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Me Benbrahim et les trois bâtonniers

Pourquoi le procès de Tony Meilhon est-il renvoyé ?

La mobilisation des avocats dans l’ouest de la France a entraîné le renvoi du procès de Tony Meilhon devant la cour d’appel de Rennes. L’avocat de l'accusé, Me Benbrahim, l’a demandé suite à la grève des avocats. Un mouvement qui s’est durci lundi soir alors que le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a déposé son projet de réforme des professions réglementées – sans en avertir les barreaux.

Tout s’est fait très rapidement. Dans la soirée de lundi, Me Benbrahim a décidé de faire grève, en solidarité avec le mouvement des barreaux de Nantes, de Saint-Nazaire et de Rennes.

“L’arrogance de Macron”

Les bâtonniers ont en effet appelé à la grève totale des audiences. Un durcissement de la grogne provoqué par le dépôt du projet de réforme des professions réglementées auprès du Conseil d’Etat. "Le ministre de l’Economie s’est montré arrogant, dénonce le bâtonnier de Nantes. La profession n’a été avertie de ce dépôt qu’en milieu d’après-midi, alors que vendredi le ministère nous promettait d’y aller doucement." Les trois bâtonniers étaient d'ailleurs présents à la cour d’appel de Rennes pour soutenir dans sa démarche Me Benbrahim.

“Je ne veux pas que la parole de Jessica soit étouffée”

Car l’affaire Tony Meilhon est un dossier exceptionnel, tient à rappeler Me De Oliveira, l’avocate de Jessica Perrais. Le corps de sa sœur jumelle, Lætitia, a été retrouvé supplicié et démembré en 2011. L'avocate, par ailleurs élue municipale de la majorité à Nantes, respecte la décision de son confrère, car elle-même soutient ce mouvement. Mais elle a le devoir de représenter sa cliente. Dans un exposé saisissant, émouvant même, elle explique sa position : "J’étais prise d’un certain malaise. Dans ma solitude, j’ai regardé ma carte d’avocat. Et je ne souhaite pas que la voix de Jessica soit étouffée, cette fragilité particulière."

Finalement, les autres avocats de la partie civile ont affiché leur soutien à l’avocat de la défense, certains se déclarant solidaires de sa démarche. "J’ai expliqué à mon client que, si la loi passait, je ne pourrais plus assurer sa défense, explique l’avocate d'Alain Archer, l'oncle de Lætitia. Avec dignité, il m’a apporté son soutien."

Si la famille de la jeune Lætitia comprend le mouvement, le père de la jeune fille explique la difficulté d’attendre, à nouveau. "Jessica, en apprenant la nouvelle lundi soir, a beaucoup souffert, nous confie-t-il. Elle a souhaité se recueillir sur la tombe de sa sœur. Je l’ai emmenée au cimetière…"

Tony Meilhon respecte la décision de son avocat

En face, l'accusé est presque oublié, l'offensive des avocats prenant le pas sur son procès. L’homme, aujourd'hui âgé de 35 ans, est apparu à la barre le crâne rasé, portant un blouson bordeaux aux bandes blanches. Le visage rond, les yeux globuleux, n’a pas changé. La silhouette s’est même un peu épaissie.

Tony Meilhon paraissait presque à l’aise dans le box, écoutant les uns et les autres. Questionné par le président au sujet de son renvoi, il s’est expliqué : "Je suis venu pour être jugé une seconde fois. Je respecte la demande des avocats qui font grève, mais je n’ai pas demandé le renvoi. Je veux juste être bien défendu", a-t-il ajouté, comprenant parfaitement les enjeux de ce renvoi.

L’avocat général a, de son côté, fustigé la demande de renvoi, parlant d'“instrumentalisation de la justice”. Après un court moment de délibéré, le président Dary a finalement prononcé le renvoi de l’audience à une date ultérieure. Le procès ne devrait pas intervenir avant le second trimestre 2015, compte tenu du calendrier des audiences.

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