Maritsa Boghossian, libraire volante, est l’invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Libraire depuis dix-huit ans, Maritsa Boghossian a choisi de poursuivre son métier sous une autre forme : celle de "libraire volante". Ce regard nomade sur le monde du livre lui permet d’observer de près les tendances de la rentrée littéraire, "un événement exceptionnel, unique en France et dans le monde".
Les coups de cœur d’une professionnelle
Parmi les 484 romans parus cette année, Maritsa Boghossian a retenu plusieurs pépites. D’abord L’Homme sous l’orage de Gaëlle Nohant (Éditions de l’Iconoclaste), "un roman passionnant sur fond de Première Guerre mondiale, à la fois documenté et romanesque". Puis L’Ami Louis de Sylvie Le Bihan (Éditions Denoël), "une très belle histoire d’amitié entre Albert Camus et Louis Guilloux". Enfin, Un frère de David Thomas (Éditions de l’Olivier), "un récit lumineux sur la maladie mentale et la fraternité". Et pour les lecteurs avides de découvertes plus exigeantes, elle recommande L’Entroubli de Thibault Daelman (Éditions du Tripode), "un objet littéraire non identifié, à l’écriture unique et bouleversante".
Plus de détails dans la vidéo :
La retranscription complète de l'émission avec Maritsa Boghossian :
Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler de littérature et de la rentrée littéraire, et pour en parler nous recevons Maritsa Boghossian, qui est libraire volante. Bonjour Maritsa Boghossian.
Bonjour Éloi.
Vous allez nous expliquer ce que c'est, une libraire volante, parce que c'est intéressant. Et peut-être, dans un premier temps, pourriez-vous nous dire votre sélection dans cette rentrée littéraire, qui est comme chaque année prolifique. Il y a 484 nouveaux romans, de nouveaux ouvrages à lire, c’est un peu plus encore que 2024, plus 5 %, j’ai regardé les chiffres. D’abord, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une libraire volante ?
Alors, une libraire volante, c’est une libraire qui se promène de librairie en librairie pour de très courtes missions. Moi, j’ai été libraire, j’ai eu ma librairie pendant 18 ans, et j’ai décidé de changer de rythme. J’adore ce métier, je voulais continuer, j’aime la rencontre avec les auteurs, les lecteurs et bien sûr les livres. Je voulais poursuivre ce métier sur un autre rythme, et donc je suis devenue ce qu’on appelle une libraire volante : je fais des petits remplacements dans la région lyonnaise. Tout à fait.
Alors, quelle est votre sélection justement, puisque vous avez ce regard large sur plusieurs librairies avec plusieurs sensibilités ? Qu’est-ce qu’on doit retenir parmi les immanquables ?
C’est vrai que la rentrée littéraire, chaque année, est un événement exceptionnel, vraiment unique en France. C’est une exception culturelle fabuleuse. Cette année, vous avez certainement entendu parler des grands livres de Emmanuel Carrère, Colcose, Laurent Mauvignier, La Maison vide, Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Sur mille édits... Il y en a énormément. Il y a aussi de grands auteurs étrangers : John Boyne, Ken Follett, Dan Brown.
Il faut pouvoir se faire conseiller, trouver son chemin. Quand on est auteur ou maison d’édition, on essaie désespérément d’avoir la meilleure place chez les libraires. Et nous, libraires, nous sommes là pour accompagner les lecteurs dans leur recherche. On commence à lire très tôt, dès avril ou mai, donc on a le temps de lire tout l’été, et à la fin août, on présente les premiers coups de cœur.
Au-delà des grands titres que j’évoquais, qui vont être sélectionnés pour les grands prix d’automne...
Les prix littéraires d’automne, justement. Mais vous essayez aussi d’être impartiale et de présenter vos coups de cœur. Vous en avez trois à nous faire découvrir. Le premier, c’est L’Homme sous l’orage de Gaëlle Nohant, publié aux Éditions de l’Iconoclaste. De quoi parle-t-il ?
Gaëlle Nohant, on la connaît bien ici à Lyon, c’est une autrice qui vit dans la région lyonnaise. L’Homme sous l’orage, c’est son nouveau roman, absolument passionnant.
C’est l’histoire d’un homme qui, un soir d’hiver en 1917, dans le sud-ouest, frappe à la porte d’un château sous la pluie. Il demande asile. La propriétaire du château le reconnaît et lui dit : « Je ne peux pas vous accueillir, c’est un déshonneur pour moi. » Nous sommes en pleine Première Guerre mondiale. Elle le renvoie.
Sa fille, très choquée par la réaction de sa mère, va l’accueillir en secret dans le grenier. C’est un jeune homme, ancien grand peintre, déserteur. C’est un roman très documenté sur la période, très romanesque, avec des personnages qui se déploient magnifiquement. C’est vraiment une lecture agréable et accessible.
C’est votre premier coup de cœur. On va un peu accélérer, parce qu’on arrive à la fin. Le deuxième ouvrage, c’est L’Ami Louis de Sylvie Le Bihan, publié aux Éditions Denoël.
C’est une très belle histoire d’une journaliste mandatée par Bernard Pivot pour faire un Spécial Camus. Cela se passe à la fin des années 1970. Cette jeune journaliste doit rencontrer les amis de Camus. Elle retrouve Louis Guilloux, grand auteur des années 1940-1950, qui a connu le succès mais jamais la reconnaissance qu’il méritait.
C’est aussi une très belle histoire d’amitié entre Camus et Louis Guilloux, que l’on découvre ici. Un très beau coup de cœur que je conseille à tous vos auditeurs.
Et une plongée dans le Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre, et même un peu dans le Luberon, vous nous l’aviez dit avant l’émission. Le dernier, c’est Un frère de David Thomas, publié aux Éditions de l’Olivier.
Un frère, c’est l’histoire du frère de l’auteur, atteint d’une maladie mentale, une schizophrénie très envahissante. C’est le récit de ce frère, de la façon dont David Thomas a vécu cette situation, comment cette maladie a empêché la proximité, les a éloignés, puis comment il l’a retrouvé et réhabilité. C’est un très beau roman, lumineux, qui aborde un sujet essentiel : la santé mentale et la façon dont les familles y font face.
C’est une question d’actualité. Et en quelques mots, ce n’était pas dans le contrat, mais il y en a un quatrième tout de même : L’Entroubli de Thibault Daelman, publié aux Éditions du Tripode. Vous me disiez que celui-ci est un peu plus difficile d’accès.
Oui, c’est plus exigeant, c’est un objet littéraire non identifié, avec une écriture absolument incroyable. L’auteur y raconte son enfance dans une famille un peu dysfonctionnelle, mais avec un style unique et étonnant. Vraiment, ne passez pas à côté : c’est une de ces petites pépites que les libraires peuvent dénicher, et celle-ci en fait partie.
Voilà, c’était donc L’Entroubli de Thibault Daelman, publié aux Éditions du Tripode. Merci beaucoup pour ces conseils. Quant à vous, merci d’avoir suivi cette émission. Vous retrouverez toutes les références et les titres sur le site lyoncapitale.fr. À très bientôt.