Christophe, Barbier de sébile

Cette présidentielle nous fournit chaque jour un rebondissement. Au détail près que nous sommes davantage dans un “film” de BHL que dans une œuvre de Tarantino. Triste spectacle, il faut le reconnaître, que ce personnel politique ne prenant décidément pas la mesure des problèmes des Français – aucun débat de fond, aucune campagne sérieuse – et s’envoyant des torrents de boue plus que des “boules puantes”.

Christophe Barbier dans l’émission Le Grand Journal, le 16 avril 2012 © Kenzo Tribouillard / AFP

© Kenzo Tribouillard / AFP
Christophe Barbier.

Dans cet univers fangeux, un homme se distingue par ses effets de bretteur : le sieur Christophe Barbier, qui ne ménage certes pas ses efforts pour son nouveau champion Emmanuel Macron (désigné par son propriétaire Patrick Drahi), dont Coluche aurait dit qu’il “lave l’eau avant de laver le linge”.

Que Christophe Barbier entreprenne une croisade “mains propres”, pourquoi pas… Mais alors il doit s’intéresser à l’ensemble du trousseau politique français pour être crédible ! Quand, en Italie, l’opération mani pulite mit au jour, au début des années 1990, les agissements malhonnêtes de nombreuses personnalités du monde politique et économique, ce sont plusieurs partis majeurs qui explosèrent et quittèrent la scène, de la Démocratie chrétienne au Parti socialiste italien, en passant par le Parti libéral italien ou encore le Parti socialiste démocratique italien !

Or, dans sa dernière livraison, Christophe Barbier dégaine son pistolet à eau ferrugineuse : si François Fillon est élu président,nous dit-il, “toutes les enquêtes le concernant seront suspendues. Il sera inattaquable. Mais pas sa femme. Une situation inédite pourrait alors se présenter : une première dame convoquée au tribunal, pour rendre compte des faits auxquels son mari serait étroitement associé... alors qu'il serait lui-même dans l'impunité”.

On se pince. La France en péril à cause de la première dame ? Grotesque. Elle a survécu à Mitterrand, aux rois fainéants… et même à Sarkozy ! C’est dire sa solidité. Entendons-nous bien : je ne suis pas en train de défendre le candidat Fillon et, comme de très nombreux citoyens, pour la première fois de ma vie, je ne sais pas encore pour qui je voterai – ni même si je voterai !

J’affirme néanmoins haut et fort que ce manichéisme politico-médiatique est très suspect, qu’il n’échappe pas aux Français et que le tandem Drahi-Macron – le second ayant par exemple favorisé le premier dans le dossier SFR après le départ du revêche Arnaud Montebourg – pose des questions autrement plus importantes, tant sur les plans éthique et financier que stratégique, que l’hypothétique condamnation de l’hypothétique première dame dans un hypothétique procès !

Et si on comptait les milliards ?

En effet, pourquoi Emmanuel Macron (qui soit dit en passant, après son poste à Bercy, connaît tout des dossiers fiscaux de ses compétiteurs et de leur famille) a-t-il favorisé la vente de SFR à la nébuleuse Numéricable (Patrick Drahi) pour 13,5 milliards alors que le Français Martin Bouygues en proposait quinze ? Où est passé le milliard et demi manquant et y a-t-il eu des contreparties ?

La nébuleuse Drahi reconstituée par l’économiste Benoît Boussemart, en octobre 2015. Une nébuleuse en constante évolution.

La nébuleuse Drahi reconstituée par l’économiste Benoît Boussemart, en octobre 2015. Une nébuleuse en constante évolution.

Pourquoi Emmanuel Macron, qui avait touché, selon ses dires, “environ 3,3 millions d’euros de revenus, avant impôts, de 2009 à son entrée au gouvernement, à l’été 2014”, a-t-il déclaré à la HATVP que son patrimoine s’élevait (seulement) à environ 1,2 million d’euros et son endettement à 1 million d’euros – soit un patrimoine net de seulement 200.000 euros ? La différence entre les deux sommes étant de 3,1 millions, où est-elle passée et comment Emmanuel Macron a-t-il pu réellement dépenser 1 700 euros par jour, soit le salaire mensuel médian français ?

Quand le procureur Barbier posera publiquement ces questions légitimes, alors on ne pourra plus le suspecter de favoritisme, ni lui reprocher des tentatives incessantes de manipulation de l’opinion. En Italie, dans l’opération mani pulite, c’est à ce prix – et seulement à ce prix – que les citoyens se rangèrent massivement derrière les procureurs milanais et la justification du financement public des partis fut elle-même perçue comme insupportable : comme en France, elle n’avait en rien empêché la corruption !

Alors, monsieur Barbier, chiche : allons plus loin, lavons plus blanc que blanc, lavons l’eau avant de laver le linge et demandons des comptes à tous les hommes publics, pas seulement à ceux qui ont le malheur de déplaire à votre actionnaire-résident fiscal suisse, pour lequel vous vous dépensez avec tant de zèle en vous faisant passer pour un (toujours) journaliste.

Mais attention : dans ce monde glacial et sépulcral que vous appelez de vos vœux, celui de la finance sans frontières, ni foi, ni loi, celui de “l’ennemi sans visage” et pour tout dire de l’anti-France, une fois votre besogne accomplie, vous pourriez vous retrouver “inutile et sans usage”, pour reprendre un texte du regretté Daniel Darc, qui lui n’avait pas besoin d’écharpe rouge pour “faire peuple” et toucher le cœur des gens. Vous avez atteint votre plafond de verre. Et le verre semble épais.

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