Marseille : l’énigme Gaudin

S’il semble acquis qu’il se présentera pour un nouveau mandat, le maire de Marseille brouille les cartes. Une question taraude les observateurs : Jean-Claude Gaudin est-il physiquement apte à se lancer dans la bataille ? Un sujet qui n’est plus tabou, même à droite.

On le dit fatigué, au bout du rouleau, lassé de cette interminable vie politique au cœur d’une ville épuisante ; certains n’hésitent pas à envisager un renoncement au dernier moment de cette figure de la vie politique.

Questionné voici quelques jours sur le “Talk” du Figaro, Jean-Claude Gaudin a pourtant levé une part d’incertitude, glissant qu’il sera “sans doute candidat à Marseille”. Un nouveau sondage dont les résultats seront connus dans les prochains jours devrait conforter la déclaration d’intention. Les “sparring partners” ne manquent pas. Les députés Guy Tessier et Dominique Tian se verraient bien porter les couleurs de la droite. Ils n’ont pas manqué de noter qu’en décembre dernier un autre sondage révélait que 59 % des Marseillais ne souhaitaient pas que Jean-Claude Gaudin se représente.

Un “bon vivant” fatigué…

Alors, l’éléphant de l’UMP brouille le signal. Il confie en aparté à qui veut l’entendre qu’il n’est pas sûr de partir au combat. Du coup, par son indécision, il coupe l’herbe sous le pied des prétendants potentiels. Apparu exténué au cours de l’hiver, l’édile âgé de 74 ans a bien des difficultés à traîner une évidente surcharge pondérale, fruit d’une hygiène de vie que l’on pourrait qualifier d’“aléatoire”. Le sénateur Bruno Gilles, qui l’accompagne fréquemment autour des meilleures tables de Neuilly quand le Marseillais rejoint la capitale, témoigne de son goût pour la “bonne bouffe française” : viande, volailles et meilleurs crus de Bordeaux. Gaudin est un bon vivant qui, à l’image de Churchill, n’a qu’une maxime : “No sport.”

… qui “va rester en retrait pendant la campagne”

Mais, pour l’ami et confident, il n’y a pas de doute : même fatigué, Gaudin sera bien à la pointe du combat. “Il est conscient de son vieillissement. Nous en avons discuté ensemble très souvent et il a bien réfléchi avant de se décider, le fait de ne pas le cacher, c’est même rassurant.” Son état-major a dressé un plan de bataille : “On ne va pas faire la campagne comme en 1995 ; physiquement, il n’en est pas capable. Gaudin va rester en retrait, il n’interviendra que sur l’événementiel. Huit généraux feront le boulot sur le terrain. On ne commettra pas l’erreur de 2008, celle d’être partis trop tôt.”

Les huit généraux en question sont les têtes de liste sur les huit secteurs de la ville, là où se joue l’élection face à des socialistes de leur côté divisés et minés par les affaires, sans oublier le trublion : le FN, qui devrait porter des coups sérieux à l’UMP. Il semble évident que la droite (comme du reste le Parti socialiste) ne pourra sortir de la bataille qu’avec – au mieux – une majorité très relative.

L’horizon du non-cumul

Le rusé Gaudin a décidé de jouer la montre pour tirer le meilleur parti d’une primaire socialiste programmée en octobre qui se présente comme une véritable nuit des longs couteaux, dans un contexte délétère généré par les affaires qui ont frappé le président du conseil général Jean-Noël Guérini et la députée Sylvie Andrieux. La bataille pour les municipales ressemble à bien des égards à une course à mort politique qui pourrait laisser quelques cadavres sur le carreau. Gaudin est également conscient qu’il lui sera difficile, même en cas de victoire, de tenir physiquement cet ultime mandat. Alors, l’UMP locale tire des plans sur la comète, envisage différents cas de figure, celui par exemple d’un passage de témoin à un adjoint en cours de mandature. Un passage de témoin qui pourrait s’accélérer en cas d’adoption de la loi sur le non-cumul, le sénateur Gaudin ne cachant pas sa préférence pour la haute assemblée. Médecin et vice-président de la communauté urbaine, le gaulliste social François Franceschi est l’un des plus farouches opposants du maire sortant. Il livre quant à lui un diagnostic inquiétant sur l’état du patient Gaudin : “Avec un homme dans un tel état physique, on entre dans le domaine vasculaire et, quand on y entre, tout est possible.”

L’écueil Muselier

Au-delà de ces mauvais augures, Gaudin doit également faire face à une autre menace, celle d’une candidature dissidente à droite de son ex-premier adjoint Renaud Muselier. Celui dont on connaît la proximité avec Bernard Tapie, de retour sur le sol marseillais, pourrait créer la surprise avec une liste ouverte susceptible de faire basculer les fragiles équilibres de la vie politique marseillaise. Aux dernières nouvelles, Muselier rentrerait dans le rang. Chouchouté comme jamais, il s’est vu proposer en compensation au cours d’un déjeuner à la mairie la tête de liste aux européennes.

Muselier calmé, reste à convaincre. Gaudin tient évidemment à se démarquer du Marseille pourri et de l’image détestable de l’affaire Guérini. “Ma gestion a toujours été sans affaire avec la justice”, clame-t-il pour s’en démarquer. La gestion, peut-être, mais les affaires, pas tout à fait… En 2003, Philippe Mazet, adjoint délégué aux emplacements, est incarcéré pour avoir encaissé des chèques volés en Andorre pour 1,3 million d’euros. Quelques années plus tôt, un autre conseiller municipal de la majorité, tombait pour “escroquerie”. Sans parler de la mise en cause de son directeur de cabinet et éminence grise, Claude Bertrand, dans des écoutes en marge de l’enquête sur la disparition en 2002 d’un proche, le “boss” du port autonome, Edmond Goubert, sur fond de relations mafieuses et de trafic de drogue. Finalement, celui que l’on baptise “maire bis”, qui fait tourner en coulisses la machine phocéenne, a bénéficié d’un non-lieu. À droite, on a respiré. Tout comme on respire devant l’enterrement judiciaire du dossier de l’incinérateur, qui évoquait, en marge de l’affaire Guérini, des versements de pots-de-vin à des élus UMP et PS…

Le seul véritable obstacle à la réélection de Jean-Claude Gaudin, ce pourrait être en fait Gaudin lui-même. S’il le décide.

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