Double Sarko

Entretiens exclusifs avec Nicolas Sarkozy et François Hollande

DOSSIER PRÉSIDENTIELLE – À la une du mensuel de mai, un dossier Élection de 26 pages : entretiens avec les deux candidats au 2nd tour, comparaison de leurs programmes sur 6 grands thèmes, analyse des résultats du 1er tour dans le Rhône et projections pour les législatives.

Au lendemain du premier tour, Lyon Capitale a confronté Nicolas Sarkozy et François Hollande aux questions de 11 Français indécis. Le candidat socialiste et favori de l’élection développe ses mesures en précisant d’emblée : “Je me refuse à envisager l’austérité comme une fatalité.” Le président sortant avance lui son bilan et ses propositions pour 2012, mais il s’attache aussi et surtout à démonter l’argumentaire de François Hollande, qu’il va jusqu’à qualifier de “dangereux”. Extraits.

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La question de Dimitri, 21 ans, chargé de clientèle, à Paris : Dans mon entreprise, les heures supplémentaires ne sont pas payées, mais mises sur un compteur d’heures. Travailler plus pour gagner plus, ça me plaisait comme idée, mais ça ne me concerne pas. Si vous êtes réélu, est-ce que vous pourrez obliger les entreprises à payer les heures supplémentaires ?

La réponse de Nicolas Sarkozy : (…) Nos entreprises et nos services publics ne finissent pas de payer les conséquences de la mise en place des 35 heures. Ce faisant, on a mis gravement en danger la compétitivité de nos entreprises et le financement de notre modèle social, avec de moins en moins d’heures travaillées pour financer de plus en plus d’heures non travaillées. Il suffit d’y réfléchir trente secondes pour comprendre que cela ne peut pas marcher. Cette vérité, la gauche ne veut pas la voir, je ne cesserai de la rappeler.

Abdessamad, 35 ans, professeur, à Villeurbanne (69) : Les fins de mois sont de plus en plus difficiles pour les classes moyennes. Vos réformes fiscales m’amènent à payer plus d’impôts. L’ISF, lui, a baissé. Vous vous êtes penché sur les classes les plus aisées. Aujourd’hui, j’ai l’impression de payer plein pot sur tout, je ne perçois aucune aide. L’instauration de la TVA sociale ne va pas arranger ma situation. Comment pouvez-vous nous assurer de ne pas être déclassés ?

N.S. : (…) Pour être juste, je propose également de baisser les cotisations salariales sur les bas salaires, en contrepartie de la suppression de niches sur la fiscalité des dividendes et d’une réforme de la PPE. Cela concernera tous les salariés rémunérés entre 1 et 1,3 SMIC. Pour un salarié rémunéré au niveau du SMIC, cela représentera un gain brut de 1 000 euros par an. Mon projet politique, c’est le travail. La France ne peut s’en sortir que par le travail, mais elle va s’en sortir grâce au travail, j’en suis sûr. (…)

Sophie, 56 ans, chômeuse, à Vannes (56) : Je suis au chômage depuis trois ans et, malgré deux formations et une reconversion, je ne trouve pas d’emploi ou alors des contrats avec peu d’heures. Ce que je gagne en travaillant m’est déduit du RSA. Cette situation ne m’encourage pas à travailler. Serait-il possible de valoriser ceux qui cherchent à travailler mais ne trouvent que des petits contrats ?

N.S. : Le RSA est un système qui permet justement de ne pas perdre d’argent quand on reprend un travail. On peut sans doute améliorer le dispositif, mais vous gagnez néanmoins plus en travaillant avec une partie de RSA qui vous est laissée, que si vous aviez seulement le RSA. Au-delà de cela, le grand paradoxe de la France des trente dernières années, c’est qu’en faisant le choix de travailler moins (35 heures, retraite à 60 ans), elle a aggravé le chômage. La solution au chômage, c’est de travailler plus, pour que nos entreprises soient plus compétitives, pour qu’il y ait plus de besoins à satisfaire, pour qu’il y ait plus de création de richesses en France. (…)

Carole, 64 ans, à la retraite, à Angoisse (24) : Lorsque ma mère a dû être placée en maison de retraite, mon père a été contraint de vendre sa maison pour payer les frais de santé. Je l’ai donc hébergé. Pour éviter de peser sur mes enfants dans quelques années, je continue à travailler pour avoir une meilleure retraite, et je me serre la ceinture. Comment pensez-vous garantir une retraite et une fin de vie digne à des gens qui ont travaillé toute leur vie ?

N.S. : (…) Sur la dépendance, croyez bien que je me désole que nous n’ayons pas pu faire cette réforme au cours du premier quinquennat. Je sais le reste à charge qui pèse sur les familles, je sais l’inquiétude pour les enfants, surtout les femmes, qui sont en première ligne pour s’occuper de leurs vieux parents. L’état de nos finances ne nous permettait pas de faire la réforme, c’eût été totalement irresponsable. Nous n’allons pas financer la prise en charge de la dépendance par de l’endettement sur les générations futures. Je m’y refuse absolument. (…)

Richard, 49 ans, invalide, à Saint-Raphaël (83) : Je suis à la recherche d’un emploi, et il est très difficile d’avoir accès à des formations. J’ai vu que vous vouliez les favoriser. Où trouverez-vous l’argent pour financer cette mesure, qui va coûter cher ? Pourquoi avoir attendu cinq ans avant de promouvoir les formations pour les chômeurs ?

