Baron Noir

Culture à la maison : notre sélection séries durant le confinement

La culture à la maison. La période est propice à emprunter des chemins de traverse pour accéder à la culture sans sortir de chez soi. A l'image des séries. Sélection.

 

Baron Noir

d’Éric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon

Il est établi que les séries ont tendance à s’essouffler avec le temps. Ce n’est pas le cas de certaines créations originales de Canal+ comme Engrenages, Le Bureau des Légendes ou Baron Noir. Grâce notamment à un Kad Merad impressionnant dont le potentiel comique, utilisé à fort bon escient, ne fait que rajouter à l’épaisseur et au charisme de son personnage : Philippe Rickwaert, un politicien de l’ombre, version nordiste de Machiavel qui intrigue pour gagner le pouvoir. Et il faut bien avouer qu’il part de loin. On se souvient que Rickwaert avait terminé la saison 1 en prison, la saison 2 décortiquant son retour et sa lente ré-ascension. La saison 3 qui vient de s’achever va encore plus loin. Elle se déroule pendant la campagne des présidentielles dans un contexte familier : un pouvoir crypto-macronien englué dans les retournements de veste et les bad buzz, et un PS en totale décomposition. La série brille par les incessants retournements d’une intrigue qui suit le jeu des alliances et des stratégies politiques souvent avortées mais toujours recommencées. Et ce qui fait son sel tient surtout dans le fait qu’elle se déroule quasi exclusivement dans les coulisses du pouvoir, celles que l’on devine mais ne voit pas. On passera donc sur quelques menus défauts : une tendance à abuser des plans serrés sur la trogne hargneuse de Merad/Rickwaert et des dialogues parfois “sur-écrits” et indigestes. Car l’ensemble est hautement addictif.

En VOD.

 

Validé

de Franck Gastambide

Baron Noir achevée, les amateurs de créations originales attendaient, à juste titre, ZeroZeroZero la série adaptée d’une enquête de l’auteur et journaliste italien Roberto Saviano sur les dessous du trafic mondial de cocaïne. Mais la bonne surprise vient également de la création de Franck Gastambide (Les Kaïra et euh... Taxi 5) pour sa première réalisation sérieuse : Validé. Où l’on suit l’ascension d’un jeune galérien de cité, Clément, dealer pour combler les défaillances d’un père envolé mais surtout rappeur de génie. Quand il finit par percer aux dépens de la star du moment, un rien déséquilibrée, Mastar (sorte d’hybride Booba/Kaaris), une tempête de merde tombe sur la tête d’Apash, c’est son blase, peu décidé à se laisser abattre. Les forces de cette série très réaliste : une connaissance approfondie de ses sujets, la banlieue et le rap (où Gastambide a commencé par officier dans les clips comme… maître-chien), une flopée d’acteurs débutants (le trio de pieds nickelés formés par Clément/Apash et ses deux potes William et Brahim – qui rêve de passer chez Hanouna pour y promouvoir sa maîtrise des accents algériens et tunisiens – est impeccable dans tous les registres) et les featurings de vraies pointures du milieu (Busta Flex, Kool Shen, Soprano, Ninho…). On peut se désintéresser totalement de ce milieu aussi drôle qu’effrayant (dont le système hiérarchique semble calqué en tout point sur celui du trafic de drogue) et se laisser attraper. Si l’on est fan de rap, alors là, on valide mille fois.

Actuellement sur Canal+ et Mycanal.

 

Vikings

de Michael Hirst

Oubliez Game of Thrones (de toute façon, la série est achevée), pensez Vikings. Ici pas de dragon ni de touche fantastique (encore que) mais un réalisme tranchant et jamais ramenard qui nous ferait presque ressentir la dureté et la cruauté de la Scandinavie du Xe siècle. La série avait commencé avec les premiers exploits et conquêtes de Ragnar Lothbrock, héros des sagas scandinaves, et d’une poignée de grognards et de guerrières (à quelques-uns ils colonisent une partie de la Bretagne (anglaise), découvrent l’Islande, naviguent jusqu’à Algésiras et assiègent même Paris). Mais la série vaut surtout pour ses intrigues shakespeariennes et prend un second envol lorsque les fils de Ragnar (la prime à Ivar le désossé, incarné par l’impressionnant Alex Høgh Andersen) commencent à s’asticoter pour le trône de Norvège. Il faut aimer les cris de guerre, le sang et la sueur mais la série initiée par History Channel est un bijou. C’est même contre toute attente, derrière ses démonstrations de virilité guerrière, une série étonnamment... féministe.

En VOD sur toutes les plateformes. Saison 6 actuellement sur Canal+.

