Manif pour tous : Frigide Barjot la démago

Autant le concéder tout de suite, j’ai toujours eu un drôle de ressenti vis-à-vis de “Frigide Barjot”, dont le personnage, tel un diablotin rose fluo sorti de sa boîte, me semble grotesque, un rien vulgaire et factice dans son opposition au “mariage pour tous”. En effet, s’il m’est arrivé de combattre, dans Lyon Capitale, un certain nombre de positions gouvernementales qui me paraissaient dangereuses parce que insuffisamment réfléchies – uniquement d’ailleurs pour ce qui concerne le droit des enfants –, je ne peux que combattre avec la même ardeur la démagogie de plus en plus criante de la porte-parole de la “Manif pour tous”, qui vire à l’homophobie farcesque. Ce débat est subtil et complexe : il a besoin de sérénité, pas de boucs émissaires, ni de simplification extrême. Ce qui au fond est la même chose.

Ce devait être LA grande manif, l’apothéose sur les Champs-Élysées le 24 mars et le triomphe de Frigide Barjot sur toutes les chaînes de télé. Sauf que la préfecture de police de Paris a refusé d’accorder la fameuse autorisation de manifester, invoquant des raisons d’ordre public. “La proximité géographique de plusieurs institutions sensibles exclut la tenue de toute manifestation revendicative sur la place de l’Étoile, les Champs-Élysées et la place de la Concorde, a fortiori dans le cadre du niveau rouge renforcé du plan Vigipirate actuellement en vigueur”, écrit ainsi la préfecture dans un communiqué, ce qui peut tout à fait se comprendre et facilement se justifier.

Refus d’un parcours alternatif

La “Manif pour tous” a réagi en début d’après-midi via son compte Twitter, en estimant que “la liberté d’expression [était] une nouvelle fois bafouée”. C’eût été vrai si la préfecture venait juste d’interdire cette manifestation, prévue de longue date. Or, cette interdiction a été officiellement signifiée aux organisateurs dès le 22 février, le préfet de police les ayant même invités à entrer de nouveau en contact avec ses services pour étudier des parcours alternatifs. Début février, lors d’une réunion, les responsables de la “Manif pour tous” avaient déjà indiqué, selon la préfecture, que les “propositions de parcours alternatifs ne recueillaient pas leur assentiment” et qu’ils avaient, à cette occasion, fait “connaître leur intention de maintenir leur appel initial”. Toutefois, la police “reste disposée à poursuivre les échanges en vue de la définition de tout autre parcours permettant de concilier liberté d’expression et préservation de l’ordre public”, conclut le communiqué.

Symboles républicains contre cosmogonie de bazar

“On veut au moins partir en haut des Champs-Élysées. On veut un lieu symbolique qui permette aux Français et au Gouvernement de voir que nous existons en masse”, a expliqué à Reuters Frigide Barjot. Des lieux symboliques, la France et Paris n’en manquent pas. La République, la Nation, Bastille… Autant de places chargées d’histoire et tout à fait indiquées pour faire passer un message aux plus hautes autorités de l’État. Car, en matière de symbole, il convient de le rappeler, les Champs-Élysées sont, dans la mythologie grecque, le lieu des Enfers où les héros et les gens exceptionnels de vertu se reposent après leur mort. Ici et maintenant, c’est-à-dire pour les affaires terrestres, c’est-à-dire pour les affaires républicaines, c’est-à-dire au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, nul n’interdit la “Manif pour tous” et nul ne bafoue non plus la liberté d’expression. Pour le reste, l’élection du nouveau pape François devrait inciter Frigide Barjot à un peu plus d’humilité.

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