La place Bellecour de Lyon sous cloche (Fête des Lumières)

Quand Lyon se re(n)ferme sur lui-même

Où vont passer tous les automobilistes qui entrent dans Lyon chaque jour ? L'éditorial du rédacteur en chef de Lyon Capitale.

S’il fallait dater le début de la bataille contre la voiture à Lyon, on retiendrait le 2 janvier 1973, avec la mise en service des premiers parcmètres. Un drôle de cadeau de Noël pour les habitants qui découvrent, à intervalles rapprochés, des tiges d’acier surmontées d’une hydrocéphale tirelire vitrée.

Désormais, il faut payer pour pouvoir garer sa voiture dans la rue. Ni plus ni moins, les édiles remettent au goût du jour une sorte de dîme d’occupation de l’espace public. Si l’idée de départ est de tenter de faire en sorte que les automobilistes ne prennent plus leur voiture en les empêchant de s’arrêter, la manne financière qui en découle est loin d’être négligeable. Et les élus de se frotter les mains en comptant les espèces sonnantes et trébuchantes. Qui, aujourd’hui, rapportent entre 20 et 25 millions d’euros par an.

À l’époque, personne n’ose trop remettre en cause l’essor de la voiture. Les habitants demandent plutôt des aménagements assurant la tranquillité dans des espaces délimités. Bref, on écarte le trafic.

Cinquante ans plus tard, la mairie de Lyon continue sur cette lancée. Elle chasse la voiture, devenue sorcière, l’éloigne du centre, la repousse hors des confins de la ville. Dorénavant, les automobilistes sont priés de tourner (en bourrique) autour de Lyon, n’ayant plus le droit de mettre une roue dans la Presqu’île, sauf à montrer patte blanche.

Le sésame, à partir de 2025 ? Être résident ou personnel dûment autorisé (livreurs, taxis, secours, artisans…). Sinon, dehors ! La ZFE va se doubler d’une ZTL : faibles émissions et trafic limité.

"Oh la ville ainsi soit-il". Les écologistes n’ont rien inventé, ça se pratique déjà ailleurs.

Les Verts déclarent la guerre aux voitures, ostracisent les chauffeurs, sans aucune formalité. Purement et simplement. Absolument pas, rétorquent de concert les exécutifs écologistes (Ville et Métropole) : il ne s’agit pas d’un procès mais de “rééquilibrer l’espace public”. Sur le papier, quel Lyonnais serait contre ? Moins de pollution, moins de bruit…

Mais en toile de fond, il y a une réalité sociale : les inégalités. Qui continuent à se creuser. On constate une grande indifférence vis-à-vis des villes périphériques. Ils n’ont qu’à habiter en ville en même temps ! Dans les faits, on double la peine pour les plus modestes : qui ne peuvent pas se loger en ville, eu égard au prix du foncier, et donc demain ne pourront pas y venir non plus.

Où vont passer tous les automobilistes qui entrent dans Lyon chaque jour ? On a l’impression qu’il n’y a ni plan de circulation ni étude d’impact. Qu’on interdit le centre-ville sans réfléchir aux reports de circulation. Le président de la Métropole, Bruno Bernard, et le maire de Lyon, Grégory Doucet, envers et contre tout (et tous ?), comptent sur une évaporation du trafic. Pouf ! Les automobilistes finiront bien par se reporter sur un autre mode de transport.

Encore faut-il un réseau TCL maillé qui draine la périphérie. Et des parcs relais. Mais étant donné qu’aucun parking n’est prévu, les parcs saturés le seront toujours. CQFD. Bref, “rien” n’est fait pour inciter les automobilistes à laisser leur voiture.

On met Lyon sous cloche, un peu comme – tous les Lyonnais s’en souviennent – la statue de Louis XIV avait été enfermée dans une boule de neige lumineuse lors de la Fête des lumières en 2007. C’est beau mais captif.

C’est probablement dans le sens de l’histoire, la sortie des voitures de la ville. Mais finalement, on ne fait que disperser la pollution un peu plus loin. Les non Lyonnais avec. En voulant s’oxygéner, Lyon s’enferme et se cloître. Apartheid territorial.

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