Sollacaro, la téléphonie au cœur de l’enquête

Des investigations autour de la moto utilisée lors de l’assassinat du ténor ajaccien sont à l’origine de la mise en examen et de l’incarcération hier de trois membres de l’équipe du Petit Bar. Des suspicions confortées par des investigations menées sur des téléphones portables.

Comme dans un petit jeu du chat et la souris, les magistrats de la JIRS de Marseille n’ont semble-t-il pas abattu toutes leurs cartes jeudi soir face aux trois membres de la bande du Petit bar soupçonnés d’avoir participé à l’assassinat d’Antoine Sollacaro. Pour l’heure, les trois suspects qui ont été mis en examen par le juge Christine Saunier-Ruellan sont mis en examen, pour deux d’entre eux – André Bacchiolelli et Mickaël Ettori – pour “assassinat en bande organisée” et pour Pascal Porri pour “recel”.

Ils ont tous trois été incarcérés. “Ce sont les investigations menées autour la moto qui justifient cette mise en examen, explique leur avocate. Mais cela repose sur de simples déclarations.” Selon Me Leslie Andrieu, le dossier tient essentiellement sur les propos de garagistes ajacciens. Ces derniers ont reconnu avoir eu en 2007 Bacchiolelli comme client. Ce motard confirmé aurait effectué des réparations sur une BMW 1200 GS comparable à celle retrouvée le 5 décembre dernier au fond d’un ravin près du village de Pila Canale.

Des vidéos de caméras de surveillance ont permis d’établir avec certitude qu’il s’agit bien de la moto utilisée par les tueurs qui a stoppé le 16 octobre dernier sur l’aire de la station Total de la Route des Sanguinaires. Ce matin-là, le passager de la moto est descendu avant de faire feu avec un pistolet de calibre 11,43 sur Antoine Sollacaro, qui se trouvait au volant de sa Porsche Boxter. Achetée en 2006 en Hongrie, la moto sera par la suite volée en 2007 à Ajaccio. Elle porte un signe caractéristique : l’absence de rétroviseur gauche.

Un scénario qui rappelle celui de l’assassinat du préfet Erignac

Mais, de source bien informée, il n’y a pas dans ce dossier que les déclarations des garagistes et les expertises menées sur la moto. L’analyse de relevés téléphoniques avec triangulation de bornes de mobiles aurait permis de confondre deux des trois suspects, dans un scénario qui n’est pas sans rappeler celui de l’assassinat du préfet Claude Erignac. Les expertises téléphoniques et la géolocalisation avaient en effet été déterminantes pour confondre les membres du commando du fameux Groupe des anonymes au soir du 6 février 1998.

Le cas de Pascal Porri est plus délicat. Ce dernier étant porteur au moment de l’assassinat d’un bracelet électronique, ce qui exclut sa présence sur les lieux. Mais il demeure suspect par fourniture de moyens ayant permis la commission du crime. Les trois suspects sont par ailleurs poursuivis pour “association de malfaiteurs”. Épuisé après 96 heures de garde à vue, le trio ne s’est guère exprimé jeudi devant le magistrat. Un interrogatoire des suspects sur le fond devrait intervenir dans les prochaines semaines. Pour la défense, ce dossier résulterait d’une sorte de “construction intellectuelle” qui place la bande du Petit Bar au cœur des suspicions.

Un clan fragilisé par la mort du “parrain”

Reste à mieux cerner la personnalité de ces trois hommes et leur intérêt dans l’élimination d’Antoine Sollacaro. “Il ne s’agit pas de trois hommes, mais d’un groupe d’une quinzaine d’individus qui ont décidé d’éliminer le clan Orsoni”, explique un enquêteur spécialisé. Il laisse entendre que d’autres personnes ont pu participer à la préparation de cet assassinat.

Après la mort du parrain de Corse du Sud Jean-Jé Colonna et l’élimination de ses fondés de pouvoir Jean-Claude Colonna et Ange-Toussaint Michelosi, le clan s’est retrouvé fragilisé, d’autant que plusieurs membres sont tombés entre les mailles du filet policier au cours d’une tentative d’assassinat avortée contre Alain Orsoni, en août 2008. Ce dernier vient tout juste de prendre ses fonctions de président du club de foot de l’AC Ajaccio. Pascal Porri, qui figure parmi les suspects, est condamné pour ces faits à six ans de prison ferme le 25 janvier 2011 par le tribunal correctionnel de Marseille. Il a manifestement bénéficié d’un aménagement de peine avec le port de ce bracelet électronique.

Le clan Colonna blessé et diminué, seule l’équipe du Petit Bar est à même de s’opposer à l’hégémonie du clan Orsoni sur la région ajaccienne. Il faut donc frapper à la tête l’un de ses plus proches amis, l’avocat Sollacaro, l’ancien compagnon de route de cette figure du nationalisme et surtout son précieux défenseur. Dans la foulée, on s’attaquera à l’emprise du clan Orsoni sur la chambre de commerce en éliminant en novembre son président, Jacques Nacer. Telle est la trame de l’accusation qui commence à cerner une à une ces redoutables épées de l’équipe du Petit Bar. En attendant l’épilogue, Alain Orsoni ne se déplace jamais sans sa voiture blindée.

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