 

7 Seconds

de Veena Sud

Ce n’est pas une nouveauté du catalogue Netflix mais sans doute un de ses trésors cachés, non renouvelé pour des raisons incompréhensibles. Mais c’est peut-être mieux comme ça, car l’unique saison de cette série policière se suffit à elle-même. Lorsqu’un jeune Noir de Jersey City se fait renverser à vélo dans un parc par un jeune policier des stups, sa hiérarchie lui conseille de s’enfuir et tente de masquer le crime. Une jeune procureur adjointe (noire elle aussi, ça a son importance) portée sur la bouteille et un policier des affaires internes tentent alors de démêler l’écheveau d’une affaire qui mêle trafic de drogue, impunité policière et tensions raciales. À hauteur d’homme et de femme, la série est un cinglant portrait d’une Amérique post-Obama où les “Black lives” continuent de ne pas compter et où la question du bien et du mal est une question de point de vue. Et de couleur de peau. Passionnant.

Sur Netflix.

 

Histoire(s) de virus

On entend pas mal parler ces temps-ci d’une des conséquences du réchauffement climatique : la possible libération dans l’air de virus emprisonnés dans la calotte glaciaire et le permafrost. Voire de la peste dont le virus serait toujours présent dans les dépouilles décomposées de personnes enterrées au nord de la Scandinavie depuis plusieurs siècles. C’est le postulat de départ de V Wars (pour amateur de dingueries vampirico-zombiesques) : un virus échappé des glaces qui frappe un scientifique et son meilleur ami. Si le premier est immunisé (et ne développe qu’un genre de... grippe), le second se transforme en monstre sanguinaire. Et avec lui quantité de gens qu’il a infectés directement ou pas. Se lance alors une bataille pour lutter contre le virus et une guerre entre les deux amis. Une pure série B à binge-watcher popcorns à la main. Dans le même genre, voir ou revoir The Strain, la série de Guillermo del Toro, aujourd’hui achevée, qui met aux prises le monde avec un virus similaire et un super-vampire nazi. Il faut bien se détendre…

V Wars sur Netflix. The Strain en VOD.

 

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Europe 51 de Roberto Rossellini (1952) avec Ingrid Bergmann, proposé sur la plateforme Mubi

Pour les cinéphiles

Les cinémas étant fermés le temps du confinement, il va bien falloir les nourrir tous ces cinéphiles et autres rats de cinémathèques. Félicitons-nous donc (enfin, nous…) d’avoir inventé Internet avant de nous confiner, car de fait en restant chez soi, on multiplie la probabilité de voir plus de films. C’est que nombre de plateformes ont mis à disposition des catalogues gigantesques. Pour les amateurs de cinéma d’auteur, le site Mubi, particulièrement exigeant, propose (pour 8,99 € par mois) un film par jour (un autre disparaissant, Mubi propose en permanence 30 films disponibles). Classique, LaCinetek, disponible sur toutes les interfaces de VOD, présente des… classiques des grands réalisateurs du XXe siècle recommandés par d’autres cinéastes (d’où un choix particulièrement qualitatif). Un site qui suggère également en SVOD 10 films par mois sous des thématiques diverses (à partir de 2,99 €, VOD et abonnement). Tout aussi pointu, UniversCiné est la plateforme du cinéma indépendant, initiée par des producteurs (environ 5 000 films). Dans la même veine, Fandor propose des films indépendants de tous horizons avec une particularité : 50 % des revenus sont directement reversés aux ayants droit. Encore plus spécialisé et pas moins intéressant, Tënk offre uniquement un catalogue très éclectique de documentaires (6 € par mois, 4 € pour les étudiants, le site est actuellement gratuit pour les abonnés de la BnL). Outbuster de son côté se penche, il fallait y penser, sur les films indisponibles en France (6 € par mois, 3 € le film). Le très élaboré byNWR du réalisateur Nicolas Winding Refn (Pusher, Drive, The Neon Demon), désormais disponible en français, met à disposition des séries B rares, oubliées, cultes en version restaurée qui ont contribué à façonner le cinéaste (pour amateurs hardcore donc). Peu de films mais que des pépites et, pour le moment, c’est gratuit. À noter cette autre ressource gratuite, non des moindres, à l’initiative d’Openculture.com qui a répertorié et classé plus de 1 000 films disponibles sur Youtube, Vimeo ou Internet Archive. Où l’on trouve classiques, chefs-d’œuvre, mais aussi raretés (des courts métrages de David Lynch, Wes Anderson, Christopher Nolan ou Cronenberg pour ne citer qu’eux). Trop sympa également, l’institut Lumière, fermé à double tour, donne accès (sur le Net donc) à de nombreux contenus : souvenirs de rétrospectives, extraits de livres édités dans la collection Actes Sud/Institut Lumière, images issues du festival Lumière, articles de la revue Positif ou encore podcasts des émissions de Radio Lumière. De quoi tenir un moment.

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