N.S. : (…) Pourquoi ne l’ai-je pas fait avant ? Parce que j’ai fait la réforme du service minimum, la réforme des universités, la réforme des régimes spéciaux de retraite, la réforme du régime général, le Grenelle de l’environnement, la réforme des ports, la réforme de l’autoentrepreneur, la réforme des collectivités territoriales, la réforme des investissements d’avenir, etc. Je n’ai pas pu tout faire, je l’avoue. (…)

Antoine, 66 ans, retraité, à Nice : Vous aviez annoncé votre désir de faire baisser la délinquance dans les quartiers. Aujourd’hui, ce sont toujours des zones de non-droit. Les armes prolifèrent dans les banlieues. Comment comptez-vous régler la situation dans les quartiers ?

N.S. : La sécurité des Français est une lutte que je mène avec détermination depuis dix ans. Il y a aujourd’hui 680 000 victimes de moins par an que sous la gauche. Ces résultats sont le fruit d’une action sans précédent de nos forces de sécurité et du renforcement vigoureux de notre arsenal pénal. Ainsi, 37 000 peines planchers ont été prononcées contre les récidivistes depuis 2007. La délinquance a baissé de presque 20 % en dix ans, elle avait augmenté de quasiment 20 % en cinq ans sous le gouvernement de M. Jospin. (…)

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La question d’Éric, 45 ans, au chômage, à Nice : Les impôts et les taxes récupérés par l’État ne couvrent pas les intérêts de notre dette. Dans ces conditions, le défaut de paiement est à craindre, et les plans d’austérité abordés ne semblent pas suffisants pour régler nos problèmes de déficit public. Quand aura lieu le prochain plan de rigueur, et quelle en sera la teneur ? Comment l’État peut-il arrêter de vivre au-dessus de ses moyens ?

La réponse de François Hollande : Je me refuse à envisager l’austérité comme une fatalité. Rien ne sera possible, évidemment, sans une maîtrise de nos déficits. J’insiste sur ce point : j’ai été le premier, dans cette élection, à insister sur la nécessaire réduction de la dette. Cela passera notamment par la maîtrise des dépenses publiques et par l’augmentation de la contribution des plus aisés. Mais l’austérité seule ne permettra pas le redressement. (…)

Claude, 38 ans, fonctionnaire, à Metz : Les politiques semblent n’avoir aucun pouvoir sur les grands groupes et le monde de la finance. Comment comptez-vous réimposer un rapport de force à notre avantage ?

F.H. : (…) Je veux être très clair : seront favorisées – notamment fiscalement – les entreprises qui investissent et créent de l’emploi en France. Celles qui délocalisent devront par ailleurs rembourser les aides perçues. J’ajoute enfin avoir déposé une proposition de loi qui oblige une entreprise à céder à la concurrence un site qu’elle ne souhaite plus exploiter, plutôt que de le laisser dépérir. Je note que le Gouvernement a rejeté cette proposition.

Thierry, 45 ans, agent de police municipale, à Liverdun (54) : Je crois en la police de proximité mais pas dans un rapport qui soit uniquement “social”. La répression est selon moi essentielle. La petite délinquance est en augmentation constante et provoque le ras-le-bol des gens. Les délinquants sont rarement condamnés et les peines peu souvent exécutées. Comment espérez-vous ramener de la sécurité dans les zones sensibles ?

F.H. : Je propose une politique de sécurité globale, ferme, efficace et juste. Dans les zones sensibles, nous rétablirons la sécurité en créant des zones de sécurité prioritaires où les forces de sécurité travailleront avec tous les acteurs (éducation, justice, associations...) pour rétablir l’ordre républicain et substituer la force de la loi à la loi du plus fort. Il faudra aussi renforcer la présence humaine sur le terrain et recréer le lien de confiance entre les citoyens et leur police. Ce sera le rôle de la police de proximité, qui permettra aussi par sa connaissance des habitants d’identifier plus facilement les petits délinquants. (…)

Jean-Noël, 51 ans, agent d’affrètement, à Chanas (38) : Le monde de la finance a pris le contrôle sur l’économie. Ils nous mettent à plat ventre. Quelles règles comptez-vous mettre en place pour moraliser le monde de la finance ? Comment réduire leur influence sur la vie économique française ?

F.H. : (…) Je l’ai dit : je veux que l’argent retrouve sa place, qui n’est certainement pas celle d’un maître. Nous engagerons donc un grand mouvement d’encadrement de la sphère financière : interdiction des produits spéculatifs les plus dangereux, séparation des activités de spéculation des activités de dépôt et de financement des particuliers et entreprises, interdiction des bonus et de l’exercice dans les paradis fiscaux... J’ajoute que ma proposition d’imposition spécifique à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros par an relève de cette même logique, qui appelle à la décence dans une période de crise. Je souhaite également porter ce combat au niveau européen, notamment à travers la création d’une taxe sur les transactions financières.

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L’intégralité des questions posées et des réponses de Nicolas Sarkozy et François Hollande est à lire dans Lyon Capitale le mensuel de mai, en vente en kiosque jusqu’au 24 mai et dans notre boutique en ligne.

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