"Quelques uns m'ont menacé de tout casser dans le bureau de vote lyonnais"

Une élection présidentielle forte de 23 candidats, qui mobilise le pays mais aussi les expatriés de cette petite République centrafricaine. Le Lyonnais Ike Aila-N'gouoni, président du Conseil gabonais de France, nous raconte les conditions d'un scrutin historique.

Lyon Capitale : Est-ce que l'élection s'organise aisément en France ?
Ike Aila N'gouoni : L'organisation s'est faite dans l'urgence. Et encore, la constitution prévoit normalement 45 jours pour élire un nouveau président. Une période qui a été allongée à 90 jours par la Cour constitutionnelle du pays. La mort d'Omar Bongo a surpris tout le monde, personne n'était préparé. Ces derniers mois, nous étions nombreux à découvrir le code électoral gabonais, c'est dire. Même ici en France, tout s'est fait dans la précipitation. Hier (jeudi), des Gabonais de Nantes et Poitiers ne savaient toujours pas dans quelle ville ils allaient voter. Deux jours avant le scrutin, c'est encore chaud. Toulouse compte 1000 Gabonais, et il n'y a pas de bureau de vote pour l'instant, ce qui les obligerait tous à faire le déplacement vers Bordeaux. Marseille en compte 200, et ils ont un lieu pour organiser le scrutin.

Les expatriés se mobilisent-ils plus que d'habitude ?
Oui. Les Gabonais sont à peu près 6000* en France, dont les trois quarts sont en âge de voter. Au pays comme ici, les jeunes sont très dynamiques. Leur utilisation d'Internet joue un rôle primordial. Pendant tellement longtemps, on leur a dit ce qu'il fallait faire, dire, penser. Et puis, on ne peut pas dire qu'il y avait de l'incertitude lors des élections précédentes. Maintenant, ils ne se privent plus, ils ont la sensation que leur vote peut faire pencher la balance. Des gens qui n'ont jamais voté s'intéressent à la politique. Plein d'associations ont été créées au Gabon pour que le scrutin soit clair et se passe sans heurt. Les gens veulent de la transparence, et ont parfois des réactions excessives. Par exemple, ils ne sont pas sur la liste électorale, et croient qu'on veut les empêcher de s'exprimer. Du coup, quelques uns m'ont menacé de tout casser dans le bureau de vote lyonnais. Mais ils aboient seulement, ils ne sont pas violents. C'est une situation nouvelle et les gens sont un peu paumés.

Y a-t-il de l'inquiétude sur l'issue du vote et ses conséquences ?
C'est un pays qui a été façonné par un seul homme. Lors des élections précédentes, une candidature de large consensus (sic) se démarquait des autres. J'ai 31 ans, et je n'ai jamais connu un autre président. Dimanche, nous participons à une élection à un tour avec 23 candidats, vous imaginez ce que ça peut provoquer comme tension ? Quoiqu'il arrive, ce sera difficile, nous avons une habitude de contestation. D'où un certain niveau d'inquiétude. On ne sait pas ce que peuvent faire les 22 perdants. Le jour du vote, nos pensées iront vers nos familles qui vivent au Gabon. Mes parents et mes grands-parents sont là-bas, et ont déjà fait des réserves de nourriture en prévision d'un conflit. Mais je suis d'un naturel optimiste, je pense que le pays va changer, et qu'il y aura des opportunités pour tout le monde.

Recueilli par Manuel Desbois

* Le Gabon compte 1 500 000 habitants, dont 813 000 personnes inscrites sur les listes électorales.

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