Lyon Grand Hôtel-Dieu : ces projets oubliés qui pourraient ressortir

Dans leur présentation au concours pour la rénovation du Grand Hôtel-Dieu, plusieurs architectes avaient planché sur des projets plus ou moins insolites d'esplanade sur le quai, côté Rhône. Vous ne les verrez (probablement) jamais.

Les Jardins du Rhône - Jérôme Vital-Durand

Jérôme Vital-Durand est un architecte d'intérieur et paysagiste qui a participé à de nombreuses réalisations contemporaines, tels l'ambassade de France en Malaisie, les jardins de Septen à Lyon, ou encore la restauration d'anciens bâtiments comme le château de la Chaize, dans le Beaujolais et les grands travaux de rénovation de l'Hôtel de Ville de Lyon, à l'occasion du sommet du G7, en juin 1996.

A la toute fin des années 1990, Raymond Barre, alors maire de la ville, avait demandé à Jérôme Vital-Durand - dont il avait apprécié "le travail remarquable" à l'Hôtel de Ville quelques années plus tôt - d'esquisser un projet d'immense jardin devant l'Hôtel-Dieu (au sujet duquel il disait que ce serait l'un des grands chantiers de la ville à venir). A savoir une esplanade de 325 mètres de long sur une centaine de mètres de large, au ras de la façade Soufflot jusqu'au mur de soutènement du quai Jules Courmont.

L'architecte a pensé deux études, basées sur le même canevas. L'une d'entre elles propose un jardin à la française, dans l'esprit de l'Hôtel-Dieu. La seconde prévoit des  plantations et des bosquets rayonnants autour de la perspective du Grand Dôme.

Le principe commun aux deux projets, c'est cette esplanade démesurée, au centre de laquelle s'étire un bassin surdimensionné, et dans lequel se serait refléter le Grand Dôme de Soufflot. Ce grand jardin est agrandi par une terrasse sur pilotis semi-circulaire d'environ 500 m2, dans la perspective de l'immense coupole. Une double descente d'escaliers mène au fleuve.

Le résultat est une sublime échappée qui fait porter le regard vers le Rhône et la Guillotière.

Pour pouvoir aménager cette esplanade, Jérôme Vital-Durand prévoyait une couverture de l'axe Nord-Sud, de la rue Childebert jusqu'au Sofitel. En somme, il prolonge la trémie du quai Jules Courmont jusqu'à la rue Childebert. Deux parkings seraient créés : un parking Nord-Sud avec accès de service pour les bâtiments et un parking Sud/Nord avec accès pour les cars de tourisme sous la grande terrasse sur pilotis. Un ponton d'ancrage des bateaux était également projeté.

"J'ai présenté mon projet à Gérard Collomb qui l'a démonté de A à Z, explique à Lyon Capitale Jérôme Vital-Durand, alors que son adjoint à l'urbanisme, Gilles Buna s'était dit intellectuellement séduit et que toute la ville applaudissait. Ça aurait été à l'image du parc du Luxembourg ou du palais Royal, jardins de ville qui mettent en valeur de prestigieux monuments".

Halte fluviale et parvis piétonnier - Albert Constantin

Si Albert Constantin et Claire Bertrand (AIA associés) - avec Didier Repellin, architecte en chef des Monuments historiques - ont été chargés de la mise en valeur du Grand Hôtel-Dieu, de ses cours et de ses jardins, il n'en reste pas moins que leur proposition d'un parvis piétonnier menant à une halte fluviale sur le Rhône n'a pas été retenue.

En 2016, Denis Broliquier, maire du 2e arrondissement, s'était ému dans une intervention à la métropole, de l'abandon du projet : "l’aménagement du parvis du quai Jules Courmont (...) Vous nous rassurez en annonçant un aménagement de qualité… Une vraie lapalissade compte-tenu de la qualité architecturale et environnementale du lieu. On est bien loin des belles images vendues lors des précédentes campagnes illustrant un axe nord sud enterré et un accès piéton ouvert sur le Rhône et sur une halte fluviale."

Sur le projet présenté lors du concours de rénovation de l'Hôtel-Dieu, Albert Constantin et AIA avaient prévu une liaison directe entre l'Hôtel-Dieu et le Rhône, qui se terminait par  de larges escaliers donnant sur une halte fluviale. L'idée : que les touristes (mais pas que) puissent accoster devant l'Hôtel-Dieu, traverser l'axe Nord-Sud pour rentrer directement par le majestueux Grand Dôme de Soufflot. Contrairement au projet de Jérôme Vital-Durand, Albert Constantin et Claire Bertrand n'enterraient pas la circulation. Au contraire, il la remettait en surface en comblant la trémie existante. Le boulevard urbain aurait été remis à niveau, le parvis piétonnier légèrement surélevé, avec une circulation apaisée. Comme rue Garibaldi, dans le 3e arrondissement, , où la métropole de Lyon a supprimé la trémie de 800 mètres de long en la comblant pour un coût de 25 millions d'euros (31250 euros du mètre) : la balafre urbaine a disparu et les véhicules roulent moins vite. A l'époque, le président de la métropole, David Kimelfeld, avait commenté : "la transformation de ce qui était une véritable autoroute en cœur de ville en un boulevard urbain lumineux et végétalisé a totalement transformé le visage du quartier. La volonté politique permet d’accomplir ce que certains pensaient impossible : partager l’espace public de façon harmonieuse en incluant plutôt qu’en excluant." 

Contre-feu des services de la voirie

En tous cas, concernant le projet d'Albert Constantin et Claire Bertrand, les services de la voirie ont expliqué à Gérard Collomb qu'il était risqué, à la limite du dangereux, du fait de la vitesse des 40 000 à 45 000 automobilistes. Résultat : aux oubliettes.  "Historiquement, il y a toujours eu un passage qui allait de l'Hôtel-Dieu jusqu'au Rhône" regrette  Albert Constantin. Sur la vidéo de présentation du projet global du Grand Hôtel-Dieu (voire ci-dessous), on voit bien le parvis piétonnier, la halte fluviale et un recouvrement partiel de la trémie.

En attendant, lundi dernier, à l'occasion de l'inauguration des Halles du Grand Hôtel-Dieu - qui donnent directement sur le quai Jules Courmont - et en l'absence de Gérard Collomb, David Kimelfeld s'était fendu d'un message politique, relançant ce vieux projet lyonnais (qui date du milieu des années 80).

Lire aussi : Grand Hôtel-Dieu Lyon : l'urgence d'une esplanade et d'une halte fluviale.

"Demain, il faudra imaginer qu'on recouvre cette trémie, pour ne plus avoir ces voitures qui passent au-dessus, mais en-dessous, et ainsi avoir une belle esplanade qui nous permette de retrouver l'Hôtel-Dieu d'antan. Il faudra des moyens et de la volonté politique."  De l'avis du fin connaisseur du dossier, "Collomb ne va certainement pas laisser passer ça ! Imaginez, David Kimelfeld qui vient dans la ville de Collomb, en déplacement aux Emirats Arabes Unis, pour lui dire ce qui serait bien pour sa ville et décider à sa place. C'est éminemment politique ce dossier d'esplanade du Grand Hôtel-Dieu". 

Une chose est sûre et les politiques ne peuvent pas être sourds à ces commentaires : le Grand Hôtel-Dieu de Lyon se retrouve face à la réalité des usages. L'absence de parvis côté Rhône se fait de plus en plus remarquer.

 

Grand Hôtel-Dieu Lyon : l'urgence d'une esplanade et d'une halte fluviale

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