Fillon III ou le début de la campagne présidentielle

Le gouvernement Fillon III est enfin constitué. Certes, le Premier ministre reconduit voit sa légitimité renforcée, tout au moins dans l’opinion. Pour autant, c’est un gouvernement très politique, dont le rôle principal -voire unique- sera d’assurer la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012.

A l’extérieur, Fillon aurait pu devenir une sérieuse menace. Dans le nouveau dispositif, il gèrera les affaires courantes -il n’y aura plus aucune réforme de fond- et la politique intérieure. Tout en assurant, en parfait accord avec l’Elysée, la cohérence de la campagne et la montée en puissance du candidat. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy tentera d'adopter une véritable stature présidentielle, notamment en assurant la présidence du G20 durant un an.

On en revient en apparence à une pratique plus conforme à l’esprit de la Ve République : un président moins dans le détail et un Premier ministre qui gouverne. C’est néanmoins une vision en trompe-l’œil. "Les empêcheurs de tourner en rond" renvoyés sur fond de psychodrame savamment orchestré, Nicolas Sarkozy ne s’appuiera désormais que sur des affidés sans le moindre état d’âme et reste plus que jamais à la manœuvre. Exit donc les poids plume et tous ceux qui avaient exprimé des réserves ou fait entendre une petite musique différente. L’ouverture a vécu. Pour les dix-huit mois qui viennent, ce sera désormais : "Un pour tous, tous pour Sarko."

Il était temps en effet pour Nicolas Sarkozy de reprendre la main, de mettre tout le monde au garde à vous et en ordre de bataille, au service de sa réélection. Et il le fait comme à son habitude à la hussarde, après avoir entretenu quatre mois durant un vrai-faux suspense. Fillon à Matignon (Sarkozy n’est pas son "mentor" mais lui n’est plus son "collaborateur"), Copé à la tête de l’UMP (il passe donc vraiment son tour et "se réserve pour 2017"), DSK au FMI (sur lequel Sarkozy a choisi de s’appuyer pour le G20, un deal entre les deux hommes ?) et Juppé qui signe son retour en tant que numéro deux, maintenant qu’il n’a définitivement plus les moyens d’être numéro un. Quant aux centristes, ils se feront surtout entendre à l’extérieur… à l’exception notable de Michel Mercier, propulsé au cœur du dispositif sarkozyste (lire par ailleurs : Michel Mercier à la justice malgré l'affaire Rhônexpress).

En procédant ainsi, c’est-à-dire "à droite toute" avec une équipe assez resserrée de politiciens professionnels, Nicolas Sarkozy réduit fortement son assise électorale. Sa qualification pour le second tour de la présidentielle dépendra à la fois du score de Marine Le Pen pour le FN et de celui d’Eva Joly, probable candidate d’Europe Ecologie-Les Verts, qui risque quant à elle de pénaliser lourdement le candidat du Parti socialiste. Quant au centre (ou ce qu’il en reste) il tentera de se reformer et d’exister, mais ce sera plus difficile, tant les égos sont forts, les candidats nombreux et les inimitiés profondes.

Le futur dira si Nicolas Sarkozy a vu juste. Nous sommes assez loin du "virage social" annoncé juste après la réforme des retraites. Mais les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent et cela "le candidat Sarko" le sait mieux que quiconque. Pour lui, la fin justifie les moyens : ce qu’il veut, c’est gagner en 2012. Au moins, la feuille de route de chaque ministre sera claire. Reste à savoir si les Français suivront et s’ils privilégieront le bilan. Ou si, comme souvent, ils se laisseront séduire par les slogans de campagne. Après tout, c’est quelqu’un qui l’a dit : "Ensemble, tout devient possible." Mais l'aimeront-ils encore ?

Didier Maïsto, directeur de la publication

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