Littérature : notre sélection

Alice Guy, Christophe Siébert et Tristan Garcia sont les trois auteurs de notre sélection livres

Céline Zufferey

Sur les traces d’Alice Guy, première metteuse en scène de l’histoire du cinéma

Alice Guy… Ce nom n’est pas, ou très peu, connu du grand public. C’est pourtant la première metteuse en scène du septième art. Secrétaire chez Gaumont, elle a la chance d’assister aux premiers films des frères Lumière.

C’est de là que vient sa vocation. Elle se met en tête de filmer quelques saynètes… Elle tournera ensuite plus d’une centaine de films (de très courts métrages, la technique encore balbutiante de l’époque ne permettait pas de réaliser des films de plus d’une poignée de minutes).

Beaucoup ont été malheureusement détruits, à cause du nitrate que contenaient les pellicules à cette époque, une matière hautement inflammable…

Dans son roman, précisément titré Nitrate, Céline Zufferey, jeune autrice suisse venue s’installer à Lyon, met en scène une monteuse, Constance, qui mène l’enquête sur Alice Guy. Elle veut réaliser, post mortem, le rêve de la pionnière du cinéma : tourner, à partir d’images d’archives, un film qui la montrerait au sommet du Mont-Blanc.

À la recherche des pellicules disparues, et tout particulièrement de Bataille de boules de neige, un film réalisé par Alice Guy en 1900, Constance fait connaissance avec différents collectionneurs.

Des personnages singuliers qui l’aident à accéder à des greniers ou entrepôts encombrés aussi bien qu’aux archives nationales, telle la cinémathèque française. Avec une écriture soutenue, à la fois juste et poétique, Céline Zufferey nous colle aux basques de son enquêtrice. Et nous amène à la découverte d’un monde disparu. Passionnant !

C. M.

Nitrate –Céline Zufferey, éditions Gallimard, 208 p., 19,5 €.


Christophe Siébert

Soviet pas suprême

Re-bienvenue à Mertvecgorod, mégapole fictive sise quelque part entre la Russie et l’Ukraine, quelque part dans l’ère post-soviétique, où la crasse semble avoir élu domicile et où le mal semble être la norme.

Une sorte de matérialisation de l’apocalypse qu’on nous promet, avec une violence tout ce qu’il y aurait de cinématographique si elle n’était si réaliste. C’est la troisième fois que Christophe Siébert pose sa plume dans cet enfer qu’il a mis au point avec un souci du détail qui ne peut par définition abriter que le diable et ses pires incarnations – quelque chose nous dit, à commencer par l’auteur lui-même, que ce n’est pas la dernière escapade dans ce coin du monde littéraire.

Ici, avec Valentina, on s’attache à une histoire moins vaste que dans Images de la fin du monde ou Feminicid. Ici, c’est l’histoire de cinq adolescents du début des années 2000 qui tuent le temps avant qu’il ne les tue – notamment en ingérant tout ce qu’il est possible d’ingérer et qui n’est pas recommandable. Jusqu’à l’assassinat de leur amie, Valentina, un mystérieux travesti, qui va les emmener encore plus bas.

Et c’est ce qu’il y a de bien dans la littérature de Siébert, qui livre encore un livre impressionnant : cette certitude, jamais voilée, que quand ses personnages touchent le fond, il va les aider à être des excavateurs d’eux-mêmes.

K. M.

Valentina – Christophe Siébert, éditions Au Diable Vauvert, 272 p., 21 €.


Vie de merde

On pourrait croire qu’il fallait être maso pour avoir adoré Âmes - Histoire de la souffrance, tome 1., 720 pages qui, en 2019, retraçaient sous la plume du romancier et philosophe Tristan Garcia (maître de conférences à Lyon 3) une certaine histoire de l’humanité (de la vie tout court, même) à travers ses seconds couteaux voués à la misère et à la souffrance, la vraie.

En réalité la chose était jouissive tant ce récit mythique était bien mené. Eh bien, bonne mauvaise nouvelle, la souffrance est de retour pour une deuxième dose avec Vie contre vie, pour le coup beaucoup plus court (16 pages en moins), qui nous emmène de Cordoue au XIe siècle à l’Angleterre du XVIIIe à la rencontre d’anonymes qui ne sont rien mais ramassent beaucoup (rien n’a changé en somme).

La narration est un régal, qui saute d’époque en époque, reliée par un fil rouge, si l’on ose dire, et l’érudition bluffante. Et pour se rassurer en comparant sa vie à ces funestes destinées, il n’y a pas mieux.

K. M.

Vie contre vie - Histoire de la souffrance II – Tristan Garcia, éditions Gallimard, 704 p., 25 €.

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