chassé en 1997. Un peu comme Bernard Kouchner à MSF, il voulait rester très politique, alors que son ONG devenait plus technique.
Rebelle rebondit à la tête de Greenpeace France, qu'il réforme en profondeur. Malgré son CV de routard, soigneur de chèvres, militant humanitaire et écolo, il n'a rien d'un "rebelle" anarcho-libertaire. C'est un pragmatique. Pour faire gonfler les effectifs de Greenpeace, il embauche des jeunes, leur met des parkas vertes et les envoie dans les grandes rues commerçantes chercher de nouveaux adhérents. Les vieux militants se sont offusqués, mais la méthode paye : Greenpeace France a plus que triplé ses membres (65 000).
En 2003, Rebelle est bombardé n°2 de Greenpeace international. Il quitte alors Lyon pour s'installer aux Pays-Bas. Il revient en France trois ans plus tard, pour rejoindre l'équipe de Ségolène Royal. Mais c'est finalement l'histoire des RG qui le propulse au devant de la scène. Et fait de lui un "ministrable".

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